Du 25 Février 2019,
A Neufchâteau:To:
Diane Smithers
12, Carnaval Street
EdinburghFrom:
Lou Berou
1, allée des Saints
ParisChère Diane,
Si je t’écris cette lettre aujourd’hui c’est parce que tu te doutes bien que là où je suis le réseau ne fonctionne plus... Je ne sais pas si cette lettre pourra te parvenir mais je tente le coup, on ne sait jamais. Ça fait longtemps que je suis sans nouvelles de toi, j’espère en tout cas que tout va bien loin d’ici. J’aimerais t’écrire sur des choses heureuses, les petits moments du quotidien qui me font tant plaisir et qui sont aussi simples et drôles à raconter qu’une fable de la Fontaine mais de là ou je suis, l’histoire tient plus du Journal d’Anne Frank.
C’est l’horreur... Les relations étaient plutôt calmes jusqu’à hier matin mais un des 2 n’a pas pu tenir j’imagine. Et c’est là que commence le cauchemar.
Tout d’abord, un énorme bruit nous a réveillés vers 2 heures du matin, mais j’ai juste eu le temps de voir avant que ma radio ne s’éteigne et que les sonneries d’alarmes nucléaires de la ville ne s’allument, comme dans les films. Mes parents sont entrés dans ma chambre. Ils m’ont ordonné de courir au sous-sol. J’ai obéi. Je ne savais pas quoi faire. Les escaliers qui mènent au sous-sol ne m’ont jamais paru aussi accueillants mais c’était sans compter l’énorme bruit qu’il y a eu à ce moment-là. J’étais devant les escaliers, mes parents derrière moi et là, le bruit a retenti... J’ai ressenti en même temps un immense vrombissement, les murs tremblaient, menaçaient de s’écrouler , et moi avec, j’ai chuté et dégringolé les marches qui étaient redevenus simples, rudes et sans vie plutôt qu’accueillantes et en velours.
Arrivée en bas tout était silencieux, un silence de mort, très pesant, voir paralysant... Il me maintenait en bas de ses marches. Et fixant le haut des escaliers je n’osais remonter.
A ce moment précis, j’ai commencé à réfléchir. Je ne comprenais plus. Plus rien. Pourquoi les liens avaient-ils rompus entre les deux ? Pourquoi ne sont-ils pas assez intelligents pour se rendre compte du poids qu’ils ont sur les épaules et surtout de celui de leurs actions ? Leur fierté personnelle ne vaut pas la moitié d’un ongle de squelette humain. Lorsqu’ils auront tous ses morts sur la conscience, ils ne penseront qu’aux batailles remportées, il n’y a pas de gloire dans le sacrifice. Abraham pensait-il obtenir de la gloire devant Dieu en sacrifiant son fils sous Ses ordres ? A quoi cela sert-il de croire en quelque chose quand une pierre lancée depuis l’explosion d’une bombe peut vous tuer d’un seul coup. Dieu n’est pas notre sauveur. Lorsqu’un roi français lançait une guerre soi-disant sainte pour récupérer un territoire ce n’était pas de la gloire ou de la bravoure que d’accepter d’y participer, c’était de la folie suicidaire. De toute manière, même si l’on revient vivant personne ne le saura, la plupart des héros s’inventent et n’ont rien de réel, citer Lucky Luke ou Astérix en exemple est suffisant pour se rendre compte de la bêtise. Lorsque l’on regarde un héros, on regarde l’image d’un idéal. Idéal que l’on garde en tête sans jamais pouvoir l’atteindre car l’idéal ne sera jamais une réalité et vice versa. Aujourd’hui Diane je t’écris cette lettre pour te dire que mon idéal se trouverait dans tes bras et dans un monde sans guerre mais ce serait sans doute trop demander pour eux, et leur fierté de mort. Et puis inventer un héros n’en fera jamais un de vous, vous ne serez qu’un inventeur de plus dans la longue lignée infinie de ceux-ci.
Après cette réflexion, je me suis demandé pourquoi ce sont toujours les plus faibles qui paient le prix des décisions des plus forts. Quand ceux-ci nous méprisent nous ne faisons que répéter leur geste favori : nous parlons. C’est comme une danse vicieuse, une fois enfermé dans la ronde, impossible de s’en échapper. Et c’est pour continuer de danser dans la pauvreté, sur la dépouille des défunts morts pour notre péché de ne pas réagir, que nous nous empêchons de nous révolter. Nous n’avançons pas... ironique car après tout cette danse est à l’image de la plus fabuleuse des inventions, qui ne sert alors qu’à transporter des soldats, le fabuleux destin de nos poulains, que l’on envoie en pâture à la moissonneuse-batteuse de la mort, devient alors aussi noir qu’un ciel triste après la perte d’un être cher. Cher comme deux buildings qui sont le prix amer et très élevé d’une guerre incessante comme celle qui est en train de démarrer chez moi.
Chère Diane, j’espère tellement que tout va bien chez toi... au nord de l’Angleterre, il doit faire plus froid que qu’ici... Je suis en train de me dire que tu ne recevras peut-être jamais cette lettre et que si ça se trouve elle tombera aux mains de quelqu’un qui m’est inconnu. Alors je me rétracte à l’idée de t’avouer mes sentiments, pour peu que nous retombions dans un état extrémiste, je ne peux te dire ma réelle pensée alors j’attendrai, et en attendant de savoir ce qui se passe dans mon propre pays et dans le tien, et puis surtout comment tu te portes sache que mes pensées sont principalement dirigées vers toi.
Espérant un retour positif de ta part :
Lou BerouLe 18 Décembre 2023,
à 14H58
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Les écrits Morts
PoetryIer recueil : « Du Deuil » - Les écrits Morts - 29/06/2018 - 29/06/2019 - Ce que vous apprêtez à lire est un tranche de vie d'un ado qui a grandi depuis. Je gardais ces poèmes précieusement, je les publie peu importe qui ça gêne, ce sont mes œuvres...