Chapitre 7

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FILM : Miracle sur la 34e rue, réalisé par Les MAYFIELD

MUSIQUE : Carol of the Bells, composée par John WILLIAMS

Priya

Mes jambes tressautent, et bien que j'y mette toutes mes forces pour les contrôler, rien n'y fait. Mon corps est sous l'emprise de ces tremblements incessants, et mon cœur bat follement dans ma poitrine. L'angoisse m'a vite gagnée et, à présent, la panique emprunte le même chemin.

Le vent glacial qui s'engouffre par la portière ouverte, ne parvient pas à éteindre mes bouffées de chaleur. Le compte est bon : la panique s'est totalement emparée de mon esprit lorsque j'aperçois Lucien descendre les marches avec Noënne enroulée d'un plaid, au creux de ses bras. Cette vision est beaucoup trop affreuse, et un haut-le-cœur me force à détourner le regard. Je vais vomir. Là. Tout de suite. Si je n'arrive pas à calmer cette crise infernale.

Mon époux, le visage tiraillé par l'effroi et la contrariété, dépose avec une extrême délicatesse notre chienne sur mes cuisses. Nos yeux se croisent un instant et, pour une fois, je ne sais pas mentir. L'une de ses mains effleure ma joue brûlante, alors que ses pupilles rassurantes sont ancrées dans les miennes.

— Ça va aller, Priya. Calme-toi, serre-la dans tes bras et montre-lui que tout va bien. Un vétérinaire qui se trouve à une trentaine de minutes, a accepté de la prendre en urgence.

Pour la première fois, c'est lui qui gère la situation. Je suis surprise de ne pas l'apercevoir aussi dévasté que moi. Lui qui était auparavant enclin aux crises d'angoisse, maîtrise tout. Il a appelé le vétérinaire le plus proche. Il m'a ordonné de m'installer à l'arrière de notre voiture. Il a enveloppé délicatement Noënne dans un plaid et l'a portée comme si elle pesait un poids plume. Maintenant, c'est aussi lui qui se place derrière le volant. Avec énormément de sang-froid, il allume le moteur et emprunte les routes qui, enneigées, sont extrêmement dangereuses. Et je redoute le trajet...

Le souffle chaud du golden contre mon ventre monopolise mon attention. Noënne ventile beaucoup trop, et même si elle ne geint pas ou ne se tord pas de douleur comme un enfant, je lis dans ses iris la souffrance qu'elle ressent. Ma main s'aventure sur son abdomen qui est contracté et plus gonflé que d'habitude. Elle y reste et espère aspirer son mal.

— Son ventre est dur, Lucien...

Ma voix affolée l'interpelle. Son regard attristé croise le mien qui est empli de larmes dans le rétroviseur. Je n'arrive pas à les empêcher de couler. Cette épreuve est trop éprouvante. Moi qui croyais m'être forgée une carapace de fer, je lâche les armes. Je ne veux pas perdre notre chienne que je considère comme notre enfant. Elle est encore jeune pour nous abandonner.

— Respire, Priya.

Je ne fais que ça ! Inspirer. Expirer.

Cependant, je ne lui rétorque rien. La bouche verrouillée à double tour, j'acquiesce. Ma confiance est placée tout en lui. Il n'y a que Lucien qui puisse me rassurer et me guider dans cette épreuve que je n'attendais pas de sitôt. Certes, nous nous étions conformés à l'idée qu'un jour ou l'autre, nous perdrions celle qui nous a tant apporté. C'est le cycle de la vie. Nous naissons et nous mourons.

Dans mon esprit, Noënne était éternelle, telle la magie du vingt-cinq décembre. Si, par malheur, il fallait que je la perde ce soir, je ne m'en remettrais pas.

***

La pénombre est tombée sur tout le Plat Pays. Les routes étaient à peine praticables. La voiture n'arrêtait pas de déraper malgré les pneus neige que Lucien avait installés début novembre, mais nous sommes quand même parvenus à destination sans atterrir dans le ravin. C'est un exploit. Néanmoins, les minutes ont défilé et se sont éternisées. Les trentaines de minutes se sont converties en une cinquantaine de minutes. Le temps est devenu mon pire ennemi.

Joyeux Noë'nnes ! [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant