Ma tête résonne de toutes parts...
J'ouvre les yeux, et le monde danse autour de moi... Ma vision est trouble, blanchie...
Je me redresse lentement, péniblement, en souffrant le martyre à chaque respiration... Je porte une main tremblante à mon flanc droit: je la porte à mes yeux, maintenant ensanglantée...
Je me lève en tremblant, et regarde l'endroit où j'ai atterri: heureusement, j'étais tombé dans l'herbe, ce qui avait un peu adouci la réception. Enfin, ma tête avait tout de même violemment claqué sur le sol, et du sang me coulait dans le cou jusqu'entre les omoplates.
Je titube sur le gazon, et rejoins Jo, toujours allongée sur le sol, en remarquant avec peine qu'elle était tombé sur le béton...
Je m'agenouille à ses cotés, et secoue son épaule pour lui faire reprendre ses esprits.
- Jo, lève toi ! les tireurs vont arriver, si ils nous voient là ils vont nous tuer sans aucune hésitation !
Un mouvement à ma droite attire mon attention: deux candidats courent vers une maison, où ils s'engouffrent en vitesse. Je baisse les yeux vers le corps de mon amie, et un terrible sentiment m'envahit: je l'attrape et la retourne sur le dos: une longue balafre bleutée lui ouvre le front et un long filet de sang lui coule sur le visage. Je la secoue et ses yeux s'ouvrent un peu, pour me regarder:
- Léo ? Je ...
Sa voix se coupe le temps qu'elle respire, et sa tête tombe contre mon bras. On a pas le temps d'attendre qu'elle se remette de sa chute: je l'attrape par dessous les bras, me lève tant bien que mal, et fais quelque pas sur le béton: Jo se rattrape à plusieurs reprises à mon bras, et je sens qu'elle fatigue. Je traverse la rue en la portant tant bien que mal, et je la cache dans une ruelle entre deux maisons. Après avoir regardé autour de nous pour vérifier que les tireurs n'étaient pas là, je m'assied près de mon amie, qui pâlit à vue d'œil:
- Tu as mal quelque part ? je lui murmure, en attrapant sa main. Elle tourne lentement la tête vers moi, et ses yeux se perdent dans le vide... Elle porte une main à sa côte gauche, et tique de la paupière. Je regarde alors où elle a posé sa main, et prends peur:
- T'es blessée ?? Ho non, purée je t'ai fait bouger ! Tu pouvais pas me le dire ??
Elle dodeline de la tête, et crachote du sang, qui lui tombe le long du menton. Ses yeux à moitié fermés pleurent, et mon cœur se brise:
- Jo... Reste avec moi s'il te plait! On va gagner, à deux ! Aller...Regarde moi !
J'attrape son menton, et l'oblige à me regarder:
- Concentre toi sur ma voix: ne pense à rien d'autre, d'accord ??
- Je veux... articule péniblement mon amie, je veux...
- Quoi ? Qu'est ce que tu veux ?
Un bruit de pas me fait taire, et je plaque une main sur la bouche sanglante de Jo, en espérant de tout mon cœur qu'un tireur ne nous ai pas entendu.
Le bruit s'éloigne finalement, et je tente de ralentir mes battements cardiaques:
- C'est bon... Qu'est ce que tu voulais, Jo ? je murmure en m'apprêtant à regarder mon amie... Mais je n'ai pas le temps: une voix forte éclate :
- Ils sont là !!
Mon cœur fait un bond : avec Jo dans cet état, autant dire qu'on est mort, d'autant plus qu'on est coincé dans une ruelle en cul de sac ! Je me retourne d'un bond, et mon souffle se coupe: l'homme en gris me regarde, un sourire bestial étirant son visage de requin:
- Bah alors, on est piégé, la souris ? ricane-t-il.
Deux tireurs arrivent derrière-lui, et fusils à la main, les pointent vers moi.
- Vous allez tirer ? je rétorque, en me levant, abandonnant Jo à un sort funeste, mais je ne le savais pas encore à cet instant précis. Je regarde rapidement autour de moi: une seule fenêtre donnant sur la rue où on était pouvait me permettre de m'échapper, mais Jo risquait d'être trop faible pour la franchir. Située un peu derrière nous, j'avais, avec un peu de chance, les moyens de la briser et de m'engouffrer dans la maison. La douleur à mon flanc droit me rappelle que si je franchis une nouvelle fois une vitre, je risque de ne pas subir qu'une petite blessure... Les hommes s'avancent un peu plus vers Jo, mais heureusement, ils ne semblent pas remarquer mon issue de secours. Je tente de faire des appels silencieux à Jo, mais elle reste stoïque, plongée dans un mutisme presque effrayant.
- Jo ! Lève toi ! je lui intime alors, peu inquiet de ce que peut dire l'homme en gris.
- Tu n'as pas compris ? Tes appels sont vains mon gaillard ! Cette fille est morte !
Je relève la tête vers l'homme. Sans le lâcher des yeux, je marche vers Jo, le cœur battant un peu plus vite à chaque pas qui me rapproche d'elle: c'est impossible. Je dois rester impassible. Ce monstre ne peut pas avoir raison. Jo est bien plus forte que ça !
Je me penche sur mon amie, maintenant allongée sur le sol, la tête contre le bitume, et constate avec stupeur que ces yeux, à défauts d'être ouverts, étaient recouverts d'une pellicule laiteuse, rendant ses pupilles bleues presque grises...
Je déglutis péniblement: le général se rapproche d'un pas lourd, et j'aperçois du coin de l'œil le bout de son pied qui remue en rythme avec une chanson inaudible.
- Tu vois la souris, quand le chat meurt, les souris dansent ! J'avoue avoir changé l'expression, mais bon, qui m'en voudra ?!
Je garde mes yeux baissés, mais sert mes poings de toutes mes forces , mes ongles sales et longs me rentrent dans la paume et me maintiennent conscient...
Le général lève alors le pied, et le pose sur la main de Jo, qui émet un craquement sonore: je sursaute violemment, et tente de retirer l'énorme botte de cuir de la main de mon amie: il me repousse sans peine, et je m'étale par terre en grimaçant de douleur en sentant ma blessure s'élargir en prenant maintenant la taille d'un poing fermé.
Les yeux emplis de rage, pleurant de colère et de douleur, je me redresse péniblement, et titube vers Jo: l'homme en gris continu son carnage, marche maintenant sur son avant bras, qui semble s'aplatir en se vidant de tout ce qui peut s'y trouver ... Un des soldats m'attrape par le bras, pour m'immobiliser, et je laisse ma tête retomber sur mon torse, incapable de remuer plus, impuissant.
A travers mes larmes, je regarde le visage de Jo, torturé, strié de cicatrices plus ou moins récentes, et un détail soudain me fige: sa bouche se déforme en un cri silencieux, mais de façon si faible que je semble être le seul à le remarquer: puis son sourcil droit se relève faiblement, et une larme dévale sa joue pour s'écraser au sol : Elle est vivante.
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La boîte
Ficción GeneralJe pensais que c'était une sorte de concours. Jamais je n'aurais cru que ça allait se passer comme ça. Je ne connais personne. Et personne ne me connait. De toutes façons, qu'est-ce que cela peut faire ?! A la fin, il n'y aura plus personne.