— Archibald ! Vous m'avez fait peur ! suffoqua Ophélie.
Que faisait-il ici, seul dans cette maison dépourvue de ses hôtes ? Avec le Mille-Faces, Ophélie avait pris l'habitude de se méfier des apparences. Mais elle se rendit vite compte que ce ne pouvait être un imposteur, quand Berenilde, tante Roseline et une petite Victoire endormie dans les bras de sa mère débarquèrent à leur tour, sans aucune surprise de trouver l'ancien ambassadeur du Pôle.
— Vous êtes en retard, Archibald. Ça fait des jours qu'on attend de vos nouvelles. Vous savez que je déteste ce genre de comportement, depuis... depuis les événements passés.
— Et puis dans votre état... rajouta la tante Roseline.
Archibald fit mine de ne pas entendre les jérémiades de ces dames et se dirigea droit vers Victoire. Les traits de son visage semblaient aussi radieux qu'un amoureux éperdu. Il avança la main, et caressa la joue de la fillette endormie.
Le contraste entre son expression, pleine de chaleur, et celle de la maman de Victoire, emprunte d'anxiété, était saisissant. Oui, depuis les derniers événements, notamment la longue convalescence de sa fille, qui fut plongée dans un coma étrange, son anxiété pour sa toute petite avait l'air de s'être encore accrue.
Ophélie se racla la gorge, ayant l'impression de déranger, de ne pas faire partie de ce si joli tableau de famille. Elle était pourtant la marraine de l'enfant. Mais elle n'avait jamais vraiment pris ses responsabilités vis-à-vis de sa filleule.
— Je vais la coucher, murmura Berenilde.
Roseline soupira en regardant la maîtresse des lieux monter les marches du manoir.
— Je vais monter aussi. Ophélie, tu devrais en faire autant.
— Je ne suis pas fatiguée, j'ai dormi toute la journée.
— Tenez-moi compagnie, Madame Thorn, proposa Archibald. Qu'on papote un peu, comme au bon vieux temps.
C'était bien l'intention d'Ophélie. Elle voulait savoir ce qui s'était passé en son absence. Elle avait mille questions, sur l'état de l'ex ambassadeur ; dans une autre mesure, celui de la cour aussi. Elle s'apprêtait à lui répondre quand elle entendit un grondement. Un grondement venant de son ventre. Elle prit conscience qu'elle n'avait pas mangé depuis trop longtemps.
— J'ai faim, moi aussi, comprit l'ancien membre de la Toile. Je vais vous confectionner un en-cas, vous m'en direz des nouvelles, chanta-t-il en se dirigeant vers la cuisine. Bonne nuit, ma chère Roseline.
Ophélie embrassa sa tante avant de rejoindre l'ex-ambassadeur dans la cuisine.
— Alors, racontez-moi tout, petite Animiste, commença ce dernier en ouvrant et refermant les placards pour prendre les ingrédients qui l'intéressaient.
— J'ai... J'ai beaucoup de choses à vous dire, souffla Ophélie. Je le cherche toujours...
— Qui ça ? Ah ! se tapa-t-il le front. Votre mari, bien sûr ! Je ne comprendrais jamais votre obstination. Maintenant que vous pouvez enfin vous en débarrasser, voilà que vous ne pouvez plus vous passer de lui. Vous aurez passé votre vie à vous courir après, tous les deux.
Il s'approcha, tout près, trop près d'Ophélie, et chuchota, tout en regardant vers la porte pour bien voir s'ils étaient seuls :
— Avez-vous au moins consommé votre mariage ?
— Achibald, taisez-vous.
Ophélie regarda alors son ami à travers ses lunettes colorées par l'agacement. Elle s'aperçut des changements physiques dont il était sujet. Il n'avait jamais été bien gros, mais il flottait maintenant dans ses vêtements. Le plus impressionnant était de voir son visage aux traits abîmés. Archibald, qui avait un air jovial accroché au nez en toute circonstance... La maladie voilait pourtant ce masque.
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Les Oubliés de la Brume
FanficFanfiction de la saga La Passe-Miroir. ATTENTION : cette fanfic est une suite du tome 4 de la Passe-Miroir. Si vous n'avez pas lu la saga jusqu'au bout, mieux vaut passer votre chemin sur cette histoire pour l'instant. C'est le big spoil assuré ! (M...