3. LA RENCONTRE

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   Ophélie reconnut la dresseuse de chimères de la Caravane du Carnaval à sa peau d'ébène et ses cheveux dorés. La Totémiste se trouvait devant une magnifique roulotte rouge éclaboussée de paillettes d'or qui reflétaient la lumière ambrée du soleil de fin d'après-midi. A la vue de cette femme splendide, une pointe douloureuse lui percuta le thorax.

— On s'est déjà rencontrés, n'est-ce pas ? demanda la circassienne devant le regard plus qu'insistant qu'Ophélie portait à son égard.

— Mon ami Renard, il vous appréciait, je crois. Vous l'avez rencontré au Pôle il y a quelques années.

La femme lâcha un rire spontané.

— Je rencontre beaucoup de monde et je n'ai pas la mémoire d'un Chroniqueur !

Elle scruta à son tour Ophélie sans aucune retenue, ses prunelles aux reflets aussi dorés que ses cheveux analysant chaque parcelle du corps de son étrange spectatrice, avant de déclarer :

— Tu devrais proposer un numéro ici.

Ophélie releva le nez et les sourcils vers les yeux envoûtants qui lui faisaient face.

— Je t'ai vue, avec ton écharpe. Et le miroir tout à l'heure. Tu aurais des choses à montrer. Un numéro comique peut-être.

Ophélie ne se sentit même pas vexée par cette dernière remarque.

— Non merci. J'ai d'autres projets.

— Et puis, il paraît que c'est une jeune femme à lunettes et aux gants animés qui aurait sauvé le monde... insista la dresseuse tandis qu'Ophélie était sur le point de reprendre son chemin.

Celle-ci ne répondit pas.

— En tout cas, puisque tu as l'air d'être une habituée, passe nous revoir, à l'occasion. Sur une autre arche peut-être. Je te laisse ma carte.

La Totémiste tendit à Ophélie un morceau de papier cartonné scintillant d'or où était inscrit :

EFIA

TOTÉMISTE

DRESSEUSE DE CHIMÈRES

LA CARAVANE DU CARNAVAL

Venez éveiller votre part animale

Ophélie avait du mal à décoller ses lunettes des lettres dorées. Qu'inscrirait-elle, elle, sur sa carte si elle acceptait de faire partie de la troupe ?

OPHÉLIE

ANIMISTE

ARTISTE CLOWN

LA CARAVANE DU CARNAVAL

Elle a perdu ses mains. Aidez-la à les retrouver.

Encore une aiguille plantée dans son ventre. Ce ventre qui lui était de plus en plus douloureux ces derniers temps. Physiquement.

Devant la mine affligée d'Ophélie, la dresseuse reprit la parole :

— On remballe là, on reprend la route ce soir. Réfléchis vite.

Ophélie décida alors de rentrer chez elle. Enfin, chez Lazarus. Pour l'instant, elle vivait sur les réserves de l'explorateur. Puisque celui-ci n'était pas près de revenir, coincé lui aussi dans l'Envers, elle avait décidé d'établir de nouveau ses quartiers dans la maison du vieil homme.

Les Oubliés de la BrumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant