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Sur mes gardes, à l'affut de tout bruit inopportun, je me glissai mollement dans mon lit. Les célèbres bras de Morphée m'enveloppèrent bien vite de leur douceur apaisante, profitant de cette rare soirée de calme pour recharger mes batteries maltraitées depuis des mois entiers.

« Bryan, acceptes-tu de m'épouser ?

- Oh oui je le veux. »

Mes paupières s'ouvrirent en grand.

Sans perdre une seule seconde, porté par un sentiment de trop plein émotionnel et par mes nerfs à vif, exténués, j'enfilai un vieux tee-shirt et une paire de godasses en pestant à tout rompre. On avait trop souvent tendance à oublier qu'un humain fatigué était un humain irritable. Droit comme un piquet, je pressais la sonnette de son appartement durant de longues secondes, prêt à en découdre. Des mois de frustration, d'avertissements inutiles et surtout de manque de sommeil. Et là, alors que tout semblait aller comme sur des roulettes, il recommençait son cirque infernal !

Je vais tout casser.

Inspire, expire. Jungkook, tu en es capable. Tu peux intérioriser ta colère et ainsi paraître un minimum civilisé et digne.

La porte s'ouvrit sur la silhouette du bienheureux coupable, visiblement surpris de me voir à une heure aussi tardive. Quel bon comédien, je pourrais presque jouer le surpris avec lui.

« Bonsoir !

- Éteignez votre télévision, balançai-je avec autorité, lui signifiant que je ne plaisantais absolument pas, sinon j'appelle la police.

- Souhaitez-vous un petit remontant ? J'ai du thé vert, noir et blanc. J'ai une nette préférence pour le vert mais-

- Putain mais arrête ton baratin !

Un franc ricanement fendit l'air tandis que je m'insultai inlassablement d'avoir craqué et emprunté le chemin facile de la vulgarité. Les mots avaient forcé la barrière de mes lèvres. Je passais pour un sanguin, un colérique et je n'aimais pas ça. Malgré mes efforts, je cédais vite devant la provocation de récréation, j'avais le sang chaud et même bouillant lorsque Kim Taehyung se fichait éperdument de moi.

- Donc en plus d'être très beau, vous êtes susceptible.

J'ignorai superbement sa réplique et me faufilai dans l'encadrure de sa porte, lui administrant un frêle coup d'épaule par la même occasion. Si les paroles ne fonctionnaient pas, étaient confuses et inefficaces, alors c'était le signe que je devais agir.

Ma patience avait des limites. Bien que je me répétais cette phrase depuis des semaines pour m'auto-persuader que je n'étais pas trop passif dans toute cette histoire.

- C'est dingue, il sembla murmurer pour lui-même, ce décalage de langage entre vos lettres et le face à face.

Ah, mes chères lettres ! Parlons-en !

Celles auxquelles il n'a jamais donné suite et où je me suis forcé à ne pas l'insulter, puisque tout écrit laisse une trace pouvant porter préjudice.

J'avançai à l'aide de grandes enjambées à la recherche de son maudit salon. Il ne broncha étonnement pas, se contentant de me suivre en silence. J'imaginais parfaitement son air narquois et cette image suffit à me faire monter la tension toujours un peu plus.

Je me stoppai net lorsque j'arrivai devant la fameuse télévision, qui se situait en fin de compte dans sa chambre. Son film minable était mis sur pause, ce qui expliquait l'absence de son. Voici donc l'objet de tous mes tourments, vulnérable, fièrement dressé sur une petite commode et qui n'attendait qu'un bon coup de pied circulaire.

Je fis volte-face et fusillai du regard le propriétaire des lieux.

- J'en ai marre, vous le faites exprès n'est-ce pas ?

Question rhétorique mais j'avais besoin de comprendre.

- Oh je vois ! Vous voulez connaître le titre du film mais vous n'osez pas me le demander. C'est « Disputes et soleil couchant ».

Je levai les yeux au ciel avant de reporter mon attention sur l'appareil électronique que je me retenais de balancer par la fenêtre. J'en débranchai les fils et mes bras vinrent l'encercler puissamment. Sans même un regard, je me dirigeai vers son salon, que j'avais croisé en route puis je déposai le tout sur sa petite bibliothèque.

- Il n'y a pas de prise électrique pour la télé ici, il crut bon de me signaler tandis que je m'apprêtais déjà à quitter les lieux, pressé de me rendormir.

- Dommage pour vous. »

De nouveau dans mon lit, j'enfilai mes boules quies par précaution, bien décidé à dormir un minimum malgré l'heure déjà trop tardive.

⎡Sonore⎦ ʈkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant