Chapitre 18: Amy

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Je me blottis encore plus dans ses bras. Sur le coup, je n'avais pas aimé qu'il me découvre comme ça. J'avais l'impression d'avoir déballé ma vie entière devant lui sans l'avoir voulue. Mais il était plus embêté que moi. Il se rendait compte à quel point ça comptait pour moi. J'étais très discrète comme fille. On ne savait rien sur moi. C'était ma façon de me protéger mais lui, il savait tout. Et je voulais qu'il sache tout. Je voulais lui appartenir comme lui m'appartiendrait.

J'entourai donc son corps de mes bras. Je pouvais écouter et sentir son cœur battre. Je me focalisai sur sa respiration.

Je pensais à ce que j'avais vécu et ce qui m'avait fait mal. Je n'avais pas à me plaindre, mais j'avais toujours une douleur lancinante dans ma poitrine. Depuis toute petite, je l'avais. Je croyais que c'était normal d'avoir ce poids.

Au fur et à mesure que j'avais grandi, ce poids s'était fait plus lourd et plus volumineux.

Tout avait commencé par la mort de ma grand-mère paternelle. Je n'avais que deux ans quand elle est décédée. Je m'en voulais de ne pas avoir pleuré une seule fois sa mort et de la considérer comme une étrangère. Mais je ne la connaissais pas. J'essayais de me rassurer en me disant cela depuis toujours, mais je n'y avais jamais cru.

Ensuite, il y avait eu Agnès. Elle avait remplacé la mamie que je n'avais pas eue. Elle m'avait couvert d'amour et m'avait adopté comme étant sa petite fille ..

Je la considérais comme une personne de la famille, mais pas mes parents. Ils ne l'appréciaient pas. En fait, ils ne la comprenaient pas. «Elle me réconfortait dans mes bêtises » selon eux. Je croyais en la magie. Alors que tout le monde riait de mon ignorance, elle savait de quoi je parlais. De la magie du monde. De sa beauté. Des paysages. Des personnes. De tout. Je l'avais aimé comme une troisième grand-mère.

Pendant un an, je ne pus la voir. Alors que je m'étais rendue chez elle,un jour , seule, je l'avais aperçu. Elle ne m'avait pas reconnu. Personne ne m'avait dit qu'elle était atteinte d'Alzheimer. J'en avais voulu à la terre entière.

Quand elle a quitté ce monde, mes parents ne m'ont pas amené à l'enterrement. Je ne sais même pas où se trouve sa tombe....

Mais il y avait mon grand-père pour me réconforter. Le papy que n'importe quel enfant rêvait d'avoir. Souriant, joyeux, qui chantait, qui dansait... Le papy parfait. Je me rappelais encore de son odeur : la lavande. Je me souviens quand il me bordait dans son lit. J'étais piégé dans les couvertures. Il avait tellement peur que j'attrape froid. Il était gentils, doux.

On chatouillait des grillons dans leur trou pour qu'ils sortent et ensuite, on les attrapait. J'adorais m'endormir avec le chant de cet insecte.

J'aimais les spectacles de claquette de mon grand-père quand il était hyper content...

Il se pliait en dix milles pour moi. Je dessinais avec lui, il m'avait donné sa passion. Il m'avait donné toutes ses passions. Il m'avait tout donné.

Puis, il était tombé malade. Putain d'Alzheimer. Lui, ne me reconnaissait pas. Je ne le reconnaissais pas non plus. Je venais le voir trois fois par semaine, jusqu'au jour où il m'a frappé. J'avais compris à ce moment-là, que je l'avais complètement perdu. Ça m'avait dévasté.

Et, il y avait eu beaucoup de chose... Comme l'enfance que je n'avais eue, ou même l'insouciance absente de toute ma vie...


Je ne mettais pas rendu compte que je sanglotais. Je retenais trop de choses. J'éclatai comme un barrage qui cède à l'eau qu'il contenait.

Je resserrais mon étreinte ...

Dieu, que j'aime cet homme ...

La chaleur des bras de James était rassurante et bienveillante. Tout le poids sur mon cœur s'envola...


Et si c'était lui ? (relation prof/élève)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant