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Sur la route du lycée nous sommes silencieuses, ce qui ne nous ressemble pas. Je me pose encore mille questions sur ce que j'ai fait mais je n'ai pas le courage d'en parler en pleine rue. Quant à Kamille, j'ignore les raisons de son silence, je la regarde, elle n'a pas l'air de bouder ni quoi que se soit d'autre. Elle se sent observée, me regarde à son tour et me demande ce que j'ai.

« J'ai pas l'habitude de te voir si calme.

– J'ai des tonnes de chose à te dire mais ce n'est ni le moment ni le lieu.

– Par rapport à ce que je t'ai dit ce matin ?

– Oui.

– Demain on a pas cours, dors à la maison ce soir.

– Faut que je prévienne mes vieux, ils sont OK pour demain mais ce soir je sais pas.

– Ah, tu comptais venir dormir demain ?

– Je comptais venir demain matin et rester tout le week-end. Mais si y a une nuit en plus dans le forfait je prends ! »

Je n'aime pas trop la façon qu'elle a de le dire mais ne relève pas, Amélie et Clément arrivent à notre rencontre, la routine quotidienne reprend le dessus. Nous nous saluons, parlons en chemin de notre soirée, Clément me demande des nouvelles de mon frère, je ne mâche pas mes mots pour dire que la maison de leur ami sent mauvais et que cela déteint sur Olivier, il n'a pas l'air surprit de ce que je pense, m'avoue même que c'est pour cette raison qu'il évite d'y aller, d'abord pour ses parents, mais c'est à sa copine qu'il pense maintenant en disant qu'il n'a pas envie d'en ramener une quelconque maladie due à l'absence de ménage. Cette dernière remarque ne fait rien pour me rassurer et j'ai hâte d'être à demain pour le voir enfin sorti de là, peu importe la méthode. La matinée se passe, nous allons en cours, à la pause aux escaliers et la conversation tourne principalement autour de notre week-end. Amélie reste chez elle, vu le peu de disponibilité qu'elle a pour venir par ici, je la comprend. Son petit ami a proposé d'aller la voir mais elle avait refusé, rien d'étonnant sachant le père qu'elle a, je la plains un peu, il me serait difficile d'avoir une relation saine si je ne pouvais voir Kamille qu'au lycée. Cette dernière m'informe qu'elle a envoyé un message pour prévenir de son absence chez elle ce soir, je me demande si elle a vraiment l'accord de ses parents pour découcher de chez elle deux nuits consécutives mais je me dis qu'on verra bien, il faut aussi que je prévienne ma mère. Je lui envoie un message à mon tour le midi, en rentrant manger à la maison je lui demande si Kamille peut dormir à la maison ce week-end, comme elle est elle aussi en pause, elle ne traîne pas pour me dire qu'il n'y a pas de soucis si ses parents sont au courant. À voir ils le sont, l'affaire est donc réglée rapidement. Profitant d'avoir un peu de temps, elle retourne chez elle et redescend juste avant que l'on ne s'en aille, traînant derrière un lourd sac de voyage.

« C'est quoi tout ça bébé ?

– Des affaires. Je vais pas rester deux jours sans me changer.

– Oh, l'autre jour ma mère m'a suggérer que tu en laisse quelques unes ici, au cas où... T'en aurais besoin, genre le mercredi.

– Je vois. On fera le tri ce soir cœur. »

Je suis toute heureuse, je vois un peu ça comme une sorte d'installation de ma copine chez moi. Je me demande si Sophie aurait eu le droit elle aussi de laisser des vêtements à la maison si mon frère ne s'était pas bêtement braqué et réalise que sur le coup, il n'a vraiment pas été malin. Penser à Olivier me rappelle que demain mon géniteur doit débarquer, j'ai hâte d'être à dimanche du coup. Nous reprenons les cours, le week-end commençant dans trois heures. Et forcément ces trois heures là paraissent infinies, surtout la dernière qui semble s'étirer, je consulte mon portable presque chaque minutes. Je constate que je ne suis pas la seule impatiente quand la sonnerie retentit, tout le monde se presse de ranger ses affaires et se diriger vers la sortie, le prof nous souhaite de passer une bonne fin de semaine mais il est quasiment impossible de l'entendre par dessus le brouhaha que font tous les élèves. Seuls les deux couples de la classe ne sont pas pressés, Amélie doit attendre son bus, son copain va attendre avec elle, Kamille et moi savons que nous n'allons pas nous quitter alors nous ne sommes pas impatientes de nous ruer dehors. Le prof en profite pour se rapprocher de nous.

« Dites moi Laëtitia, j'ai entendu dire que votre frère aurait fugué en compagnie de mademoiselle Sophie. C'est vrai ou ce n'est que pure spéculation ?

– Non monsieur, c'est la vérité. Ils sont chez un de leurs amis.

– Je vois. Il n'est parfois pas facile d'être adolescent. »

Il s'éloigne de nous pour prendre son sac, nous nous dirigeons tous les quatre vers la sortie. À peine retardés de quelques minutes, les couloirs sont pourtant presque vides, je constate que le vendredi le lycée est fuit comme la peste. Nous laissons Amélie et Clément attendre le bus et avançons en direction de chez nous.

« Tu crois que tu as eu bien fait de dire ça au prof ?

– Je vois pas ce que j'aurai pu dire d'autre. Ah non, il se prend une semaine de vacance avant de se faire ramener par la peau du dos ? »

Kamille rit et me dit que j'ai raison. Toute façon, la vérité finira par se savoir un jour ou l'autre. Nous rentrons, tout est calme chez moi, ma mère ne sera là que dans une heure, je mets de la musique sur la télévision et nous allons dans ma chambre. Kamille commence à défaire les vêtements qu'elle a prit ce midi et me les montre un par un, j'aurai voulu profiter de ce calme pour que l'on parle mais elle a l'air tellement emballée à l'idée de me montrer les jolis vêtements qu'elle a, même si pour le moment il n'y a que des dessous, six ensemble pour être précise. Je lui fais remarquer qu'elle ne passe que deux nuits à la maison, elle me répond au taquet qu'elle aime être prévoyante.

« Je savais pas que je pouvais en laisser, ajoute-t-elle. Sinon j'en aurai pris un ou deux de plus.

– T'es folle. C'est au cas où, pas un emménagement ! »

Elle rit en rangeant ses dessous dans le tiroir puis vient m'embrasser. Je pense une nouvelle fois à mon frère et me dis que ça, c'est le genre de bonheur qu'il ne connaîtra pas de sitôt. 

Mes chroniques de lycée- épisode 2- Ma première foisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant