L'ombre du passé

Ne pas dévier

Voldemort était tombé. Harry avait enfin accompli la prophétie, après beaucoup de morts et de sacrifices. Il était épuisé, au delà de tout. Il avait mal partout, mais il était relativement indemne. Quelques hématomes, quelques écorchures. Il souffrirait probablement de courbatures, il aurait besoin de dormir - au moins plusieurs jours de l'impression qu'il en avait. Mais il irait bien. Il n'aurait pas de séquelles de cette journée si particulière.

Il avait tant perdu, au long de cette guerre. Il avait cru mourir, il était mort. L'espace d'un instant. Puis, il était revenu. À contrecœur, mais il n'avait pas terminé ce qu'il devait faire.

Une fois Voldemort réduit à l'état de poussière, il avait enlacé Ron et Hermione, puis il leur avait murmuré qu'il avait besoin d'être un peu seul. Juste un moment pour lui, pour qu'il s'habitue au fait qu'il avait réussi ce qu'on exigeait de lui. Il avait évité le regard inquiet de la jeune fille, lui avait adressé un léger sourire désolé, et était parti doucement, en direction de la forêt interdite.
Il s'était enfoncé sous les arbres sans hésiter, progressant lentement, laissant enfin les larmes couler le long de ses joues sans restrictions. Il avait perdu la pierre de résurrection, donc il ne pourrait plus voir ses parents mais il n'était pas certain qu'il pourrait supporter de contempler ce qu'il avait perdu une fois de plus.

En trébuchant, il arriva dans la clairière où il était mort. Désormais, il n'y avait plus aucunes traces du passage des Mangemorts, il n'y avait aucune preuve de ce qui s'était passé.
Harry avait imaginé que sa brève mort marquerait les lieux. Qu'il y aurait quelque chose, un indice, un signe de son sacrifice. L'ultime sacrifice. Il soupira et se laissa tomber au sol, appuyant son dos contre le tronc de l'arbre le plus proche. Yeux fermés, il souffla doucement, essayant de vider son esprit.

Il voulait oublier qu'il avait vu Remus et Tonks au sol, morts, l'un près de l'autre, main dans la main, alors qu'ils venaient d'avoir un fils. Teddy était encore un bébé, et il était déjà orphelin. Farouchement, Harry se jura de veiller à ce qu'il soit heureux.
Il voulait oublier que George Weasley avait perdu son double, sa moitié. Comment pourrait-il vivre sans son jumeau, alors qu'ils étaient si fusionnels ? Comment George pourrait-il lui pardonner ce qui s'était passé ?
Il voulait oublier qu'il avait vu Severus Rogue se faire attaquer par Nagini. Sous ses yeux, sans qu'il ne puisse intervenir. Il y avait eu tellement de sang, quand il était arrivé près de lui. L'homme qu'il trouvait si fort, était réduit à l'impuissance. Il avait pris les souvenirs qu'il lui offrait, mais il n'avait pas pu s'empêcher de le supplier de ne pas l'abandonner. De ne pas le laisser, lui aussi. Pas après toutes ces années.

Il l'avait fixé dans les yeux, priant de toutes ses forces pour qu'un miracle ait lieu. Il avait vu les yeux noirs emplis de larmes se voiler. Puis, il avait dû partir. Il devait voir ce que son professeur avait voulu lui transmettre, et il avait un mage noir à tuer.

Au départ, il n'avait pas compris pourquoi son professeur avait voulu lui révéler qu'il avait été proche de sa mère. Il avait vu l'amitié puis l'amour naître dans le cœur de Severus Rogue. Il avait vu son propre père briser les rêves du jeune homme, et ce dernier s'était tourné vers les ténèbres.
Il avait vu Dumbledore annoncer qu'il devait mourir pour tous les sauver, et Rogue le défendre avec passion. S'opposer à l'envoyer à la mort.

Il avait repoussé tous ses sentiments, tout ce qu'il pouvait penser de ce qu'il avait appris, pour partir faire ce qui était attendu de lui. Il avait accompli l'impossible finalement. Il était mort. Il était revenu. Il avait tué Voldemort, au terme d'un combat épuisant.
Il était toujours debout après tout ça. Le-garçon-qui-ne-voulait-pas-mourir. Il imaginait déjà les titres de la Gazette le lendemain. Harry Potter avait de nouveau survécu, envers et contre tout.

Il soupira et se frotta le visage, laissant tomber ses lunettes sur ses genoux. Il se leva lentement, et jeta un dernier regard à la clairière qui ferait désormais partie de ses cauchemars.
En se détournant pour partir, il sursauta en tombant face à un centaure. Puis, il sourit reconnaissant Firenze.
- Firenze ! Vous allez bien ?

La créature le dévisagea gravement avant d'incliner la tête.
- Tu as accompli ta destinée Harry Potter. Il ne fallait pas dévier de ton chemin, et tu as été brillant.
Harry eut un sourire triste et haussa les épaules.
- C'est terminé, au moins.

Firenze eut un léger rire.
- Il y a toujours quelque chose à faire quelque part, jeune homme. Il y a toujours une bataille à mener.
- Peut être que j'en ai assez fait ?
- En es-tu certain ?

Harry laissa échapper un rire amer.
- Quoi, vous allez m'annoncer une autre prophétie ?
Firenze rua et resta un moment silencieux. Puis il fit quelques allées et venues nerveuses avant de s'immobiliser devant Harry.
- Tous les mystères ne sont pas levés Harry Potter. Il reste encore tant de choses à découvrir.

Harry sentit un frisson dévaler sa colonne vertébrale, et il se raidit.
- Quels mystères ?
- Je peux juste te dire une chose. Renseigne toi sur le polynectar.
- Le polynectar ? C'est une potion qui permet de prendre l'apparence de quelqu'un d'autre en utilisant un cheveu.
- Exactement. Mais il y a plus, jeune homme. Il y a beaucoup plus.

Harry réprima un mouvement d'humeur. Il n'était pas vraiment disposé à jouer aux devinettes avec un Centaure. Surtout pas après une journée aussi longue et aussi intense.
- Est-ce vraiment important ?

Firenze ne se vexa pas de la question, fixant juste Harry d'un air impassible, comme s'il se trouvait devant un enfant faisant un caprice et non pas devant un jeune homme venant d'échapper à la mort après une rude bataille.
Puis, il hocha gravement la tête.
- Pour toi qui cherche ton passé, ça l'est. Si tu veux... continuer sans en savoir plus libre à toi. Mais tu auras été prévenu.

Harry hoqueta.
- Mon passé ? Mais quel est le rapport ?
- C'est à toi de le trouver, jeune homme. Je ne peux pas t'en dire plus.

Le Sauveur du monde sorcier pesta alors que le Centaure le saluait une fois de plus avant de s'éloigner au galop. Le jeune homme jura avant de soupirer. A pas lents, il reprit le chemin de Poudlard.
Il pouvait bien se promettre qu'il ne suivrait pas la lubie des créatures de la forêt en faisant des recherches sur le polynectar, il savait qu'il ne pourrait pas s'en empêcher. Au final, la curiosité serait trop forte. Il était trop avide d'en apprendre plus sur ses parents pour laisser passer une occasion de lever le voile du passé.

Prompt de demain : rire jaune