Chapitre 50: Christian Schirch

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Pour le vocabulaire médical, j'ai défini en commentaire :)

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Tranquillement installé à mon bureau, je mâchouillais mon stylo devant mon ordinateur.  Enfin une pose.

Pas totalement, car je n'arrêtais pas de m'inquiéter pour Amy. Quand elle est sorti de l'hôpital, elle semblait si éteinte.

C'était le soleil de mes journées , et voilà qu'elle semblait être devenue aussi noire que la nuit. Il n'y avait plus d'étoile dans ses yeux, plus d'espoirs.

Pourquoi étais-je tombé amoureux d'elle ?

Elle était si différente de mes patients habituels. Ils se plaignaient à longueur de journée, ils bouchaient les urgences pour une entaille au doigt et ils insultaient le personnel. Ils me désespéraient.

Mais elle, elle n'était pas comme ça. Elle était aimable. Elle avait l'impression de me déranger , de me faire perdre mon temps.

Une fois, j'avais entendu quelqu'un frapper à la porte de mon bureau. J'avais cru que j'hallucinais. Ça n'arrivait jamais que les gens frappent. Les patients sont s'en gêne et les docteurs se croient les rois du monde. Ils pensent que les autres, les attendent sur leur siège pour entendre la parole du messie. Et les infirmières, n'en parlons pas. Des forts tempéraments... Je n'ose même pas désapprouver l'une d'entre elles, de peur de me les mettre à dos. En plus, elles sont douée pour faire des grèves...

Alors, j'étais repartie dans mes dossiers. Mais j'avais entendu une nouvelle frappe. Elle avait été plus forte et plus ferme. J'avais dit un « entrée ». J'étais sûr que personne n'ouvrirait la porte... Et pourtant, elle avait passé sa tête dans l'embrasure et m'avait demandé si elle me dérangeait. J'avais souri comme un gamin. Je lui avais dit que non et elle était entrée avec une robe bleue d'hôpital. Même avec un sac-poubelle sur la tête, elle restait jolie. Elle m'avait demandé des médicaments, puis elle était restée dans mon bureau pour me tenir compagnie.

Ah, Amy. C'était une fille bien. Forte. Intelligente. Séduisante.

Je ne pouvais pas nier qu'elle était très belle, pour ne pas dire magnifique. Et que dire de son odeur corporelle... enivrante.

En plus, elle était drôle. Elle avait donné des noms à ses bouteilles d'oxygène.

Je ris à cette pensée.

Quand je lui demandais si elle avait bien dormi, elle me répondait qu'avec Phillip à ses côtés, elle ne pouvait faire que de beaux rêves.

Je pense qu'Amy n'a jamais été une patiente pour moi. Elle a toujours été plus.

Je crois que c'est sa force qui m'impressionne le plus. Quand je lui ai dit qu'elle était malade et qu'elle devait rester tous le mois d'août à l'hôpital, elle n'a pas pleuré. Elle n'a pas geint. Elle m'a souri et m'a remercié.

Pour une fille âgée de seize ans, elle avait plus de maturité que des vieilles pies de soixante quinze ans.

Amy, c'était la femme parfait_

-La base virale V.P.S. a été mis à jour

La voix féminine qui venait de sortir de mon ordinateur me coupa dans mes pensées. Je repositionnai mes lunettes correctement sur mon nez et m'avançai vers l'écran.

« La résistance au VIH

Il a été observé que certaines personnes, régulièrement exposées au virus du SIDA, ne développaient pas l'infection. Une mutation génétique sur le gène de la protéine CCR5 serait à l'origine de cette résistance.  Cette mutation provoquerait l'incapacité du gène CCR5Δ32 (gène muté) de s'exprimer sur la membrane plasmique d'un lymphocyte. Cela empêcherait au porteur de ce gène de contracter le sida. Il a été mis en évidence au Royaume-Uni, ... »

Je crois être le seul dans cet hôpital à rester curieux face aux avancées de la médecine.

La plupart des médecins ici, étaient vieux et croyaient tout savoir. Mais nous faisions des découvertes chaque jours qui nous permettaient de sauver des vies. Il fallait se tenir au courant, ne serait-ce que pour des effets indésirables de médicaments... Parfois les laboratoires de pharmacovigilance ne faisaient pas leur travail et ça coûtait des vies.

Je reprenais mon article. Ce site est génial, il y a même des schémas !

Arrivé en bas de page, je me dirigeai vers un nouvel article.

« Les laborantins ne veulent plus chercher »

Mais c'était tout un monde. Si personne ne faisait son travail, on ne s'en sortirait pas.

Apparemment, les chercheurs arrêtaient de travailler car ils avaient de plus en plus de mal à combattre les virus qui avaient muté à cause des antibiotiques.

Malheureusement, cela voulait dire que nous allions être dans l'incapacité de guérir une certaine partie de la population. Ils allaient être délaissés et allaient souffrir car on ne voulait pas créer d'autre monstre.

Je soupirais. Je quittai mes lunettes, me pinçai l'arrête du nez et fermai les yeux très fort. Je dois dire que je suis extrêmement fatigué. Je ne compte même plus mes heures.

Je reposai mon dos contre le dossier de ma chaise et croisai mes mains derrière la tête. Un petit somme ne me ferait pas de mal. Je fermai les yeux et me détendis.

La porte de mon bureau s'ouvrit à la volée.

Qu'est-ce que je vous disais, on ne frappe jamais ici.

-Docteur, une certaine Amylidia Worth est ici. -me dit Béa-

À l'entente de ce nom, je rouvris les yeux et je me retrouvais sur mes pieds. Je demandai à l'infirmière de m'amener à Amy. Quand je l'ai vu courir, j'ai compris que quelque chose se passait. Mon cœur frappait ma poitrine tellement fort que j'ai cru, qu'il allait s'enfuir.

Faites qu'elle aille bien !

Mes jambes étaient comme du coton et pourtant, elles me portaient. Intérieurement je priais tous les Saints et les Dieux...

Béa s'arrêta devant une chambre et je rentrai. Amy était allongée, elle ne bougeait plus. Je regardais mes collègues sans comprendre.

L'avaient-ils sédaté ?

Elle avait dû faire une crise. Malheureusement, ça lui arrivait souvent et elle en souffrait. Il valait mieux qu'elle dorme.
-C'est fini.

C'était seulement à ce moment-là, que je voyais James. Il était en larmes. Je fronçais les sourcils.

Que faisait-il ici ? Que voulait-il dire par « c'est fini » ?

Mon regard se détourna du visage bouffi de cet homme et je vis le moniteur afficher une ligne droite.

Ma vie s'effondra d'un coup.

Des images d'Amy me tirant la langue ou me souriant, alors qu'un rayon de soleil lui caressait le visage, me revenaient en tête. Mais ces images joyeuses furent balayées par l'image qui s'incrustait sur ma rétine. Elle. Allongée. Morte...

Je n'y croyait pas. Elle ne pouvait pas mourir... c'était impossible.

Je fermai les yeux et inspirai. Quand je les ouvris, je vis le défibrillateur allumé. Ils l'avaient déjà utilisé. Tout espoir était parti en fumée.

Je mis mes mains dans les poches de ma blouse et je sentis un petit flacon. Je jouais avec ce dernier en observant Amy. J'avais l'impression que le temps défilait à une allure à m'en rendre malade. Je triturais le bouchon, puis je touchais de mes doigts la fine étiquette.

Je ne voulais pas me concentrer sur la tristesse et le désarroi que je ressentais. Je ne devais pas. J'avais appris à me tenir loin des patients et loin de leur mort.

Mais, je ne pouvais pas. Pas avec Amy.

J'essayai de deviner ce que contenait le flacon. Toutes distractions étaient la bienvenue.

Je me concentrais sur mon emploi du temps. Je devais faire un fond d'œil après car l'ophtalmologue de l'hôpital était en arrêt-maladie et_

Mais quel con. Je me dirigeai vers le chariot d'urgence et pris une aiguille. Je sortis mon flacon et plantai la seringue dans le bouchon, j'aspirai environ quatre millilitres d'adrénaline. Je retirai ma seringue du capuchon et la plantai dans le bras à Amy, en intraveineuse. Je grimpai sur le lit et lui fit un massage cardiaque.

Putain, mais quel est le con qui lui a pété les côtes ?!

Inspire Christian. Rappelles-toi de l'article.

« La voie intraveineuse doit être choisie en première intention pour injecter l'adrénaline. » Fait.

«L'adrénaline améliore l'efficacité du massage cardiaque externe en augmentant la pression de perfusion coronarienne et le débit sanguin cérébral. L'action principale de l'adrénaline est liée à son effet alpha-sympathomimétique, qui se traduit par une vasoconstriction artérielle.»

J'arrêtai mon massage cardiaque. Le moniteur traduisait toujours une ligne.

Faites que l'adrénaline marche ! Elle devrait marcher !

Rien ne se passa. Je sentis une goutte de sueur rouler sur ma tempe.

Un pic apparut, puis une multitude ! Ils étaient tous réguliers. La ligne passa de la couleur rouge à la couleur vert. Couleur de la vie.

Je soufflais de soulagement, elle allait vivre. Elle le devait.

