Stratégie

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Une fois à Square Grimmaud, Harry avait fermé la cheminée et interdit à Kreattur de faire entrer qui que ce soit. Il voulait être seul, et il craignait que quelqu'un ne vienne s'assurer qu'il était toujours en vie.
Il se doutait que lorsque Rogue expliquerait qu'il était parti, il serait regardé suspicieusement : il était un ancien Mangemort et son animosité pour Harry était connue de tous.

Penser à son professeur fit légèrement chanceler Harry. Maintenant, il pouvait comprendre pourquoi l'homme était si aigri et pourquoi il l'avait détesté immédiatement en le voyant. Harry avait suffisamment entendu qu'il était le portrait de son père pour comprendre que ça avait dû être douloureux pour Severus Rogue que de voir le sosie de l'homme qui lui avait arraché l'amour de sa vie, jour après jour installé dans sa classe.
Et que dire de Dumbledore, ce vieux fou manipulateur, qui avait multiplié leurs interactions sans scrupules ? Pourtant il devait savoir, il était déjà Directeur quand ses parents et Severus avaient été élèves.
En tant que tel, il avait dû être mis au courant de ce qui se passait. Les plaisanteries cruelles des Maraudeurs, la haine entre James et Severus. L'amitié entre Lily et Severus.
Pourtant, il n'avait eu aucune pitié envers son professeur de potions. Il avait imposé la présence du fils de son ennemi sans jamais se demander si son espion impassible pouvait en souffrir.

Finalement, en se laissant tomber dans un fauteuil, Harry repensa au sujet qui l'avait poussé à fuir Poudlard. Le polynectar. Severus Rogue et Lily Evans.
Si Sirius avait été encore en vie, il aurait été furieux. Il aurait probablement essayé de tuer Severus. Il aurait hurlé à la trahison, au viol.

Harry pinça les lèvres et ferma les yeux, laissant sa tête tomber en arrière. Pour sa part, il n'était pas si catégorique. Il n'arrivait pas à en vouloir à son professeur.
Il ne cautionnait pas, mais il comprenait ce que Severus avait voulu faire. Se venger des humiliations, du chagrin et de son cœur brisé.
Les choses avaient mal tourné. Terriblement mal tourné.

Son professeur avait couché avec sa mère. L'information sonnait comme l'intrigue d'un mauvais roman sentimental. Il laissa échapper un ricanement moqueur et soupira.
Pourquoi diable Firenze avait tenu à lui en parler ? Pourquoi déterrer ainsi un évènement du passé, qui aurait dû rester... secret ?

Épuisé par une journée de reconstruction, par le stress et par le choc de la révélation, Harry finit par s'endormir sur son fauteuil.

Sans surprise, ses rêves tournèrent autour du polynectar. La préparation de la potion, telle qu'il s'en souvenait pendant leur deuxième année dans les toilettes de Mimi Geignarde. L'odeur nauséabonde, la complexité. Le nombre d'ingrédients.
Le goût de la potion, ignoble.
La douleur de la tranformation, l'étrangeté de se mouvoir dans un corps inconnu.
Et puis, alors qu'il s'habituait à être un autre, retrouver son identité. Redevenir lui-même.

Il repensa ensuite à la fois où ils s'étaient introduits dans le Ministère sous polynectar pour récupérer le médaillon qu'Ombrage avait. L'horcruxe. Le médaillon de Serpentard.
Les sensations avaient été les mêmes. Il ne s'était senti à l'aise que lorsqu'il avait retrouvé son propre corps.

Son rêve le mena dans la forêt interdite, lorsque Firenze lui avait parlé. Puis, la voix du Centaure était devenue celle d'Hermione alors que son amie lui récitait tout ce qu'elle savait. Sa mise en garde, au sujet des enfants.
Dans son sommeil, Harry fronça les sourcils, comme pour se souvenir d'un élément important. A l'instant où sa mémoire se débloqua, il ouvrit les yeux, brutalement réveillé.
- Merde !

Le jeune homme haletait, les yeux écarquillés.
Il venait de comprendre, ou du moins, il pensait avoir compris.

Sous l'apparence de James Potter, Severus Rogue avait couché avec Lily Evans.
Le lendemain, Lily annonçait ses fiançailles avec James. Comment avait elle fait pour ne jamais se douter de quoi que ce soit ? Comment avait elle pu confondre les deux hommes ?
Le couple s'était marié rapidement. Tout le monde avait dit que c'était à cause de la guerre. Tout allait plus vite : il fallait se dépêcher de croquer la vie à pleine dents alors que les membres de l'Ordre comme ses parents risquaient quotidiennement leurs vies.
Puis leur fils était né. Très vite.

Harry jura de nouveau, avant de se lever d'un bond pour faire des allées et venues.
Il allait devoir parler à son professeur, et il espérait que l'homme ne lui jetterait pas de sort quand il lui ferait part de ses conclusions.

Au petit matin, Harry était posté devant sa cheminée, prêt à se jeter dans l'âtre dès que l'heure serait... correcte. Il n'avait pas fermé l'œil de la nuit, et Kreattur, en voyant son agitation, s'était montré un bon elfe : il avait veillé à lui fournir suffisamment de caféine pour maintenir éveillé tout un régiment.
N'y tenant plus, Harry lança une poignée de poudre de cheminette en hurlant "Quartiers de Severus Rogue".

Il trébucha à l'arrivée, et se rattrapa comme il put, plein de suie. En levant la tête, il se trouva nez à nez avec son professeur qui levait un sourcil surpris, apparemment étonné de le voir revenir si vite.
- Professeur.
- Bonjour Monsieur Potter. Que me vaut cette arrivée... particulièrement maladroite ?
Harry eut un sourire en coin.
- Peut être que je venais parler de votre stratégie de drague ?
La tentative de plaisanterie tomba à plat et Harry se maudit en voyant son professeur se crisper et se renfermer.

Le jeune homme soupira et fit un geste de la main.
- Désolé Monsieur. C'était stupide comme plaisanterie.
- Je trouve aussi.
Harry soupira et eut un geste bref de la main.
- Je ne vous en veux pas.
L'homme sarcastique eut un rictus.
- Quelle générosité Potter. J'en suis flatté, si le grand héros me pardonne mes péchés.

Harry serra les poings et s'obligea à ne pas s'énerver. Il se força à respirer lentement, inspirer, expirer. Sans quitter l'homme aux yeux d'onyx des yeux.
Puis, il se permit un léger sourire.
- Monsieur. Savez-vous quels sont les conséquences quand un enfant est conçu sous polynectar ?

Avec un peu de joie malsaine, Harry regarda le masque impassible de son professeur se fissurer, jusqu'à ce que son visage affiche une expression de choc qui aurait pu être comique dans d'autres circonstances.
Bras croisés sur sa poitrine, Harry attendait, le regardant, un vague espoir au fond de ses prunelles vertes.

Prompt de demain : jouer avec mes nerfs

L'ombre du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant