SOUVENIR - NOËL 2010

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FILM : Miracle à Manhattan, réalisé par Michael SCOTT

MUSIQUE : Last Christmas, interprétée par Georges Michael

Priya

— Aplatis bien ta pâte. Elle doit être un poil plus fine. Ainsi, lorsqu'elle gonflera à la cuisson, elle ne sera pas trop épaisse à la dégustation, me conseille Madame Durval.

Depuis deux bonnes heures, nous nous sommes plongées à corps perdus dans les préparations culinaires.

Reléguée pour le dessert, je me focalise entièrement sur cette tâche. Pâtisser parvient à me relaxer. Toute onde négative s'évapore. Mes muscles dorsaux se libèrent des nœuds nerveux qui me font souffrir. À force d'étudier le dos courbé, je risque de finir comme le Bossu de Notre-Dame ! La frustration, qui empoisonne ma poitrine et mon existence, est malmenée et prend la forme de ma pâte, maltraitée par le rouleau à pâtisser.

Un coup. Deux. Trois.

Je souffle. Je transpire. Mais je respire.

C'est ce dont j'avais besoin. Un après-midi en cuisine, auprès de ma vieille préférée, comme au bon vieux temps. La jeune adulte que je suis, requérait d'un break qui lui donnerait l'occasion de redevenir la petite fille d'autrefois.

— Bien ! Ta pâte est assez fine ! ricane-t-elle, en découvrant toute l'énergie que j'applique à la besogne.

Si certains éprouvent la nécessité de dépenser leurs nerfs dans une activité physique, ce n'est pas mon cas. Rien ne vaut la sueur provoquée par des heures à concocter des petits gâteaux qui termineront leur parcours entre mes crocs ! Du sucre, du sucre et encore du sucre ! Et n'omettons pas le plus exquis des ingrédients : le chocolat !

— Je suis vraiment contente que tu aies décidé de passer les fêtes ici, comme avant, me souffle Madame Durval.

Moi aussi. Même si je redoute mon séjour, il me comble d'une certaine joie. Retrouver les plus merveilleux propriétaires de Durbuy est un bonheur que je n'imaginais pas. Ils m'ont accueillie à bras ouverts, comme si j'étais leur fille. D'ailleurs, j'ai même cru remarquer une petite larmichette au coin des yeux de Monsieur Durval. Dans cette maison, je me sens enfin chez moi. Loin de l'agitation de la ville et des grincheux. Proche de la nature et des bons vivants. Quoi de plus étrange qu'une citadine se sentant plus Ardennaise qu'un local lui-même ?!

— Noël sans vous, ce n'était pas pareil. Je n'avais pas le cœur à le fêter ces deux dernières années, lui confié-je avec un mince rictus.

Les lèvres pincées, elle m'observe avec compassion derrière ses épais verres. Noël qui était devenu la fête que j'affectionnais le plus, s'était converti en celle dont il ne fallait pas prononcer le nom. Au cours des deux dernières années, aucun vingt-quatre ni vingt-cinq décembres ne figuraient au calendrier. Les deux jours bannis, le vingt-trois passait sans conteste au vingt-six. À vrai dire, grâce au blocus*, je n'y prêtais pas attention. La tête enfouie dans les cahiers, les journées et les nuits se ressemblaient. Je consommais trop de caféine, fumais énormément et dormais peu. Les joies de la vie d'une étudiante ! Et oui, je fume pour détresser...

— Tu as maigri ! maugrée-t-elle, la mine jugeuse.

Forcément, quelques kilos ont été ajoutés à la balance au cours de ma première année de bachelier. Cependant, le stress engendré par les deux suivantes a eu l'effet contraire : les quelques kilos superflus ont fondu comme neige au soleil. Bien que cette perte de poids soit visible, elle n'est pas alarmante. De nombreux étudiants y sont confrontés à cause de l'anxiété, que génèrent l'université et tout ce qui l'accompagne. Je suis juste une parmi tant d'autres.

Joyeux Noë'nnes ! [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant