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La pendule affichait tout juste vingt-et-une heures, et c'est avec satisfaction que je m'allongeai dans mon lit, prêt à entamer une soirée de réseaux sociaux. Pas trop longue toutefois car demain s'avérait un grand jour de boulot, pour changer.

Mon collègue Hoseok venait tout juste d'entamer ses vacances et il ne manquait pas de le faire savoir à qui voulait bien l'entendre. Et même à ceux qui ne le voulaient pas, comme moi par exemple. Car il me restait minimum un mois de travail avant d'avoir les miennes. J'avais prévu de rendre visite à mes grands-parents, pour ensuite partir avec quelques amis dans le sud du pays. 

« Oh Cassie, ton regard est une constellation d'étoiles dont je ne me lasserai jamais. »

Un violent sursaut me fit tressaillir. Non... il n'avait quand même pas recommencé son cirque ?! Même si, visiblement, il avait fait un effort sur l'horaire, le son de la télévision était bien trop élevé !

« Ces roses sont pour toi, ma rose. »

Mes lèvres s'entrouvrirent pour laisser filer un rire nerveux, très nerveux. Ni une ni deux, je recouvris mon torse d'un vieux tee-shirt et me pointai sans plus attendre devant sa porte, de pieds fermes. Si avant c'était déjà compliqué, là je ne le comprenais décidément plus. J'allais me le faire, j'allais définitivement me le faire. Comment avais-je pu imaginer une seule seconde qu'il pouvait m'être d'agréable compagnie ! Comment avais-je pu être si naïf...

« Tu arrives à pic, ton café est prêt !

Je clignais bêtement des yeux, réalisant peu à peu son stratagème pourtant évident. Ma colère redescendit d'un cran, bien que j'étais encore sur le qui-vive prêt à l'insulter de tous les noms.

- M'inviter normalement, ça marche aussi, grinçai-je en repliant les bras sur ma poitrine.

- Qui aime bien châtie bien. Et puis, j'ai tenu compte de tes horaires de travail. Il avait raison sur ce dernier point, je ne pouvais le contester. Mais si tu veux, la prochaine fois je t'inviterai en bonne et due forme. 

- Je préfèrerais oui. 

L'instant d'une seconde, je crus percevoir une certaine gêne qu'il masqua bien vite. Finalement, peut-être qu'il s'était toujours rendu compte que ses manières de faire étaient incongrues. J'aimais le penser. 

- Entre, ne reste pas sur le palier. 

Je ne me fis pas prier davantage pour pénétrer les lieux. Après tout, je connaissais déjà. Je le suivis jusqu'à sa cuisine plutôt moderne, au centre de laquelle une table carrée siégeait avec nos deux tasses. 

- Pourquoi persistes-tu à vouloir faire connaissance avec moi ? ces mots filèrent d'eux-mêmes, cette question me brûlait les lèvres depuis des jours. 

- Ça ne s'explique pas avec des mots. 

- Oh je t'en prie, avec de la volonté tout peut s'expliquer. 

Son regard sembla vacant l'espace de quelque temps. D'un élan peu assuré, il s'assit sur l'une des chaises entourant la table et laissa tomber son crâne en arrière. Ses paupières se fermèrent. Les traits de son visage se détendirent peu à peu.  

Je me retenais vivement de réitérer ma question, mitigé entre la crainte de lui forcer la main et la volonté de connaître sa réelle motivation. La plupart des hommes, face à un tel manque de réciprocité, auraient abandonné depuis belle lurette. 

Et je crois que c'est surtout ça, qui m'intriguait chez lui. Qui m'a toujours intrigué. Une énigme à lui tout seul, un paradoxe humain. Il n'était définitivement pas commun.

- Dès l'instant où mes yeux se sont posés sur toi, mon cœur s'est coloré. Un sourire étrangement mélancolique vint combler ses lèvres, tandis que ses prunelles pétillantes se fixèrent sur le plafond blanc, dénué d'artifices. Il est sûrement maladroit, peut-être puéril mais il est sincère. »

La boule au ventre, je retenais mon souffle. Son sourire faisait trop de bruit. Il m'agressait, me nouait l'estomac autant qu'il me retournait le cœur. 

⎡Sonore⎦ ʈkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant