Partie de chasse

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Après une journée de reconstruction à plaisanter avec ses amis, Harry était rentré à l'infirmerie épuisé et légèrement boudeur. Il avait tenté d'argumenter avec Poppy pour éventuellement rejoindre la tour Gryffondor où logeaient Ron et Hermione, mais l'infirmière avait été inflexible, préférant garder un œil sur lui.
Son principal argument était qu'il avait été magiquement épuisé, et qu'il recommençait à se servir de sa magie : elle voulait être sur place dans le cas où il y aurait le moindre problème. Après tout elle avait l'expérience du cas Harry Potter et de sa façon de ne jamais réagir comme les autres.

Bien entendu, Harry ne pouvait rien contre les décisions de Poppy : elle était inflexible. Aussi, en baillant, il se laissa tomber sur le lit étroit, sans se préoccuper du regard onyx posé sur lui. Il avait marmonné une vague salutation à son professeur en entrant dans la pièce, puis il avait cessé de faire cas de lui. C'était à son avis le mieux qu'il puisse faire pour améliorer leurs relations.
Le jeune homme s'endormit rapidement, bien plus rapidement qu'il ne l'avait jamais fait, et ce sans prendre de potion de sommeil sans-rêves comme depuis la fin de la guerre.

*

Au cours des années, Harry s'était habitué aux cauchemars. La plupart du temps, Voldemort en était le principal personnage. Que ses mauvais rêves lui soient envoyés par le Seigneur des Ténèbres en personne ou qu'il ne s'agisse que de ses peurs les plus profondes traduites en images par son inconscient, quand il s'éveillait, hurlant et en sueur, il n'était pas réellement étonné.
Il semblait même presque normal qu'être poursuivi par une bande de psychopathes enragés ne donne des cauchemars, après tout...

Harry avait combattu chaque nuit, luttant pour avoir son compte d'heures de sommeil et pour ne pas se faire remarquer par ses camarades de dortoir. Il ne voulait pas être le garçon étrange qui hurlait à la mort chaque nuit, il ne voulait pas des regards de pitié de ses camarades.
Ainsi, il prenait l'habitude des potions pour dormir quand il le pouvait, et le reste du temps, il abusait des sortilèges de silence autour de son lit pour cacher ses cris déchirants.

Quand il retournait dans le monde moldu, il s'empêchait de dormir autant que possible parce que hurler la nuit - même pour le plus terrible des cauchemars - lui valait une bonne correction et plus encore de corvées. Il réussissait parfois à lancer un sort de silence sur sa chambre accidentellement, comme si c'était gravé dans sa chair qu'il ne devait pas réveiller les moldus abusifs qui se disaient sa famille.

Maintenant que la guerre était terminée, il s'attendait à revivre la bataille finale. A voir le pire, comme la mort de ses amis. Il supposait même que personne ne le lui reprocherait maintenant qu'il avait accompli ce qui était attendu de lui. Comme si accomplir son destin lui donnait l'autorisation d'extérioriser ses démons.

**

Lorsque Harry se retrouva devant le 4 Privet Drive, il regarda autour de lui d'un air un peu perdu. Il se souvenait de s'être couché à l'infirmerie de Poudlard, et il faisait nuit. Et voilà qu'il ouvrait les yeux en pleine journée, le soleil estival réchauffait sa peau et il se trouvait en pleine zone moldue. Les alentours étaient déserts - comme bien souvent l'été à bien y réfléchir.
Harry soupira et avança doucement en direction de la maison de son oncle et de sa tante. Il supposait que s'il ne se présentait pas pour ses corvées, il aurait de sérieux problèmes, qu'il soit un héros ou non dans le monde des sorciers.

Le jeune homme commença à comprendre que quelque chose n'allait pas lorsque son cousin sortit de la maison, un sourire mauvais aux lèvres. Son cousin avait toujours été une brute, et son air vicieux ne l'étonnait pas vraiment. Cependant, son regard lui promettait une de ces parties de chasse qu'il affectionnait tant, la chasse au Harry. Dudley avait cessé pourtant, depuis que son cousin avait grandi et que Harry lui avait révélé qu'il était un sorcier célèbre et puissant.
Ce qui était définitivement anormal était les nouveaux "amis" de Dudley pour son passe-temps préféré. A la place des idiots d'amis de son cousin, un groupe de Mangemorts était à ses côtés, leur masque sinistre bien en place et leurs yeux fixés sur lui.

La peur glaça Harry, mais il s'obligea à le cacher. Il attendit pour détaler, espérant qu'il ne s'agisse que d'une mauvaise farce. Lorsque Dudley lança son cri de guerre, Harry partit comme une fusée.
Il courrait plus vite que Dudley. Le gros garçon n'était pas un sportif, et Harry l'avait toujours distancé. Malgré ça, Harry avait l'impression cette fois de ne pas avancer. Pire encore, il entendait les pas lourds de son cousin se rapprocher.
Son cœur battait à toute vitesse, alors qu'il craignait le pire. Si Dudley le rattrapait, il serait bon pour un séjour à l'hôpital au moins. Il sentit un mouvement près de lui, et paniqué, il commença à crier, se débattant de toutes ses forces.

***

Severus ne cessait d'observer Harry. Le gamin l'avait sauvé, et il se posait bien des questions à son sujet.
Quand il était rentré de sa journée, il l'avait entendu plaider pour quitter l'infirmerie, et il s'était senti bêtement satisfait que Poppy ne lui laisse pas la possibilité d'aller dans la Tour Gryffondor. Il s'ennuyait cloué au lit, et avoir un compagnon d'infortune lui permettait de passer le temps un peu plus vite.
Le jeune homme s'était couché rapidement, et s'était endormi comme une masse, faisant sourire Severus. Ce n'était pas un sourire moqueur pour une fois, il se sentait plutôt... attendri. Cependant, il aurait nié farouchement si quelqu'un l'avait suggéré.

Le Maître des potions somnolait depuis un moment déjà, quand le brun installé face à lui commença à s'agiter. Severus se redressa, sourcils froncés. Il ne fallait pas être devin pour deviner que le Sauveur du monde magique faisait un cauchemar. Compte tenu des épreuves qu'il avait traversé, c'était même plutôt normal qu'il en passe par là.
Il hésita un instant, ne sachant pas s'il devait se lever pour réveiller l'enfant - l'adolescent plutôt - ou le laisser se débrouiller et feindre de ne rien avoir remarqué.

Comme les mouvements de Harry se faisaient plus violents, Severus marmonna entre ses dents et se leva avec difficultés. Il maudissait l'infirmière de ne pas avoir pris la précaution de donner une potion à Harry pour qu'il passe des nuits paisibles. Si c'était pour le laisser se débattre seul avec ses démons, elle aurait aussi bien pu le renvoyer d'où il venait...

A l'instant où il posa la main sur son épaule, Harry se mit à hurler, ouvrant grand les yeux, haletant. Malgré lui, Severus le rassura, lui parlant doucement. Lorsque le regard vert se fit moins vitreux, Harry rougit brusquement et se recula, baissant la tête,comme s'il avait peur d'être frappé.
- Désolé de vous avoir réveillé, Professeur.
Pris de court – autant par ses excuses que par sa réaction instinctive - , Severus haussa les épaules.
- Je ne dormais pas. Vous voulez en parler, Potter ?


Prompt de demain : caféine

L'ombre du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant