Dreamcatcher

Chapitre 9

Clarke a beau être réveillé depuis une éternité, elle va finir par être en retard. Elle s'est changée trois fois, pour finalement remettre la tenue qu'elle avait choisie en premier. La veille, elle a passé l'après-midi à faire du shopping pour avoir un minimum de fringues à se mettre. Le peu qu'elle a emporté avec elle lui rappelle bien trop cette vie qu'elle ne connait pas, et ne veux pas connaitre. C'est un nouveau départ pour elle, elle est bien décidée à le prendre comme tel.

Après un dernier regard à son reflet, dans le miroir mal éclairé de cet hôtel bon marché, elle s'estime satisfaite. Enfin, autant qu'elle puisse l'être du moins. Elle pense vaguement qu'elle n'aura pas les moyens de rester longtemps dans cet endroit, mais pour l'instant, elle n'a pas d'autre choix.

Elle inspire profondément en posant la main sur la poignée de la porte.

- Je suis prête ! Dit-elle à voix haute, d'un air déterminé avant de franchir le seuil.

Mais elle ne l'est pas du tout. Elle ne le sera jamais. Comment dit-on à quelqu'un « désolée, j'ai ruiné ta vie, mais je m'en souviens pas. » ?

Sans l'ombre d'un début de réponse à cette question, elle se retrouve dans la rue où se trouve le café choisi par Lexa. Elle consulte son portable, qui lui indique qu'elle a quinze minutes d'avance. Mais en longeant la grande baie vitrée qui offre une vue sur la quasi-totalité du bar, elle reconnait la silhouette assise à une table. Même de dos, elle la reconnaitrait n'importe où. Dans un café, dans une salle de cinéma, dans une foule, au loin dans une rue, de nuit et les yeux bandés.

Sans réfléchir, elle laisse sa main courir sur la vitre contre laquelle Lexa est adossé. Sans doute interpellée par un changement dans la lumière provenant de l'extérieur, la brune tourne soudain les yeux vers Clarke, et se lève spontanément pour lui faire face. Et quelque part, pour s'éloigner d'elle. Malgré la froide séparation du verre, elles étaient bien trop proches.

Mais Clarke n'a pas retiré sa main, ses yeux sont toujours rivés sur la femme derrière la vitre. Est-ce possible qu'elle la trouve encore plus belle qu'il y a cinq ans ? Ses cheveux mi- longs sont lâchés autour de son visage. Elle porte une chemise grise, rentrée dans un pantalon de tailleur impeccablement taillé. Sans doute sa tenue de travail quand elle n'est pas sur le terrain.

Continuant son inspection sans vraiment s'en rendre compte, Clarke parcourt de ses yeux sa nuque, son décolleté, et suit le mouvement de son bras quand la main de Lexa vient se coller contre la vitre à son tour, en miroir contre la sienne. Ses yeux restent là un instant, son corps maudissant l'obstacle qui l'empêche de sentir la chaleur de la peau sous ses doigts. Et puis elle n'y tient plus, il faut qu'elle rentre. Tout en rompant le contact, elle s'avance vivement vers la porte ouverte. Cela ne lui a pris qu'un instant, mais Lexa est de nouveau installée sur sa chaise. Le trouble qu'elle a lu dans son regard un instant auparavant a disparu, remplacé par une expression de travail on ne peut plus sérieuse.

Au moment où elle s'installe sur la chaise en face de Lexa, celle-ci semble vouloir prendre la parole, mais Clarke l'en empêche. Si elle la laisse prononcer un seul mot, elle n'est plus sure d'être capable de tout lui dire, et elle n'a qu'une envie, c'est d'en finir.

- Laisse-moi parler d'abord. Juste cinq minutes. Et après, j'écouterai tout ce que tu as à dire. Tu veux bien ?

L'autre femme semble un peu contrariée sur le moment, mais fini par acquiescer. Elle s'appuie au dossier de sa chaise tout en croisant les bras dans une attitude de défi. Clarke ferme les yeux, et prend une profonde inspiration. La vérité. Il faut juste qu'elle raconte la vérité.

- Il n'y a pas de bonne façon de te dire ça, j'y ai pensé toute la nuit. Alors je vais juste...te raconter.

L'expression neutre sur le visage de la femme en face d'elle est un peu déstabilisante. Mais au moins elle écoute.