Les jours suivants, Ophélie entra tous les jours dans le Miroir. Mais chaque fois, ce fut la même expérience. Elle n'entrait qu'à moitié dans la bulle, toujours la même, où cet autre miroir était en lévitation. Elle essayait d'aller plus loin, comprendre où elle se trouvait, comment elle pouvait en savoir davantage sur cet endroit. Mais rien n'y faisait, elle restait coincée et n'apprenait rien de plus.
Aussi, quand Waban vint la chercher à la fin de la semaine, il fallait prendre une décision. Elle pouvait rester ici, pendant des mois, peut-être des années sans retour en arrière. Rien ne lui promettait de réussir à percer le mystère du Miroir, de se trouver au bon endroit pour arriver jusqu'à Thorn. Elle pouvait aussi repartir avec la Caravane, qui se rendait au Pôle.
Là-bas elle espérait trouver des traces de son mari. Elle se rappelait que lors de son passage dans l'Envers, elle avait atterri dans des endroits qu'elle connaissait. Il serait logique que Thorn passe par le Pôle. Peut-être avait-il trouvé un moyen de communiquer ? Peut-être que Berenilde en saurait davantage ? Si Ophélie pouvait rejoindre Thorn, ce serait sûrement au Pôle.
Et si ce n'était pas le cas, ce voyage aurait au moins le mérite de la ramener vers une de ses maisons et lui permettre de revoir certains de ses proches. Elle pensait à sa tante Roseline qui était restée auprès de Berenilde et sa fille, à Archibald dont le temps était compté, à Victoire, sa filleule, qu'elle connaissait si peu.
Oui, même si c'était une décision douloureuse, même si elle était persuadée de se trouver à la porte de l'Envers, elle n'en possédait pas la clé ; il valait mieux repartir pour la dénicher ailleurs.
Elle fit donc ses au-revoirs aux moines, en expliquant qu'elle reviendrait bientôt avec d'autres éléments qui les aideraient tous à comprendre ce qu'il y avait au-delà du Miroir. Puis Waban et elle reprirent la route, et firent le chemin qu'ils avaient difficilement parcouru une semaine auparavant, dans le sens inverse.
Ophélie ne s'était pas habituée aux températures extrêmes entre temps. Bien au contraire. Elle eut froid jour et nuit dans la Chapelle, et là, ce voyage tombait comme un couperet sur sa tolérance à ces conditions insupportables.
Elle aurait aimé parler avec Waban de tout ce qu'elle avait vécu durant ces quelques jours de séparation, mais elle préféra garder son énergie pour lutter contre cette nature hostile.
Ils parvinrent enfin jusqu'aux boyaux des portes de l'Antre. À une ou deux reprises, ils faillirent se faire repérer par les gardes, mais Waban était très fort lorsqu'il s'agissait de les esquiver.
Une fois tout proche de la grand place, Ophélie s'autorisa à souffler. Elle décida de préparer son retour auprès de sa patronne.
— Qu'est-ce que tu as dit à Efia ? demanda-t-elle à son compagnon.
Elle appréhendait beaucoup la réaction de la Totémiste. Et si celle-ci refusait de la garder en tant que stagiaire ? La laisserait-elle ici, sur le bas-côté ?
— La vérité, répliqua Waban.
— C'est -à -dire ?
Il se tourna vers sa partenaire, et planta ses yeux sombres dans ses lunettes.
— Je lui ai tout raconté, Ophélie.
Cette dernière écarquilla les yeux de stupeur.
— Non ! Mais je ne voulais pas...
— Alors il fallait te débrouiller toute seule ! s'emporta-t-il.
D'un ton plus feutré, il poursuivit :
— Comment voulais-tu que je justifie ton absence ? Et comment vas-tu lui expliquer que tu t'absenteras aussi quand tu seras au Pôle ? C'est bien de là-bas qu'est ton mari, non ?
Ophélie ne sut que répondre. Il avait raison. Mais elle ressentait du reproche dans sa voix. Avait-il été déçu d'apprendre son histoire en même temps qu'une prêtresse lambda ?
En tout cas, elle devait suivre ses directives. Le seul moyen pour qu'Efia accepte son comportement serait en la comprenant.
Quand ils arrivèrent aux portes de la place, les circassiens s'affairaient à remballer les stands, et empaqueter leurs affaires. Elle aperçut la roulotte d'Efia, et une boule d'anxiété se coinça dans sa gorge en imaginant la discussion qui allait suivre...
Aussi fut-elle surprise quand la dresseuse lui dit simplement :
— Alors, vous avez fait bon voyage ? Tes vacances en terre australe t'ont plu, j'espère ?
— Désolée Efia, j'aurais dû être honnête avec toi dès le début.
— Oui, tu aurais dû. Ça m'aurait évité d'avoir à m'adapter sans toi du jour au lendemain. Tu as failli causé la perte de mon spectacle, et je t'en veux pour ça. Heureusement que je me doutais que tu nous lâcherais un jour ou l'autre. Surtout après ta phase dans l'océan.
Que pouvait dire Ophélie après cela ?
— Je dois retrouver mon mari, s'excusa-t-elle. Est-ce que je peux poursuivre le voyage avec vous ?
— Ainsi, tu comptes juste profiter du voyage et de notre gentillesse pour subvenir à tes fins ?
Après un long moment mutique, Efia soupira de résignation.
— On te ramène au Pôle. Après cela, nos chemins se sépareront. Chacun sa quête, ma petite demoiselle.
C'est ainsi qu'ils finirent de remballer ensemble le cirque, Ophélie et son écharpe aidant comme elles le pouvaient. Après des heures de manutention, ils s'installèrent dans les dirigeables pour un long périple qui mènerait Ophélie vers des souvenirs à la fois forts et amers.
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Les Oubliés de la Brume
Fiksi PenggemarFanfiction de la saga La Passe-Miroir. ATTENTION : cette fanfic est une suite du tome 4 de la Passe-Miroir. Si vous n'avez pas lu la saga jusqu'au bout, mieux vaut passer votre chemin sur cette histoire pour l'instant. C'est le big spoil assuré ! (M...