Je sortis la tête du couloir.
-Je veux un appareil à écho, maintenant. -dis-je fermement-

Quand je rentrai dans la chambre, James se tenait devant le corps d'Amy. Il lui caressait le visage du bout des doigts comme si elle était en verre. Il dessina le contour de ses lèvres avec son index, puis il fit glisser son doigt sur l'arête de son nez.

J'ai toujours su qu'il y avait quelque chose entre eux, même si Rouget me disait le contraire. Il la regardait avec tendresse et amour. Et elle faisait la même chose. Elle avait un regard et un sourire qu'elle ne réservait qu'à lui.

Il n'arrêtait pas de lui dire quelque chose. Mais je n'entendais pas.

Je m'approchai de lui.
-Je suis désolé, je suis désolé, je suis dé_ - je l'interrompis en mettant ma main sur son épaule-.
-Allez vous reposer.
-Je ne quitterais pas l'hôpital -me dit-il agressivement-
-J'allais vous proposer les lits d'ici.

Il s'adoucit et me remercia. Il sortit d'un pas lent et traînant.

-Tu sais que tu nous as fait peur Amy. -dis-je plus pour moi-même que pour la belle endormie-

Je touchai ses cheveux, ils étaient tellement doux.
-Voilà, Christian. La doctoresse Mérine arrive. -dit une infirmière avec l'échographe-

J'acquiesçai d'un signe de tête.

Le médecin arriva quelques minutes après. Je restai lors de l'échographie. Elle releva le tee-shirt d'Amy et lui mit du gel sur le ventre.

Habituellement, Amy disait que c'était froid et riait. Mais là, elle ne pouvait pas. Je la regardais tristement. Je pris sa main dans la mienne et caressai le dos de cette dernière avec mon pouce.
-Tiens, Christian. Regarde. -je m'approchai du système de visualisation -. Son rein gauche ne marche pas.

Elle remonta la sonde.
-Son foie: problème.

Mérine était connue pour être la meilleure dans son domaine mais aussi, comme quelqu'un de froid et de distant.
-Regarde son pancréas. Sa prise de sang n'était pas bonne la dernière fois. -lui demandais-je-

Elle décala le capteur vers la gauche :
-Non fonctionnel.
-Okay. Merci Mérine.
-Que vas-tu faire ?
-Nettoyer son foie, ça ne sera pas trop difficile. Ça, c'est à cause des médicaments que je lui ai donné. Elle en avait trop.
-Desmodium, alors ?
-Pas le choix. Pour le rein, c'est parce qu'elle ne le stimule pas. Je vais lui faire boire du cranberry.
-Et pour le pancréas ?
-Je pense qu'elle est en hypo. Je vais lui faire une nouvelle prise de sang.

J'allais me lever quand elle m'attrapa le bras.
-Va dormir, je vais lui faire.

Je la remerciai chaleureusement et je partis rejoindre les lits. J'enlevai ma blouse et mes chaussures et m'installai sur le matelas. J'allais dormir quand j'entendis qu'on m'appelait :
-Mmmh
-Comment va Amy ?
-Tu devrais dormir, James.
-Je ne peux pas.

Je me retournai sur le matelas.
-Tu sais Amy est quelqu'un de fort. Elle s'en sortira toujours.

Je l'entendis souffler. Puis, le silence s'installa. J'imagine qu'il ne dormira pas de la nuit. Comment le pourrait-il la personne qu'il aime a failli mourir...

À moi aussi, elle m'avait fait peur. Je croisai mes bras derrière la tête et regardai le plafond. Est-ce que j'aurais pu continuer à exercer après sa mort ? Serais-je mort avec elle ? Aurait-elle emmené mon âme au ciel ? Est-ce que j'aurais vu son visage partout ? Est-ce que j'aurais pensé à elle tout le temps ? Aurais-je eu la force d'aller à son enterrement ?

Toutes ces questions ne se posaient plus présentement. Il fallait la garder en observation, longtemps certes, mais je sentais qu'elle resterait en vie.

Mais quelles vont être les séquelles de ses arrêts cardiaques ?

Je sortis de la pièce et appela Mérine :
-Allô
-As tu pensé aux médicaments pour le syndrome post-arrêt cardiaques.
-Schirch... Il faut attendre trois à sept jours après. Elle pourrait mourir.
-Mais tu sais comme moi, que son cœur s'est arrêté à cause de la défaillance des autres organes et pas_-m'énervais-je avant d'être coupé-.
-J'ai son dossier sous les yeux. Elle a un problème au cœur.
-Avait. Je veux que tu lui mettes un neuroprotecteur. -dis-je fermement-
-Mais_
-C'est moi son docteur référant. -je haussai le ton. Elle soupira-
-D'accord. Je m'en occupe.

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Note de l'auteur:
Est-ce que vous allez mieux ? :)

Et si c'était lui ? (relation prof/élève)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant