SOUVENIR - NOËL 2011

132 28 43
                                    

FILM : La Mission de Chien Noël, réalisée par Robert VINCE

MUSIQUE : Run Rudolph Run, interprétée par Chuck BERRY

Lucien

Priya n'est pas là.

C'est la première fois en l'espace de dix jours que nous nous séparons. En effet, collés tels deux escargots tout baveux, nous avons écoulé ensemble les prémices de notre séjour. Le temps file à une vitesse folle. Les vacances d'hiver sont déjà bien entamées. Viendra bientôt la matinée où nos chemins se bifurqueront à nouveau vers des villes fondamentalement éloignées. Néanmoins, je sais que c'est un mal pour un bien.

Cela fait presque un an que nous sommes officiellement en couple et que ses parents essaient du mieux qu'ils peuvent d'accepter notre relation, et le fait que je ne sois pas l'élu qu'ils auraient placé sur la route de leur fille pour un mariage réussi. Les premiers mois ont été assez difficiles.

Après avoir largué dans les règles Charlotte, nous avons annoncé publiquement la nouvelle à la Nouvelle Année. Ce qui – je dois révéler – était assez épique. Charlotte, dont l'honneur avait été bafoué, s'est chargée de m'administrer une gifle dont je me souviendrai éternellement, tout comme Monsieur Durval qui, dans son coin, a assisté malencontreusement à la scène. Mon ex avait au préalable compris que notre couple ne tenait plus qu'à un fil, en équilibre au-dessus d'un ravin de deux centre mètres ; et il aura fallu que le retour de Priya dans ma vie ne le brise définitivement.

Tel un raz-de-marée, je n'avais pas aperçu un tel bouleversement jaillir. Pourtant, j'aurais dû m'en méfier. Une fille telle que la belle indoue, ça fait des ravages sur votre cœur, votre mental et votre existence toute entière. Une fois de plus, j'ai été totalement subjugué, happé, hypnotisé, noyé par les sentiments, que je nourrissais à son encontre et qui ne s'étaient pas atténués. Les années et les kilomètres n'ont fait que les attiser. Je suis dingue d'elle...

À tel point que ce sont mes tripes à table que j'ai présentées premières, ne me préoccupant pas de passer pour l'amoureux transi lorsque j'ai dit mot pour mot : « Monsieur et Madame Shouri, je suis amoureux de votre fille depuis plus de huit ans. ».

Mes révélations en ont bouché un coin à Jacqueline Lénard qui s'évertuait à s'imaginer que j'avais jeté mon dévolu sur celle-ci parce que mon pied avait accidentellement caressé le sien au lieu de celui de Priya. Même après autant de temps, ses sourires malicieux m'étaient tout adressés, et elle revenait souvent à la charge désirant faire la vaisselle en ma compagnie, m'effleurant l'épaule ou encore me coinçant sous le gui. Bigre, j'en ai encore des frissons d'horreur !

Bien évidemment, les propriétaires de la joyeuse maison d'hôtes se sont réjouis de mes dires, et Madame Durval s'est contentée d'un commentaire qui en aura fait rire plus d'un : « Je te l'avais dit, Robert ! Impossible de les séparer ces deux-là... ». Quant à mes parents, ils sont restés aussi indifférents que lorsque je les ai prévenus que je planifiais une réorientation quant à mes études. Ils acceptent. « À quoi bon vouloir contrôler un enfant qui n'en fait qu'à sa tête ?! » se trouve exactement être l'interrogation sarcastique, que mon père a déclarée à ma mère quand mes désastreux résultats en Polytech sont tombés. Leur incapable de fils ne pouvait qu'échouer et se réserver à une profession digne d'un troubadour ! Le dessin ! Je leur en aurai fait voir de toutes les couleurs, aux vieux Gramme !

Finalement, les parents de Priya se sont d'abord montrés intimidés par ma déclaration. Monsieur Shouri a fixé du regard sa fille qui n'a pas baissé une seule fois le menton. Les iris fixes et déterminées, elle leur a tenu tête et a confirmé mes dires, en les informant que j'étais son petit-copain et qu'elle seule choisissait qui elle aimait. Une vraie femme de pouvoir. Je suis tombée un peu plus en admiration pour elle. À l'inverse de moi qui n'ai pas supporté l'expression répugnée de mon père quant à mon orientation artistique et qui ai préféré claquer la porte de notre maison, Priya a gardé les épaules hautes et l'échine droite au risque de paraître insolente, assumant son amour pour moi.

Joyeux Noë'nnes ! [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant