Chapitre 51: James

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Cela faisait deux semaines qu'Amy était dans le coma. Deux semaines que ses chances de se réveiller diminuaient. Deux semaines où j'allais la voir et que je ne dormais plus.

Dès que je fermais les yeux, je voyais son corps sans vie, le bruit des moniteurs qui s'affolaient et le son de ses côtes qui se cassaient... Tout était de ma faute. Je le savais pertinemment.

Étais-je à plaindre ? Non. Je n'avais pas le droit de le faire. Amy ne l'a jamais fait alors qu'elle avait ce droit.

Il fallait que je sois là pour elle. Était-ce vraiment désintéressé de ma part ou était-ce de l'égoïsme pur ?

J'avais tellement envie de me faire pardonner. Peut-être que je restais auprès d'elle pour être excusé ou pour voir ses beaux yeux s'ouvrir devant moi.

Je voulais être la première personne qu'elle verrait, la première personne qui entendrait le son de sa voix. Je voulais être le premier.


J'avais demandé à Schirch, si on pouvait installer un lit de camp dans la chambre d'Amy. Il avait accepté pensant que ça allait la stimuler. Depuis, je dormais à coté d'elle.

Avant de m'endormir, je lui prenais la main, j'enlaçais nos doigts ensemble. Parfois, j'avais l'impression qu'elle bougeait les doigts et qu'elle pressait les miens. D'après les médecins, ce n'était que des hallucinations ou de la fatigue.

Quand je me réveillais dans la nuit, je regardais le pied de son lit et il me semblait que les couvertures bougées. Mais ce n'était que des effets d'optiques à cause d'une trop grande concentration.

Cela me désespérait.


Lorsque je rentrais du lycée, il m'arrivait de lui raconter ma journée avec les âneries que je trouvais sur les contrôles, les blagues que j'avais entendu ou même les bêtises et exploits des élèves.

Je lui ai même raconté comment Damien avait dévalé les escaliers après un croche pied de Mike. J'avais ri tout seul devant le corps inerte d'Amy. Entendre l'écho de ma voix dans sa chambre blanche, me donnait envie de rendre mon repas...

L'hôpital était froid quand elle était là, mais à présent c'était pire. Je ne voyais même plus de sourire lui fendre le visage, de clin d'œil, de sentiments traverser l'éclat de ses yeux... Elle était dénuée de toute émotion.

Quand je ne savais pas quoi dire, je lui lisais son livre préféré ou l'actualité, en espérant que quand elle se réveillerait, elle ne serait pas trop dépaysée.



Je la regardais dans le lit, elle semblait dormir paisiblement, comme s'il ne s'était rien passé. Sauf, que je savais que le lendemain, elle ne se réveillerait pas. En plus, nous ne savions pas si elle allait avoir d'autre séquelle. Apparemment, son activité cérébrale était bonne mais peut-être qu'elle aurait des troubles du langage ou même moteur.

Si elle perdait l'usage de ses membres à cause de moi, je ne m'en remettrais jamais. Je ne sais même pas comment j'ai pu penser cette phrase. Je venais d'envoyer la femme que j'aimais à la faucheuse puis à l'hôpital, et pourtant je me portais plutôt pas mal.



Un infirmier était passé cet après-midi pour me dire que ses côtes seraient rétablies dans un mois et demi, peut-être moins car elle ne les stimulait pas.

Comment le pouvait-elle ? Elle n'éternuait plus ! Elle ne toussait plus ! Elle ne riait plus !



J'embrassai son front avant de m'installer sur mon matelas. Il n'était pas très confortable. Mais quelle importance ?

Je lui pris sa main et embrassai chaque doigt. Je vis les poils de son bras se hérisser. Encore une hallucination.

J'enlaçais nos doigts et m'endormis.

Je courais main dans la main avec Amy. Elle souriait, ses cheveux volaient au vent. Quelques feuilles de noisetier et de châtaignier se trouvaient dans sa chevelure.

Elle portait, seulement, une magnifique robe blanche, un peu transparente. Je pouvais deviner chaque courbe de son corps et même voir une auréole rosée sur ses seins.

Nous courions entre les arbres. Ses pieds nus faisaient craquer les feuilles mortes qui jonchaient le sol. Elle riait et me regardait avec amour et tendresse. J'avais envie de l'embrasser. Une irrésistible envie.

Alors, j'arrêtai notre course folle. Je mis ma main sur sa taille et l'approchai de moi. Nos poitrines se collèrent et ses mains trouvèrent leur place dans mes cheveux. Je fermais les yeux. Elle me tirait quelques mèches et je grognais. Je profitais de ce moment où nous étions complices, intimes.

Puis ses doigts disparurent de mon cuir chevelu. J'ouvris les yeux et vis Amy froncer les sourcils et reculer.

Sa robe était maculée de sang. Son visage était blanc, livide. Le liquide rouge coulait le long de son vêtement et était absorbé par le tapis de mousse. Ce dernier devint cramoisi et l'univers, dans lequel nous étions, changea. Les arbres avaient perdu leurs feuilles. Ils étaient noirs comme brûlés. Un brouillard épais nous entourait.

Amy avait aussi changé d'apparence. Ses yeux étaient enfoncés dans leur orbite. Leur contour était noir. Ses lèvres étaient bleues. Sa peau était recouverte d'une pellicule de givre. Ses cheveux étaient raidis par la pluie.

J'avançais d'un pas et elle recula. Je tendis la main vers elle. Quand je levai mon bras, je le vis de couleur rouge. J'avais du sang partout. Je regardai mon autre main. J'avais un cœur. Je relevai la tête et Amy fit tomber sa robe sur le sol. À la place du cœur, elle avait un trou.
-Tu m'as tué, James. -dit-elle calmement-
-Je ... je ... Non. C'est pas vrai. Crois-moi.
-Tu m'as tué. -hurla t-elle-. Sois prêt à vivre avec ma mort sur ta conscience.

Elle se mit à crier. Sa mâchoire se déboîta et le regard d'Amy était dirigé vers le ciel. C'était un cri de souffrance.

Je me réveillai en sueur. Je regardai à ma gauche. Amy était toujours allongée dans le lit. Je me passai une main sur mon visage puis j'allai à la salle de bain, me rafraîchir.

Je me mis de l'eau dans le creux de mes mains et me la lançai au visage. Je répétai ce processus cinq fois avant de pendre une serviette et de m'éponger la face.

J'avais besoin de discuter. De vider ce que j'avais sur le cœur. J'étais certains que j'étais le bourreau d'Amy. Même mon subconscient me le rappelait. J'étais un meurtrier.

Mais avec qui pourrais-je parler ? Il était trois heures du matin.

Benjamin ? Il m'avait proposé son aide à « n'importe quelle heure du jour ou de la nuit ». Je lui avais expliqué l'histoire de la tromperie et il ne m'avait pas cru. D'après lui, Amy m'aimait trop pour faire cela. Pourtant, elle m'avait dit clairement qu'elle l'avait fait. Elle avait donné sa virginité à un inconnu.

Mais qu'en savais-je si elle était vierge ou non ? Elle savait s'y prendre avec les hommes. Je ne pensais plus, à présent, qu'elle était intacte au début de notre relation. Je croyais plutôt qu'elle m'avait menti.

Non, je ne pouvais pas appeler Ben, il dormait.

Et ma mère aussi. Qu'est-ce que j'aimerais qu'elle soit à mes côtés. Elle pourrait me soutenir, me guider. Malheureusement, elle n'était pas là.

Peut-être que mon père travaillait toujours. C'était un acharné du boulot. Il lui arrivait de ne pas dormir pour finir un dossier. Mais ça avait payé. Il était à la tête d'une magnifique multinationale florissante.

Je tentai d'appeler mon père. À la quatrième tonalité, il décrocha :
-James ?
-Oui, papa.
-Il est quelle heure chez toi ?
-Trois heures.
-Dieu du ciel, pourquoi ne dors-tu pas ?
-Amy est dans le coma, papa.

Ma voix se brisa et je me mis à pleurer. Je m'asseyais sur le lit d'Amy et caressai ses cheveux. Elle adorait quand je faisais ça, surtout quand elle avait des migraines.

Qu'est-ce qu'elle me manque.

Je n'arrivais pas à apaiser mes sanglots. Ils devenaient de plus en plus fort.
-Oh, mon garçon... Depuis combien de temps ?
-Plus de deux semaines... Déjà quand elle est partie de Londres, elle s'est enfoncé avec de la drogue.
-Heu ... Eh ... -il se racla la gorge- Tu sais pourquoi ?
-Je lui ai fait du mal. Je suis un monstre -mes sanglots redoublèrent-
-Mais non – j'entendis qu'il soupirait- Il faut que je te dise quelque chose sur notre famille.
-Papa, je te parle d'Amy.
-Je sais mais ... -il inspira- Ta mère et moi, nous nous séparons.

Mon monde s'écroula une deuxième fois. Voulait-il m'enfoncer encore plus ? Je perdais la femme de ma vie et le couple de mes parents explosés.

-Comment ça ? -demandais-je incrédule-

Il ne pouvait pas se séparer, c'était le couple le plus soudé que je connaissais... même si maman était un peu dure ...

-J'ai demandé le divorce -dit-il posément-
-Je croyais que tu l'aimais.
-Je le pensais aussi mais c'était avant de te voir avec Amy. J'étais comme ça avec ta mère à l'époque. Elle me regardait avec tendresse. Elle avait toujours des attentions à mon égard. Aujourd'hui, nous faisons chambre à part. Et puis... eh bien, je ne la satisfais plus.
-Que veux-tu dire ?
-Elle me trompe.

Je ris amèrement.
-Les deux hommes de la famille Brav trompaient par leur bien-aimée.
-Non, James. Seulement moi.
-Tu veux que je te rappelle la fois_
-Cette fois-là, Amy à couvert Évelyne. C'est ta mère qui m'a trompé. Amy est venue me voir dans mon bureau. Elle m'a expliqué l'histoire. Ta mère l'a menacé de te dénoncer à la police.

Je ne compris pas ce qu'il venait de me dire. J'ai dû repasser ses phrases en boucle dans ma tête, pour les assimiler.

Amy ne m'avait pas trompé. Ma mère l'avait menacé. Amy ne m'avait pas trompé. Ma mère l'avait menacé.
Même en me répétant ceci comme une litanie. Je ne comprenais pas...

Puis, je me rendis compte de la situation. J'étais horrifié. Ma propre mère qui disait vouloir mon bonheur. J'avais été tellement con. Elle m'avait monté contre Amy.

Elle a toujours été comme ça. Pourquoi elle aurait changé ? Mais quel con ! J'ai préféré croire ma putain de mère qui m'a abandonné au lieu d'Amy, l'amour de ma vie.

-Qu'avait Évelyne contre moi ? -demandais-je soucieux-
-James c'est quand même ta mère. C'est elle qui t'a mis au monde.
-Je n'ai plus de mère, et réponds à la question.

Je n'en ai jamais eu, d'ailleurs.

-Tu sais le dossier médical d'Amy... Elle a vu son âge et a fait des recherches sur elle. Ta mè_ ... heu Évelyne a remarqué que vous étiez dans la même école.
-Putain, et pourquoi tu ne me l'a pas dit avant ?
-James.  Ce n'est pas facile de passer pour le cocu de service alors s'il te pl_
-Mais quoi ?! À cause de ton silence et ton manque de couilles, la femme que j'aime est dans le coma ! -hurlais-je-
-Calme-toi et ne me parle pas comme ça.
-Comment veux-tu que je me calme. Tu ne vaux pas mieux que maman.
-Je vais te laisser te calmer et nous reprendrons cette discussion.

Sur ce, il raccrocha.

Je pris ma tête dans mes mains. Comment j'ai pu être naïf ? Mais pourquoi Amy ne me l'a pas dit ? Est-ce que je l'aurais cru ? Bien-sûr que non, elle avait confirmé ce qu'avait dit ma_ Évelyne. Et dire que j'ai insulté Amy de traînée.

Je regardai les yeux clos d'Amy.
-J'ai besoin de toi. Je t'en supplie réveilles-toi. Je suis tellement désolé. J'aurai dû te croire, mais tout était contre toi et... Non, je n'ai pas d'excuses. Je suis tellement désolé, Amy, si tu savais. Je n'ai pas arrêté de pleurer, de mourir à chaque seconde, de penser à toi. Je n'y arrive pas sans toi. Je n'arrive plus à supporter le monde qui m'entoure. J'ai besoin de toi comme médiatrice entre les autres et moi. J'ai besoin de toi comme amoureuse, car je t'aime. Je t'aime putain. Et j'ai été un vrai connard.

Je lui caressai frénétiquement sa chevelure. Mes larmes tombaient de mon visage et roulaient sur la peau froide de ses joues. Et je continuai :
-Je sais que je suis un putain d'égoïste, mais je peux devenir ce que tu veux. Juste pour toi. Je peux devenir l'homme le plus altruiste du monde. Le plus grand chanteur loufoque que l'humanité n'est jamais connu. Je veux devenir l'homme qui te fait voyager dans tes rêves. Je veux seulement que tu reviennes et que tu sois heureuse. Je t'aime tellement... Tu me manques...

J'inspirai et avalai ma salive avant de reprendre :
-C'est une torture de ne plus sentir tes bras autour de ma taille, ton regard qui voyage entre mes yeux et mes lèvres avant un baiser, ton souffle chaud et régulier dans mon cou quand tu t'endors dans mes bras, ton_

Je pleurais de plus belle. Les mots restèrent coincés dans ma gorge. J'étais incapable de dire quoi que ce soit.

J'inspirai plusieurs fois, puis je m'allongeai dans le lit d'Amy. Je posai ma tête sur sa poitrine.
-Reviens vite -soufflais-je-

J'allais m'endormir quand :

- James ...

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Note de l'auteur:

Salut tout le monde. Désolé pour le retard, j'espère que ce chapitre vous a plu.

Bon, je vais faire une parenthèse qui ne concerne pas tout le monde ;)
Mon message s'adresse plus au "moins de 18 ans" (pour une fois que ce n'est pas l'inverse).
Je sais que certains stressent car nous sommes au troisième trimestre. Vous ne savez pas quoi "choisir" comme avenir, un lycée général, pro, techno ? Quelle filière ? S, ES, L ? Quelle FAC, IUT, ... ? Il y a tellement de choix que j'en ai oublié.
Malheureusement, nos proches nous mettent la pression. Ils veulent le meilleur pour nous (ce qui est adorable), mais ne prennent pas tout le temps nos envies. (Si vous connaissiez mes parents ^^)
Mais, c'est votre avenir qui est en jeu, pas le leur. Epanouissement professionnel ne rime pas avec haut salaire, ça peut y contribuer, mais faites ce que vous avez envie de faire (et assurez vos arrières quand même). Je ne vous demande pas de décrocher la lune, mais d'être tout simplement heureux. Ne choisissez pas la facilité pour les études et le regretter plus tard... Il vaut mieux avoir des remords que des regrets. (Je ne vous demande pas de vous rebeller)
Voilà, c'est tout ! Ah si ! RÊVEZ !

Et si c'était lui ? (relation prof/élève)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant