- Comment ça, « défectueux » ?
L'homme qui hurlait, rouge de colère et de nervosité, s'appelait John Johnson. Il n'avait pas besoin de porter un badge nominatif pour le faire savoir : tout le monde le connaissait. C'était mon créateur. Visiblement, il était de très mauvaise humeur à cause de moi, ce qui ne changeait pas beaucoup de ces dernières semaines.
Or, cette fois-ci, sa colère était injustement dirigée vers la misérable personne que j'étais.
- Monsieur, crier n'y changera rien, intervint alors une jeune femme, assise derrière trois écrans translucides connectés au clavier numérique sur lequel elle tapait. J'essaie de réparer ce problème depuis qu'il est apparu mais rien ne fonctionne. 97 devra se présenter tel quel aux enchères.
Cet ange diablement intelligent était Ayah - mais contrairement à son patron, ces quatre lettres étaient brodées en lettres noires sur sa chemise d'une blancheur éblouissante. Personne ne connaissait son nom de famille et la seule chose que nous autres, Humains Contrôlables, savions d'elle, c'était qu'elle affirmait fièrement être la plus fidèle employée de John Johnson.
Elle lui vouait une admiration sans limite qui, parfois, était effrayante.
- 97 !
Je sursautai et croisai le regard accusateur de mon créateur. Il attendait visiblement une réaction de ma part... réaction qu'évidemment, je ne connaissais pas. J'ignorais depuis toujours ce qu'il attendait de moi. J'étais toujours trop : trop silencieux, trop introverti, trop solitaire. Toujours trop et jamais assez.
Les rares fois où je lui faisais remarquer, il n'hésitait pas à utiliser la force pour me remettre à ma place. Après tout, il pouvait largement se le permettre. Il était grand et « bien bâti », avec des cheveux blonds rappelant le sable sur la plage et de grands yeux bleus semblant refléter un millier de galaxies. Quand il s'énervait, il perdait tout son charme et malheureusement pour lui, c'était très souvent le cas.
- Arrange-toi pour résoudre ce... problème.
- Sans vouloir vous manquer de respect, cela semble hors de sa portée, monsieur Johnson, intervint calmement Ayah sans quitter son écran transparent du regard, sûrement en train d'essayer de forcer mon système à se rétablir.
Il serra les poings et expira lentement pour tenter de se calmer. Je ne comprenais pas pourquoi il s'en prenait à moi : je n'étais pas responsable de mon dysfonctionnement. Les coupables avaient été innocentés par la police avant même que je n'arrive à finir ma déclaration... ou plutôt, à la commencer.
- Nous avions tout misé sur toi, tu étais le plus réussi de la session 90 ! Intelligent, entreprenant, beau et j'en passe ! Mais tu n'es plus capable de...
Il jeta un coup d'œil à l'ordinateur de sa secrétaire pour terminer sa phrase.
- ... ressentir la moindre émotion positive ? Mais quelle honte, bon sang !
- Monsieur ! m'écriai-je en me levant soudainement, énervé. Vous essayez de me faire payer les conséquences des actes inhumains auxquels j'ai assisté et c'est totalement injuste !
Le monde entier était injuste, de toute façon. Pourquoi essayais-je encore de croire le contraire ?
- Tais-toi et rassieds-toi, m'ordonna-t-il sans cacher le dégoût que je lui inspirais. Personne ne voudra de toi aux enchères. Tu es une véritable déception, un échec lamentable !
Il tourna les talons et sortit du bureau en claquant sa porte alors que je me rasseyais en silence, obéissant malgré moi à ses ordres.
- 97, tu peux retourner avec les autres, me dit doucement sa secrétaire. Ton système semble irréparable et te faire la morale n'y changera rien.
Je croisai péniblement son doux regard gris. Elle paraissait vraiment inquiète. C'était bien la seule à se soucier de mes ressentis, ici.
Enfin, d'un point de vue plus réfléchi, elle ne faisait cela que dans le cadre de son métier.
Nous autres, Humains Contrôlables, n'étions que des créations dont le développement incertain restait à surveiller par des scientifiques comme elle. Des créations qui, certes, ressemblaient aux humains - car nous en étions d'un point de vue physique, avec du sang dans nos veines, des muscles, des os et des émotions -, mais restaient artificielles.
Cela faisait de nous des machines, des inventions. Nous étions la preuve même que la vie était possible sans l'aide de quelconques parents et qu'il existait d'autres moyens qu'enfanter pour créer la vie. Nous étions la preuve que la science pouvait gagner contre les lois de la nature.
Oui, nous étions tout cela.
Mais nous n'étions que cela.
D'abord des preuves, des réussites et des résultats, mais ensuite des frères, des enfants et des compagnons. Notre rôle dans cette société, une fois passée l'euphorie de l'annonce de notre création, n'était plus que celui de servir le plus offrant. Une grande vente aux enchères était mise en place pour permettre aux plus aisés de devenir nos propriétaires et après ce délicat moment, nous étions à peine protégés par quelques quelques lignes imprécises d'un règlement que je m'étais fait un plaisir d'apprendre.
Pourquoi nous qualifier d'humains si c'était pour ensuite nous retirer notre liberté ? Je me posais cette question depuis ma création. Cela n'avait aucun sens à mes yeux. Plus généralement, la notion d'humanité me dépassait grandement. Elle n'avait aucune valeur, personne ne pouvait y prétendre.
Les humains de naissance étaient des monstres et ceux de ma catégorie ne l'étaient même pas véritablement.
Or, j'étais sur le point de découvrir par la plus étrange des manières qu'une personne envisageait les choses sous l'angle le plus opposé au mien. Là où je voyais la pluie, il voyait un arc-en-ciel. Là où je voyais un naufrage, il voyait que des êtres à sauver.
Mais qui avait dit que je souhaitais changer d'avis ?
☆☆☆☆☆
Toutes mes salutations !
Création 97 est une histoire de romance et de science-fiction à laquelle je dédie des heures et des heures, si bien que ma notion de « profiter » consiste presque à rédiger ce livre. De ce fait, j'espère de tout cœur que vous remarquerez tous les efforts que je réalise pour vous offrir une lecture agréable, et que cela vous plaira.
Je tiens cependant à préciser que cet ouvrage est destiné à un lectorat averti : certaines scènes, bien évidement signalées au début des chapitres concernés, contiennent des éléments pouvant heurter la sensibilité des plus jeunes ou des personnes non averties.
Exemples : langage familier [insultes], allusions au viol et aux abus sexuels [implicites], description de violence et de meurtres [explicites], harcèlement scolaire [explicite]Maintenant que vous avez toutes les informations nécessaires pour poursuivre votre lecture, je vous souhaite de passer un agréable moment en découvrant Création 97 !
N'hésitez pas à commenter pour me faire part de vos impressions ainsi qu'à voter pour soutenir mon travail. À très bientôt,
ArchereOlympienne
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Création 97
Science FictionOn m'appelle Création 97, car je suis la quatre-vingt-dix-septième fabrication du légendaire scientifique John Johnson. Il s'est mondialement fait connaître grâce à toutes les personnes comme moi, les Humains Contrôlables : nous avons vu le jour sou...