4. LE SIGNE

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   Ophélie attendit plusieurs sonneries de téléphone avant de se décider. Il arrivait de temps en temps que l'objet se manifeste, mais elle ne répondait jamais. Lazarus était très apprécié sur Babel, et il y avait certainement encore quelques personnes pour vérifier de temps en temps que l'explorateur ne soit pas revenu.

Un écho perturba une des sonneries. Le premier dont Ophélie était témoin depuis des jours.

Elle finit par décrocher. Personne ne lui répondit. Seul le grésillement de la ligne se fit entendre. Sans lâcher le combiné, ses pensées turbinaient.

Longtemps elle avait espéré un signe de Thorn. Une caresse, une silhouette, une ombre, comme lorsque Ambroise Ier lui était apparu au bord du gouffre de Babel ou au Colombarium.

Elle savait qu'il y avait peu de chance que cela soit possible. L'ami de Lazarus ne se faisait plus remarquer depuis que les terres anciennes avaient repris leur place dans l'Endroit. Il avait mis des mois, des années avant de comprendre comment communiquer avec Ophélie depuis l'Envers. Et maintenant que le monde s'était reconstruit, il semblait qu'il ne pouvait plus y accéder. Que les deux dimensions étaient devenues totalement hermétiques l'une à l'autre. Alors comment Thorn, novice dans ce monde inconnu qu'était l'Envers, pourrait réussir l'exploit de venir à elle ?

Pourtant, cette fenêtre ouverte, ce coup de téléphone... Cela lui redonnait tant d'espoir. Elle redressa son dos avachi par le poids de l'affliction. Elle était tentée de mettre les lentilles noires devant ses yeux pour voir si Thorn se trouvait bien là. Mais si ce n'était pas le cas, tous ses espoirs auraient été anéantis. Elle préféra rester dans le doute. Dans l'espérance.

— Je vais partir avec la Caravane du Carnaval. J'irai te chercher sur toutes les arches s'il le faut, dit-elle dans le combiné.

Rien ne lui répondit. Elle finit par raccrocher. Mais elle avait une nouvelle stratégie.

Elle prépara ses affaires en quatrième vitesse. Une tenue de rechange, une gourde, une paire de bésicles aux lentilles noires, la carte d'Efia, la dresseuse de chimère. Rien de plus.

Elle se concentra sur la psyché de la chambre pour retrouver la Caravane via le miroir aux rêves dans lequel elle était apparue quelques heures plus tôt, puis plongea le bras vers son nouveau destin.

Celui-ci n'était peut-être pas pour tout de suite. Sa paume de main cogna contre une surface rugueuse et dense. Elle sentait les échardes qui cherchaient à percer le tissu de ses gants. Le miroir devait déjà être rangé dans un coffre de bois, prêt à partir pour une autre arche.

Elle ne perdit pas de temps, extirpa sa main du miroir, se précipita vers les grandes portes d'entrée de la maison de Lazarus pour les claquer derrière elle. Elle partit à toute allure en direction de la Caravane. Ils étaient peut-être déjà loin. Il fallait qu'elle se dépêche.

Elle courut après le tramoiseaux qui surplombait maintenant des morceaux de terres anciennes réapparues depuis quelques semaines, elle courut pour éviter la foule restante des anciens-nouveaux habitants plantés au milieu des routes et trottoirs, elle courut sur le chemin goudronné qui avait accueilli le cirque itinérant ces derniers jours. Mais il ne restait que des guirlandes de papier abîmées échouées sur le sol, des bâtons de barbes à papa et pommes d'amour, des prospectus et cartes du programme de la Caravane du Carnaval. "Si vous voyagez à travers les arches, voici nos prochaines escales : Plombor, Le Pôle, Anima. Nous reviendrons bientôt ! "

Le souffle d'Ophélie marqua un arrêt à la vue du nom de ses deux arches de cœur. Elle ne pouvait pas passer à côté d'une telle opportunité. Si cela ne fonctionnait pas, le cirque lui donnerait au moins la possibilité de revoir ses proches.

Elle reprit son chemin le plus vite possible. Un nuage de poussière volait à ses pieds tandis qu'elle s'élançait de nouveau sur la grand route, dont la terre recouvrait ça et là le goudron érodé. Elle aperçut un badaud à quelques mètres. Courant vers lui, elle hurla, essoufflée :

— Monsieur ! Monsieur !

Arrivée à son niveau, elle se rendit compte du regard naïf qui se plongea dans ses lunettes. C'était un ancien-nouveau habitant. Un survivant. Une homme resté une éternité dans l'Envers. Incapable de parler. Simplement d'observer avec curiosité tout ce qui l'entourait. Elle le prit par les épaules, tenta d'accrocher son regard au sien. Il paraîtrait que certains avaient commencé à sortir quelques balbutiements, parfois même un mot ou deux. Peut-être que celui-ci pourrait au moins lui indiquer une direction.

— Le cirque, vous l'avez vu partir ? Par où est-il parti s'il vous plaît ?

L'homme la regardait avec une attention démesurée, les yeux brillants d'intérêt en voyant les lunettes d'Ophélie changer de couleur. Mais aucun son ne sortit de sa bouche légèrement entrouverte sur son visage étonné.

Elle abandonna, partit de nouveau en courant sans même prendre le temps de dire au revoir, décidée à ne pas s'arrêter jusqu'à ce qu'elle rencontre quelqu'un d'autre. Heureusement, ce ne fut pas long. Un petit groupe de personnes jouait au volant, en se faisant passer l'objet orné de plumes multicolores d'un pied à l'autre.

— Excusez-moi, je cherche le cirque, les interrompit-elle.

— Le cirque ? Bah il est parti, ça se voit pas ? Il faut changer vos lunettes ma petite dame.

Ophélie secoua la tête frénétiquement.

— Je sais qu'il est parti. Mais je cherche à le rattraper. Savez-vous où se trouvent leurs dirigeables ?

— Aucune idée, grommela une femme en lançant le volant sur son pied. Mais s'ils sont malins, ils partiront comme tout le monde de l'amphithéâtre. Avec tous ces habitants des terres anciennes, pas moyen de faire les choses comme il faut sans manquer d'en écraser un. Au moins, l'amphithéâtre est gardé de près. Et ils sont à l'abri des regards curieux, là-bas.

Un frisson glacial sillona le dos d'Ophélie. La dernière fois qu'elle était allée à l'amphithéâtre, elle avait failli prendre un dirigeable prêt à s'écraser entre les arches, avec tous les autres non natifs de Babel. Mais elle n'avait pas le choix.

— Merci ! cria Ophélie déjà en route.

Elle ne pouvait pas se permettre de louper le cirque. Elle s'en voudrait tellement d'avoir laissé passer cette opportunité.

Elle dut reprendre un tramoiseaux qui voguait au-dessus de la mer. Plus la mer de nuages comme c'était le cas avant la reconstruction du monde ; non, la vraie mer, celle qui était ressortie de l'ancien monde lorsque l'Autre avait repris sa place dans l'Envers. Ce n'était pas la première fois qu'elle la voyait au dessous d'elle, habituée maintenant à la vaste étendue d'eau accrochée aux arches de Babel et qui en reliait certaines. Mais elle était toujours très étonnée, même impressionnée par ce panorama inédit. C'était quelque chose de nouveau, la mer, comme il l'appelait dans l'ancien monde, avant la Déchirure.

Le trajet terminée, le tramoiseaux bien amarré à la terre ferme, Ophélie descendit sans attendre sur le quai et courut en direction de l'amphithéâtre qu'elle apercevait au loin, en ignorant l'appréhension qui tentait d'inonder ses espoirs.

— Eulal... Ophélie ! entendit-elle à quelques mètres du quai.

Elle s'arrêta net en entendant cette voix qu'elle connaissait bien.

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Bon, cette fois-ci, facile à deviner 😋A qui appartient cette voix familière à votre avis ?

Sinon, une p'tit surprise pour le prochain chapitre. Un autre point de vue, ça vous tente ? Mais qui peut bien être cette mystérieuse personne qui va prendre les rênes du chapitre 5 ?

Merci à vous de me lire, spécialement ceux qui prennent le temps de voter, de commenter, c'est super encourageant

A ce week-end pour la suite ? 😉

Les Oubliés de la BrumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant