Chapitre 15

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FILM : Le Noël des sœurs March, réalisé par John Stimpson

MUSIQUE : Christmas Lights, interprété par Coldplay

Priya

Mal de crâne à la con.

La tête totalement dans les vapes, ce n'est pas une fois ni deux que mon corps s'est retourné au milieu des draps. Ceux-ci froissés et ramenés en boule à mes pieds me narguent et me rappellent à quel point ma nuit a été brève et éprouvante. Ils prennent un malin plaisir à me signaler que personne n'était présent dans ce lit double bien trop grand, pour réchauffer mon cœur meurtri. Mon pauvre petit palpitant qui bat au ralenti sous une poitrine agitée par les sanglots.

Ma conscience me chantonne : « Tu l'as bien mérité, pauvre idiote ! », mais d'un autre, elle me souffle qu'un pareil tour ne peut être qu'orchestré par un individu dénué de tout sentiment humain. Oser sortir une telle déclaration à table alors que nos amis et nos familles sont conviés, sans même m'en toucher un mot au préalable ?! Pour le coup, si me blesser était son but, on peut en conclure que le joueur sans cœur l'a atteint avec brio. Je suis détruite.

D'ailleurs, l'apparence que je renvoie est assez éloquente à en juger le reflet dans le miroir de la salle de bain. Aussitôt après avoir déclaré ses quatre vérités à Lucien, je m'y suis enfermée afin d'éviter son regard... et surtout pour pleurer tout mon soûl. C'est uniquement sa faute si des sauts de larmes ont été déversés !

Hier, il n'était plus lui-même. Ce n'était pas la personne dont j'étais tombée follement amoureuse. Celle avec laquelle je m'étais liée d'amitié avant de me laisser aller à une douce reddition. À l'autre bout de la table, elle suscitait tout sauf l'envie de capituler à l'océan de ses yeux. Ces derniers convertis en une glace antarctique m'ont sciemment évitée tout du long de sa tirade. Ils n'ont pas pris la peine d'évaluer les dégâts. Et dire que les dégâts sont matériels seraient un euphémisme...

Après avoir chamboulé sa mère et l'avoir fait fuir, il a manqué de briser le cœur de notre filleule. Celle-ci m'a tant peinée que j'étais aussi à deux doigts de fondre avec elle. Dans mon cou, elle n'arrêtait pas de répéter : « Je vous aime beaucoup, toi et parrain ». À l'inverse de ce que laisse présager son caractère de petit cochon mal luné, elle nous témoigne une affection infinie.

Je sais qu'à mon âge, je devrais adopter la conduite d'un adulte et confronter, mais agir comme tel est épuisant. Il y a des jours où on se dit qu'on ferait mieux de rester enseveli sous une couette de vingt centimètres d'épaisseur pour pleurer tout son soûl. Des jours qui semblent plus pénibles que d'autres et où on enverrait bouler tout le monde.

Margot m'a affirmé que c'était normal de ne pas se sentir en forme, d'avoir ses bas. Pourtant, on m'a toujours inculqué qu'il y avait pire que notre situation et qu'on devait garder la tête haute quoi qu'il advienne. Sauf que depuis la veille, je n'y arrive plus. Devant elle, les vannes ont lâché. Retenir un peu plus longtemps ce que je conservais enfoui en moi devenait trop pesant.

Ses iris grises m'ont sondé avec une compassion infinie. Jamais je n'aurais cru qu'elle était pourvue d'une telle bonté d'âme. Elle est peut-être folle, mais elle est une amie en or. Sa petite sœur a traversé une peine de cœur un an auparavant, et a eu besoin de la même oreille bienveillante. Pendant un mois, la blonde délurée l'a hébergée et a été aux petits soins pour elle. Aujourd'hui, je bénéficie de la même attention.

Sans surprise, un message de sa part a été envoyé très tôt ce matin. À coup sûr, Lidie les a réveillés !

De Barbie :

Joyeux Noë'nnes ! [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant