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De gestes fatigués, je remuais la cuillère argentée dans mon café moulu, fraîchement préparé à l'ancienne.

Grâce à quelques heures supplémentaires effectuées durant ce début d'année, j'avais quitté le bureau plus tôt aujourd'hui. Ce peu de répit allait me faire du bien, j'avais grand besoin de repos. Seulement... à peine approchai-je la tasse de mes lèvres que la sonnerie de mon appartement retentit et m'interrompit dans mon petit moment de sérénité. Sans omettre de jurer dans ma barbe je m'avançai vers la porte, pressé d'en finir au plus vite pour pouvoir me réinstaller sur mon canapé.

« Bien le bonjour ! il orienta son regard par-delà mon épaule, semblant analyser les lieux. C'est sympa chez vous !

Ne parvenant pas à trouver les mots justes, je ne pus que me contenter de rester planté là, bouche bée tant cette scène me paraissait surréaliste. Ma boisson, dont je ne garantissais pas la chaleur convenable, était logée entre mes mains et manquait même de faire la rencontre brutale du sol tant j'étais sonné.

Je n'aurais jamais dû lui ouvrir. Maudite porte blindée dépourvue de judas optique...

- Oh, vous aimez le café... il sembla s'étonner, louchant sans aucun scrupule sur ma tasse tandis que je n'avais toujours pas pipé mot. Si j'avais su, je ne vous aurais pas proposé du thé. Mais vous savez, je n'aime pas trop le café donc je n'en ai pas en réserve. Vous ne m'en voulez pas trop ?

- Je... Non, en un frivole murmure, je répondis. Bien vite un éclair de lucidité m'assaillit et je retrouvai mes esprits. Pourquoi vous êtes ici ? Vous n'en avez pas assez de perturber mes nuits ?

- Et dire que je fais des efforts... Vous ne manquez pas d'air, il lâcha mine de rien tandis que je sentais un orage de colère gronder en moi. Du calme, je plaisante ! Si je suis là c'est pour vous demander ma corde à sauter, les deux jours de récupération sont finis donc il faudrait que je m'y remette.

- Non, déclarai-je en buvant une gorgée de mon café maintenant tiède, me soutirant une légère grimace d'inconfort.

- Ah bon ? Et vous savez ce que vous encourrez pour soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ?

Je ne tins plus et m'esclaffai bruyamment à l'entente de ces paroles absolument absurdes compte-tenu de la situation. Comme dirait l'expression, il vaut mieux être sourd que d'entendre ça ! Je me calmai peu à peu de mon fou-rire nerveux.

En silence, un homme d'un certain âge descendait les escaliers en nous portant un regard intrigué, que j'ignorai sans le vouloir tant j'étais pris dans la conversation.

- Et vous ? Vous savez ce que vous risquez pour troubles de voisinage incessants malgré mes lettres et protestations ?

- Oui, il prononça, je suis avocat.

Sa dernière réplique me figea. Alors celle-ci, c'était la meilleure de la journée. Je crois même qu'il ne pourrait jamais faire mieux.

- Vous... Vous êtes avocat ? C'est une blague ?

- En droit de la propriété intellectuelle. »

Son air était dépourvu de plaisanterie, j'en conclus qu'il disait bien la vérité.

Donc ce Kim était avocat, il connaissait grosso modo les différentes branches du droit et leurs spécificités, et il avait l'audace -ou la bêtise, selon le point de vue- de continuer à m'importuner ? J'étais mitigé: devais-je chouiner ou exploser de rire ?

Je refermai vivement la porte après l'avoir entendu quémander une ultime fois sa corde à sauter, en vain.

⎡Sonore⎦ ʈkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant