Repos...

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Assou se rattrape à moi comme il peut, et je tangue violemment sous le poids du géant. Il me sourit de toutes ses dents blanches, comme si ce qui avait faillit se passer n'était pas grave pour lui.  Je lui presse l'épaule, mais Jo, qui a déjà avancé, nous crie de nous dépêcher. 
Nous courons  sur la planche pour éviter de perdre une place dans le classement. Ma tête bourdonne, j'ai tellement peur que tout tourne autour de moi. Nous arrivons devant  le mur gélatineux, et Assou tends un bras par dessus Jo, et l'enfonce dans la matière noire, et celui-ci disparait de moitié.
- Vas-y, Jo, on a pas le temps de se  demander ce qu'il y a de l'autre coté ! souffle mon ami en poussant à deux mains la jeune fille. Elle s'infiltre dans le mur, et disparait. Assou l'imite, et je me retrouve seul sur la plateforme. Les concurrents crient, hurlent, pleurent, tombent, mais je n'entends plus que mon cœur qui bat mes tempes, ma poitrine, mes doigts... ma respiration saccadée prends le dessus, et je tourne la tête vers le corps du premier tombé sur les pics.
" Je pourrais faire pareil... Sauter tant qu'il est encore temps... Je n'ai aucunes chances,  autant tout terminer tout de suite. Je pense à Leïla, qui n'avait pas pensé une seule seconde qu'elle mourrait avant même d'avoir posé le pied sur la planche. Elle est morte alors qu'elle pouvait gagner ce foutu concours. Mais peut-on encore appeler cela un concours ?  C'est une mise à mort, lente et terriblement terrifiante.
Je marche un peu plus vers le mur. A cause de moi, Assou et Jo doivent s'inquiéter, et perdre des places dans le classement. Alors je plonge dans le mur noir.
Je tombe de l'autre coté, dans une pièce humide et froide comme les couloirs des sous-sols. en me voyant m'étaler par terre, Assou vient me relever et Jo me sert dans ses bras:
- Mais qu'est ce que tu foutais de l'autre coté ?! On a cru que les tireurs t'avaient eus !
Je secoue la tête, mais garde le silence. Jo comprends que ce n'est pas la peine de me demander plus de chose. Je me tourne vers Assou, et lui donne une accolade amicale dans le dos ( enfin, je ne pense pas qu'il l'ai senti, vu sa carapace de muscles !).
- Mais toi, tu t'es pas rendu compte que la plateforme tombait ?? On aurait dit que tu faisais des claquettes ! Non, sérieux, tu ne pouvais pas sauter, au lieu de faire l'abruti ?! reproche Jo à Assou.
- Si j'avais sauté directement, je vous aurais fait tomber tout les deux. J'ai préféré attendre que tu t'éloignes, et que je puisse prendre ta place. explique Assou, en marchant vers un coin de mur, où il se laisse glisser jusqu'à terre.
- Où sont les autres ? je demande, en regardant autour de moi, pour être sur que nous étions seul. Ils n'ont pas le temps de me répondre, un grand panneau s'allume, et commence à énumérer les morts de cette épreuve. Je vois Assou les compter, et Jo place sa tête dans ses genoux.
- "Leïla Auckman" annonce la voix off de l'écran. Aucun de nous ne lève les yeux.  Je ne pleurerais pas pour elle. Pas maintenant en tout cas. Jo tords ses doigts en silence, et fixe le mur en face d'elle sans afficher la moindre émotion. La voix termine d'annoncer les victimes, et l'écran se tourne, pour afficher : "boisson, médicaments, sandwichs".
Assou se lève, mais je le retiens avec peine par le poignet:
- Ne gaspillons pas nos points. Ce n'est que la première épreuve, ce n'est pas comme si nous étions morts de soif ou de fatigue. On doit les économiser si on veut pouvoir reprendre des forces quand on en aura réellement besoin.
Assou me sourit, et range sa carte dans sa poche, avant d'en ressortir une.
- C'est la tienne. J'avais oublié de te la rendre.
Il me la tends, et je la range dans ma poche, et cale ma tête dans le coin du mur, froid et humide, peut-être, mais ça me permet de fermer les yeux quelque instant et de me concentrer sur ma respiration.
- D'après la fille qui s'est faite tirer dessus tout au début, une certaine Mélina, si je ne m'abuse, les créateurs de la boîte n'ont pas donné toutes les informations avant de lancer le concours. commence Jo, en plongeant ses yeux dans les miens.
- Pourquoi, tu penses qu'ils l'auraient dit qu'ils allaient nous tuer en nous fusillant ? je ricane, en repensant à la conversation d'hier.
- Tirer sur des concurrents, c'est illégal, je me demande comment ils font pour être encore en activité ! Et puis, comment ils annoncent aux familles des candidats qu'ils ont tués leur enfants, parce qu'ils ne voulaient pas participer ?! rétorque Jo, en virant au rouge.
Je hausse les épaules:
- Personne ne peut se plaindre chez les candidats, parce qu'ils les tuent .
- Pas le vainqueur. me coupe Assou, qui nous observait débattre. Il n'y a qu'une seule personne qui n'est pas tuée, c'est le vainqueur. Mais je pense qu'elle est tellement traumatisée par ce qu'elle a vu et subit qu'elle est enfermée dans son mutisme.
- C'est invraisemblable... les gens devraient se poser des questions ! s'offusque Jo.
Assou hausse les épaules, et cale ses bras derrière sa tête:
- On devrait dormir:  vous pouvez compter sur eux pour nous réveiller.
Il ferme les yeux, et Jo s'allonge entre nous. Toujours assis, je ne parvient pas à fermer les yeux ne serait-ce que dix secondes. Je dois être réveillé pour entendre les consignes de la prochaine épreuve. Sinon, on risque de perdre l'un de nous. Nous étions quarante. Désormais, et jusqu'à la prochaine étape, nous sommes 29.

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