Chapitre 6 : Elon Musk

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J'attendis vainement la suite de sa phrase car lui attendait ma réaction.

— Et alors ? dis-je finalement. Il ne l'a pas dit clairement. Tu peux donc en profiter pour emmener n'importe qui.

— C'est tentant, réfléchit-il en se rasseyant correctement, mais la blague ne plairait pas trop à mes parents.

— Tu les détestes, alors qu'est-ce que ça change ?

Il s'efforça de ne pas croiser mon regard puis redémarra la voiture, quittant le bas-côté pour regagner la route.

Je me fis la réflexion que s'il vivait seul, c'était stupide d'avoir un véhicule aussi spacieux. Un rapide coup d'œil sur le tableau de bord m'indiqua que ce n'était pas une voiture à essence mais une électrique. Malgré cela, c'était toujours mauvais pour l'environnement.

— Disons qu'il faudrait expliquer pourquoi tu t'appelles Wildstone, et ce serait bizarre. Et puis, mieux vaut que tu te tiennes loin de mon père.

— Pourquoi ?

Il ne me répondit pas et se concentra de nouveau sur la route qui s'étendait à perte de vue.

Agacé par son silence, je reportai mon attention sur le paysage qui défilait derrière la vitre teintée que j'avais fermée à cause du vent. Je constatai ainsi que, quelques minutes plus tard, on quitta cette route pour enchaîner sur une départementale.

Nous allions cependant trop vite pour que je ne puisse lire les indications des panneaux.

Alors que je commençais à m'assoupir, la voiture prit un virage un peu trop aigu pour être confortable. Je soupirai en agrippant la petite poignée au-dessus de la portière pour éviter de me retrouver étalé sur Milo.

— Noah... ? me demanda-t-il alors, un sourire dans la voix.

Si, si. Je devinais qu'il souriait rien qu'à la manière dont il m'avait appelé, alors cette expression était tout à fait réaliste – pour une fois.

— Quoi ? demandai-je de mauvaise grâce en me rasseyant correctement.

— Lundi prochain, on ira au lycée, je t'inscrirai dans la semaine. Ça te va ?

Le "on" me perturba. Il me semblait un peu âgé pour suivre des cours – il conduisait une voiture, et avait dépensé une somme impensable pour moi.

— Quel âge as-tu ?

— Dix-huit ans depuis quelques mois, mais j'ai redoublé une fois et suis donc en première au lycée, expliqua-t-il. J'espère que l'administration acceptera de te mettre dans la même classe que moi !

Je haussai les épaules. S'il avait redoublé, ce devait être un mauvais élève. Était-il semblable aux personnages clichés et stéréotypés que je retrouvais bien souvent au cours de mes lectures ?

Quelques minutes de silence plus tard, on entra enfin dans une ville et la voiture ralentit. De part et autres de la route se trouvaient de nombreuses maisons aux façades multicolores et aux toits plats en ardoise noire. Beaucoup de passants s'apostrophaient d'un trottoir à l'autre, souriants, et certains firent même un signe de la main à Milo qui le leur rendit avec un sourire.

Je détestai aussitôt cette ambiance chaleureuse. Tout cela m'écœurait. Ces gens ne pouvaient pas vivre dans une telle niaiserie ! C'était ridicule : le monde était horriblement cruel, ses habitants aussi, et cette ville était bien stupide si elle pensait échapper à cette généralité.

— C'est quoi, cette ville ? Câlins-bisous-land ?

— Zéphyr-sur-mer, rectifia-t-il avec fierté. Je vis ici et désormais, toi aussi !

— Formidable, soupirai-je.

***

Après quelques minutes passées à rouler dans les rues de Zéphyr-sur-mer, il s'arrêta enfin devant une maison un peu isolée des autres et construite dans un style totalement différent. C'était beaucoup plus moderne.

La façade était blanche, et la porte ainsi que le contour des fenêtres étaient en bois sombre, offrant ainsi un contraste agréable à admirer.

Milo arrêta la voiture.

— Bienvenue chez nous, fit-il avec un demi-sourire.

— Tu n'habites pas chez tes parents ?

— Tu rigoles ? fit-il en descendant, haussant les sourcils pour marquer sa surprise. Dès que j'ai eu dix-huit ans, je me suis barré.

Je sortis à mon tour de la voiture et fis quelques pas pour me dégourdir les jambes, le trajet ayant été long.

— Tu viens ? me demanda-t-il en se dirigeant vers la porte.

Je le suivis. Il sortit posa sa main sur un boîtier blanc de reconnaissance digitale pendant quelques secondes avant qu'elle ne se déverouille puis m'invita à entrer d'un geste de la main.

Quand je le fis, je passai quelques secondes à admirer l'architecture du hall. Deux escaliers en marbre, sur les deux côtés de la pièce, formaient un imposant demi-cercle pour mener à l'étage supérieur. Le sol était de carrelage noir, brillant et étincelant, et reflétait la lumière entrant à flot par les fenêtres éclairant l'escalier et celles qui se trouvaient dans une pièce à droite – sûrement un salon.

C'était... magnifique.

À ce moment je devais avoir l'air d'un enfant à Disneyland, mais cette maison était réellement stupéfiante. Sans attendre Milo, j'entrepris moi-même de visiter le reste du rez-de-chaussée. Je me dirigeai vers la pièce lumineuse qui participait grandement à l'éclairage du hall, sur ma droite. Des étagères en bois blanc surchargées de livres recouvraient deux murs, et le reste était constitué d'une grande baie vitrée donnant sur un magnifique jardin coloré.

Je me reconcentrai sur la salle où je me situais. Un rapide coup d'œil m'apprit que les livres entreposés ici étaient de genres divers et variés : je repérai des livres de fantastique côtoyant des livres d'histoire. Ils semblaient rangés selon la couleur de leur couverture.

Contre le seul mur dénué de décoration, celui face à la baie vitrée, étaient disposés des fauteuils visiblement moelleux et des poufs transparents remplis d'une sorte de caoutchouc. Deux petites tables basses en verre où étaient posés des sucreries et des livres ouverts achevaient de meubler cette pièce.

— Tu es vraiment un gosse de riche, dis-je à Milo quand il entra.

— C'est en effet le seul avantage que j'ai à être un Wildstone. Je te montre ta chambre ?

— Ma... chambre ? répétai-je avec perplexité.

Depuis que j'avais été créé, je n'avais jamais eu un seul moment d'intimité : je partageais un dortoir mixte avec mes camarades de session et nous nous battions tous pour arriver les premiers à la douche.

— Oui, ta chambre, répéta-t-il avec amusement en me faisant signe de le suivre.

On sortit du salon de lecture et on monta les escaliers de marbre jusqu'à atteindre l'étage de la maison. Sur le palier, de grandes fenêtres aux sommets arrondis offraient une vue imprenable sur le jardin à la végétation luxuriante qui encerclait visiblement la demeure.

Milo se dirigea jusqu'à une porte, au milieu du couloir partant de la droite du pallier. Il s'arrêta devant la porte du fond et me l'ouvrit avec un grand sourire, impatient de découvrir ma réaction.

Quand je vis l'intérieur de cette pièce, je ne pus m'empêcher de répéter :

— Bordel, t'es vraiment un gosse de riche ! On dirait une maison qu'aurait pu posséder Elon Musk.

— C'est qui, ce type ?

Je soupirais en me tournant brièvement vers lui.

— Dans les années 2020, il faisait partie des hommes les plus riches du monde ou quelque chose comme ça. J'ai appris ça dans un livre.

— Je n'en avais jamais entendu parler, rit-il.

Création 97Où les histoires vivent. Découvrez maintenant