Chapitre 3 : Passé, présent et futur

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Après chaque crise que je faisais, au moment où ma panique daignait enfin me quitter, je me sentais épuisé. Cela me donnait souvent l'impression que le prix à payer pour me calmer était l'énergie que je n'avais pas su utiliser pour m'empêcher de replonger dans mes souvenirs. 

— Encore une fois, je m'excuse sincèrement, répéta Milo, penaud, ne sachant pas quoi faire.

— Ne vous inquiétez pas, tenta de le rassurer Ayah. Il...

— Noah, je sais que je me suis très mal comporté envers toi même si je ne l'ai pas fait exprès, ajouta-t-il, coupant Ayah sans y prêter attention. C'est pourquoi je te demande si tu acceptes que je t'achète, car j'ai dis que je te traiterai comme un humain alors que je n'ai pas pris le temps de te demander ton accord.

Je me frottai les yeux pour me concentrer totalement, surpris, et crus d'abord avoir mal entendu. Depuis quand attendait-on un avis de ma part ? Depuis ma création, quelques mois plus tôt, personne ne s'en était jamais soucié.

J'hésitai longuement. Je relevai la tête en direction du bâtiment quatre. Derrière les vitres du premier étage, au niveau de la salle d'attente, tous mes camarades de session me faisaient de grands signes pour me faire comprendre que je devais accepter –  et l'homme étrange essaya de les ignorer de son mieux pour sauver leur amour-propre. Ils nous écoutaient donc toujours. Pour une fois que Johnson aurait une raison valable de les réprimander, je me demandai s'il le ferait ou s'il n'y avait que moi à qui l'on faisait scrupuleusement respecter le règlement.

— Je respecterai ton choix, je le jure, m'assura Milo. Si tu ne veux pas, je ne t'achèterai pas contre ton gré.

Je regardai à nouveau mes compagnons me faire signe d'accepter. Du coin de l'œil, je vis qu'Ayah, occupée à pianoter sur son téléphone, me jeta un regard discret pour jauger ma réaction.

D'un côté, Milo Wildstone m'agaçait et m'effrayait à la fois. Mais d'un autre... Arayah 92 avait dit que j'avais besoin de lui pour aller mieux. Pourtant, je n'avais pas l'impression d'avoir besoin d'aller mieux.

Avait-elle raison ? De toute façon, j'étais défectueux, donc c'était fort probable. En fait, je savais que je ne ressentais pas d'émotions positives, mais je ne me souvenais pas de celles-ci et ne pouvais donc pas comparer. On me disait souvent que j'étais désagréable et agressif ; j'avais juste l'impression d'être normal.

Je regardai de nouveau Milo. Il attendait visiblement une réponse de ma part, mais ne voulait pas prendre le risque de m'énerver en me demandant de répondre immédiatement.
Il avait vraiment l'air de vouloir... m'aider.

— Je pourrais vraiment t'aider à aller mieux, répéta-t-il. Je sais que je le peux. Tu n'as qu'à me dire un mot.

Je me sentais étrange. Je ne savais pas vraiment si je devais lui accorder un fragment de ma confiance ou me braquer, comme je le faisais ces derniers temps.

Et s'il me trahissait ?

Je regardai Milo droit dans les yeux. Il attendait ma réponse, plein d'espoir. D'espoir... à propos de moi ?

J'hésitai encore quelques longues secondes, puis, pour toute réponse, hochai positivement la tête.

***

Nous étions désormais dans le bureau de John, dans le bâtiment cinq. Comme il n'y avait eu que Milo d'intéressé pour m'acheter, il n'y avait pas eu d'enchères.

J'appris qu'Arayah 92 avait été vendue pour quelques millions. Je me dis en soupirant que moi, défectueux ou non, je n'aurais jamais été vendu si cher. Un élan de jalousie me traversa ; je m'efforçai de penser à autre chose.

Création 97Où les histoires vivent. Découvrez maintenant