Chapitre 28

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« Si tu souffres, je t'aimerai. Si tu es heureux, je t'admirerai. »

Moi (paroles de Lettie)


J'avais un rêve. Celui d'un monde sans monstre. La guerre ne serait plus. Pourtant, pas besoin d'être sorcier pour connaitre le plus destructeur des sortilèges. À la simple évocation de « Feu ! », une apocalypse tombe sur les terres, sur la vie. Comment un tel élément merveilleux, capable de réchauffer les cœurs solitaires et d'éclairer dans les ténèbres les plus sombres, a-t-il pu être souillé ainsi ?

J'avais un rêve. Celui d'un héros vainquant les méchants. Mais la vérité fut bien différente. Parfois les méchants vivaient, parfois ils mourraient, de la même manière que les héros pouvaient continuer d'exister ou perdre la vie. Mes héros ne seraient jamais les leurs. Les héros des uns devenaient les méchants des autres. La vérité était que chacun avait ses pensées, chacun avait ses idées et surtout chacun voulait les faire devenir vérité de tous. Les imposer paraissaient normal et les conséquences engendrées devenaient valables. Les divergences n'unissent pas dans la diversité, elles divisent dans l'incompréhension et l'impossible de pardonner ou de penser autrement.

Oui, j'avais un rêve. Celui d'un monde en cohésion où la violence n'aurait pas de sang sur les mains et où la paix serait certaine. Et je me suis réveillée, comprenant avec effroi cette seule vérité que si la paix était mon idéal et mon héros, la haine et la souffrance serait celui de ceux qui me considèreraient comme la méchante. Si je désirais le Paradis, d'autres voulaient l'Enfer.

J'ai rencontré tant de personnes affirmant partager mon envie, qu'elle était ce que tout le monde voulait. Qu'il fallait se battre pour la paix.

Et j'ai pleuré. La vérité était là, tout autour de moi. La violence avait gagné depuis les premiers instants de la vie, elle avait détruit ceux qui espéraient ne jamais la revoir. Leurs combats, de quelques natures qu'ils soient, peu importait leur but. Leurs combats.

Et puisqu'il fallait se battre pour vivre, que pour réaliser ses rêves il fallait se réveiller, j'ai décidé à tout jamais de me rendormir pour m'éloigner de leur terrifiante réalité. La guerre possède un visage, la paix n'a jamais été qu'un mirage.

— Je ne comprends pas, Hella. Ta mère t'a obligé à vivre un enfer, me rappela Strix tout en buvant son café.

Elle ne comprenait pas. Et moi non plus.

Je jouai avec ma pâtisserie du bout de ma cuillère. Je n'avais pas faim. Sans corps, je n'avais pas pu lui donner un enterrement, et puisque de façon officielle elle était déjà décédée, c'était comme si rien ne s'était passé. Ni l'instant de tendresse, ni les dernières paroles qui me laissaient perplexes. Le sort du nécromancien l'avait fait divaguer.

Strix se leva.

— Bon, j'ai un entretien.

— Un entretien ?

— Ouais, pour entrer dans le Convent, pour le 4ème Siège.

— Attends, quoi ?

— Hella, les sorciers peuvent travailler au Convent sans pour autant être des Sièges. Sinon, comment crois-tu que le 7ème Siège s'en sortirait tout seul, avec toute la paperasse ?

— Et la « section 4ème Siège » consiste à quoi ?

— Justice et bras armé de la sorcellerie.

Bon, il était toujours utile de savoir ce genre de chose.

— OK, à plus Strix.

Et mon amie partit, me laissant seule dans mes ruminations. Je me souvenais d'un temps où toutes les deux nous nous insultions avec le sourire avant d'éclater de rire, où nous parlions de nos problèmes avec un sérieux aujourd'hui disparu. Depuis que j'étais devenue une sorcière, Strix et moi... ce n'était plus comme autrefois. Et avec mon passé revenu à la surface, ça n'avait rien arrangé. Entre Frédéric, ma condamnation à mort qui ne semblait pas avoir fait suite et le retour de ma mère...

Ting Ting, Witching ; Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant