La chambre à gaz

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Je regarde autour de moi, et une sueur froide me court le long du dos: nous sommes piégés comme des rats. Je ne réagis pas tout de suite quand des volutes de fumée se dispersent dans la salle, passant par les ouvertures, les grilles d'aération, les dessous de portes des bureaux.
C'est quand je me met à tousser à en cracher mes poumons que je me rends compte que cet endroit est destiné à nous gazer. Deux personnes, un candidat et un prisonnier tombent à terre, et l'un d'entre se met à vomir sur le sol de la banque. Jusque là, tout le monde était silencieux et interdit. C'est en voyant tomber ses deux là que tout le monde se rend compte qu'on va mourir: les prisonniers bondissent sur les coffres fort, repoussant les candidats pour tenter d'attraper le seul masque du coffre.
Je comprends, maintenant : même si c'était ton ami qui était en face de toi, tu devais le tuer. Sinon, il mourra gazé, et ses souffrances seront terribles... Mais pourquoi les portes viennent seulement de se refermer, alors que certains candidats sont déjà sortis...? 
- Si je n'avais pas marché jusqu'à la porte, elles ne se seraient pas refermées... gémit Tim, en jetant un regard aux candidats à terre, qui se vidaient littéralement, tantôt du sang, tantôt les maigres repas dont ils avaient profité grâce à leurs points.
Je remarque un papier dans mon masque, et sans prendre le temps de le regarder, je le met dans ma poche de bras, et enfile mon masque à gaz. Je montre d'un signe de tête le coffre ouvert d'un des candidats à terre. Le masque y était encore, parce que la fille n'avait pas eu le temps de l'attraper tellement sa toux avait été soudaine et violente. Tim bondit dessus, et l'enfile, puis me regarde pour savoir quel était le plan.
Il n'y en avait pas. Je ne savais pas si j'allais trouver une issue avant de mourir, où si j'allais mourir gazé en regardant mon meilleur ami tomber avant moi.
Je cherche des yeux une fenêtre, mais dans une banque, c'est  ce qu'il y a rarement, sûrement pour éviter les cambriolages ? Peu importe, si je survis, je fonce leur dire de mettre des fenêtres ! Mes pensées deviennent absurdes ! Je m'en rends compte, et ça me fait rire. Par contre, Tim, ça ne le fait pas marrer ! Il soupire en me regardant, secoue la tête et souffle encore, en me poussant vers la porte d'un bureau.  Il est pressé ? Je rigole à nouveau: c'est horrible, ce gaz hilarant ! Je sens que je chute dans l'absurde, mais j'y vais les bras ouverts! Je veux me reprendre, me secouer et reprendre la situation en main, mais rien que voir Tim me fait hurler de rire.
Je tombe à genoux, pris d'une quinte de toux à cause de mon rire sans fin, et vois entre mes doigts couler un liquide rouge.
"Non, ce n'est pas de la grenadine !" "je me hurle à moi même.
Il faut que je me rende compte que je crache du sang ! Oui, je crache du sang ! Je suis deux dans ma tête ( l'idée me fait rire, et Tim me donne un coup de coude dans les cotes ) : Une partie de moi, complètement ivre à cause du gaz veut juste rire, et dédramatise la moindre chose. L'autre partie veut se réveiller, et elle tente de convaincre l'autre moitié de se rendre compte de la gravité de la situation.
Tim referme la porte derrière nous, envoie un coup de poing à un des candidats qui tente de rentrer, et met le verrou. Le bureau est petit, mais il y a bien une fenêtre.
- On va sauter ? je glousse, en regardant mon ami avec un air sûrement ridicule, car il souffle encore. Il replace mon masque, et hoche la tête.
- Il faut casser la vitre. Trouve un truc lourd, on le lancera dessus.
Je hoche la tête, et pointe mon index sur le bureau en éclatant de rire.
" Purée, Léo, reprends-toi, ça devient pathétique ! "
Je regarde de tout les cotés, et attrape un presse papier, que je balance sur la vitre de toutes mes forces. L'objet en métal passe à travers en faisant un trou net au milieu de la vitre. Tim sursaute: Ah, oui, je l'avais pas prévenu.
La chaise  à roulette y passe aussi, puis un petit meuble à tiroir que nous devons prendre à deux.
Je me penche pas dessus l'appui de fenêtre. Je ne savais pas qu'on était si haut ! Les trois mètres qui nous séparent du sol pourraient nous être fatals ! Je hausse les épaules: après tout, si c'est le seul moyen de sortir d'ici, et de se libérer de ce masque qui m'étouffe encore plus qu'un feu ?! 
En contrebas , les candidats restants, ou qui étaient parvenus à sortir de la banque  couraient en tout sens. D'autres tombaient en toussant, et j'entends Tim en déduire que le gaz se répand aussi dehors.
Dehors? Là où on est censé être en sécurité ?? Cette épreuve est faite pour faire le ménage parmi les concurrents.
J'enjambe l'appui de fenêtre, et met mes jambes dans le vide. Puis je me laisse tomber, et atterris lourdement sur les pieds, dans un buisson de ronces. L'une d'entre elles me déchirent l'épaule droite dans toute sa longueur, et le dissolvant de ma tenue me fait reprendre mes esprits. Je hurle de douleur, et bien que le cri soit étouffé par le masque, quatre personnes masquées se retournent pour voir qui est en train de douiller. Douiller, c'est un faible mot ! Enfin bref. Tim me rejoint, et pousse un gémissement quand sa cheville émet un craquement inquiétant à la réception.
- Tu peux quand même marcher ? je demande, inquiet de l'état de mon ami: il blanchissait à vue d'œil !
- Ne t'arrête pas pour moi ! T'as des jeux à gagner !
Je refuse: je ne l'abandonnerais pas, je le ferais repartir chez lui... Pas comme avec Assou.
Je l'attrape par dessous les bras, et l'aide à marcher jusqu'à un banc, devant la façade de la maison de Jo. Non pas que je voulais aller m'assoir à celle là, mais parce le banc m'avais l'air confortable, et que Tim n'était pas capable, avec sa cheville en morceau, d'aller plus loin.
Le gaz m'embrouille encore un peu mes pensées, mais je parviens à prendre le dessus sur les pensées absurdes qui me traversent de temps en temps l'esprit.
Je reprends le papier dans ma poche, et le regarde pour savoir où se trouve la clé.

" Nous savons tous ce que tu ressentais... Alors comme nous ne t'avons pas vraiment laissé de temps pour la connaître, nous te donnons un petit moment avec elle... Vas-y, et reviens avec la clé"

Mais c'est pas vrai !! Les Créateurs pensaient vraiment que j'aimais Jo ? Je fulmine: après tout, pourquoi ne pas y aller ? Je pourrais me venger en...
Non, là, tu déconnes, Léo...

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