Chapitre 12

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FILM : Le bonheur en cadeau, réalisé par Michael SCOTT

MUSIQUE : Happy Xmas, interprétée par John LENNON

Lucien

OK. Picasso ne s'est pas réincarné en Lidie, mais un démon vouant son âme au diable.

L'œuvre qu'elle a esquissée sur mon bras, est un véritable désastre. Les couleurs se mélangent, produisant des teintes à vomir, en un gribouillage gigantesque. Quasiment aucun blanc n'est préservé. Lorsque cette petite est déterminée, rien ne peut l'arrêter.

Le plâtre n'a pas été du tout épargné, et sera assurément la cible des moqueries du personnel soignant lors de ma prochaine visite.

Si je paie une infirmière pour me remplacer cette atrocité par un plâtre neuf, croyez-vous que je dépasse les bornes au point que ma filleule veuille m'étriper ?

La princesse au tempérament caractériel n'était de toute façon pas préparée aux critiques, et ne l'est toujours pas. Résultat : alors qu'une guerre faisait feu dans mon esprit, je lui ai souri et affirmé que c'était le plus joli projet artistique que j'ai vu. Être gratifiée de si gentils compliments l'a rendue toute joyeuse, si bien que gonflée par un enthousiasme créatif, elle a exigé exercer son génie sur la figure de son père.

Oui, j'ai bien dit « exiger ». La blondinette ne demande pas, elle ordonne. Ses parents ont littéralement créé un monstre de caprices.

Finalement, Baptiste a cédé au dessin corporel, et arbore sur la joue droite un petit cœur mauve. C'est simple et mignon, tout l'inverse de ce que je possède sur le bras. À croire que Lidie a été plus indulgente avec son papa, même si celle-ci affirme qu'elle me préfère à lui. Traîtresse !

À présent que l'ouragan est passé, un sommeil de plomb l'a assaillie. Glissée dans son pyjama Minnie, elle dort à poings fermés dans les bras de Priya. Ses petites mains sont encore accrochées à sa nuque, suite à la crise qu'elle nous a piquée. Nous avions beau lui répéter d'aller se coucher, la demoiselle désirait agir comme les « grands » et rester éveillée pour le dessert. Elle a tapé des pieds et pleuré à chaudes larmes, avant de se réfugier contre la poitrine de sa marraine.

Bien que son comportement puisse être interprété comme un enfantillage, nous avons parfaitement saisi que ce n'en était pas un.

La crise sanitaire n'impacte pas que l'état psychologique des adolescents et adultes, mais tout autant le mental des enfants. Au cours des derniers mois, Lidie a eu quelques difficultés à comprendre que les contacts physiques devaient être réduits et limités à ses parents. Elle, qui est très câline et attachée à Priya et moi, n'a pas supporté notre absence de visites durant le confinement, et encore plus notre distanciation au déconfinement. Elle redemandait des bisous et des papouilles, même si nous le lui refusions.

Ce soir, la pauvre a manifesté son ras-le-bol. Elle voulait juste profiter de notre compagnie et ne pas écourter son plaisir de nous recevoir. En une œillade, ma femme l'a compris. Elle l'a bercée tout contre elle, et a réussi à l'apaiser de manière à ce que ses pleurs cessent et ses paupières se ferment.

Son pouce en bouche, sa respiration est régulière tandis que sa tête repose sur l'épaule de Priya. Celle-ci ne se rend pas compte que, depuis un moment, sa paume caresse tendrement la longue chevelure blonde bouclée. Le tableau est attendrissant, tout comme le regard bienveillant que l'adulte pose sur l'enfant. Ému, il est empli d'amour.

Je sais qu'après ce que nous avons traversé, il a été difficile pour elle d'oser reprendre au creux de ses bras notre filleule. Elle avait peur de l'effrayer, si elle fondait en larmes. Tout comme elle était terrorisée par l'idée d'en venir à détester Baptiste, Margot et leur fille. De concentrer sa haine en nos meilleurs amis qui ont la chance d'être parents d'une si merveilleuse princesse.

Joyeux Noë'nnes ! [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant