Chapitre 26 : Le cauchemar

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Alan
Je me trouvais au milieu d'une grande ville dévastée. Les bâtiments étaient détruits, les carcasses de voitures et les débris des immeubles jonchaient le sol et le ciel était gris. Tout autour de moi était terne, désolé et désertique. J'explorai cette ville en ruine, avec une mauvaise sensation de boule au ventre. Soudain, j'entendis des pleurs, ceux d'un enfant qui se trouvait vers ce qui devait être un Hôtel de Ville américain. Je me dirigeai vers la source des pleurs et découvris un petit garçon assis devant la plaque d'une statue détruite, le visage caché entre les jambes. Il portait une petite chemise grise et un pantalon brun. Je m'approchai du petit enfant et lui demandai gentiment :

– Pourquoi pleures-tu, mon petit ?

Il leva la tête et me dévoila son visage : un visage angélique, avec des cheveux noirs comme l'ébène, la peau blanche comme neige, et des yeux d'un beau bleu saphir. Je remarquai aussi que ses larmes étaient aussi noires que de la poix. Il me dit d'une voix tremblante :

– Aidez-moi... s'il vous plaît, monsieur... il me ronge depuis trop longtemps...

– « Il »? Qui ça « il » ? lui demandai-je. Dis-moi tout, je veux savoir.

– Il se sert de moi comme son réceptacle pour détruire votre monde... sauvez-moi, s'il vous plaît... me supplia-t-il en pleurant.

Je n'eus pas le temps de lui dire quoi que ce soit, lorsqu'une masse obscure sortit de son corps et l'enveloppa. Il cria et se retrouva noyé dans cette masse noire, qui augmenta en volume et prit la forme de ce fameux Vagaroth. Il poussa un rugissement effrayant et je pris mes jambes à mon cou. Je courus à travers la ville, poursuivi par cette monstrueuse créature et soudain, je me pris les pattes sur une barre et tombai par terre. Je me retrouvai impuissant, face à cette bête monstrueuse qui s'approchait dangereusement de moi. Je tournai la tête et vis le reflet de mon ancien moi dans une vitre brisée. Je dévisageai ensuite Vagaroth qui ouvrit une grande gueule, pourvue d'une rangée de dents aussi acérées qu'une lame de rasoir. Je poussai un long cri...

Je me réveillai en sueur et observai tout ce qu'il y avait autour de moi. J'étais dans le duplex où nos amis nous avaient logés. Une magnifique chambre avec un lit à baldaquins, un miroir coulissant donnant sur une penderie, un long bureau blanc et une bibliothèque. Je regardai ma montre, qui indiquait 4 heures du matin. Camille dormait paisiblement à côté de moi et je ne voulus pas la réveiller. Je sortis discrètement du lit et me dirigeai vers la sortie.

Après avoir franchi la porte magique, je pris les escaliers pour descendre. J'aperçus le plafond enchanté qui présentait un ciel étoilé, et une petite lueur de l'aube. J'étais toujours hanté par ce cauchemar, et me mis à descendre les escaliers quatre à quatre. Je ressentais un gros pincement au cœur et l'angoisse me gagnait. Je courus vers la quatrième entrée principale qui, comme le quartier, possédait un plafond magique. Tout était embrouillé, la pression me faisait monter les larmes aux yeux et je me sentais dépassé. Je pris le petit chemin de gauche et me trouvai dans la petite forêt. Appuyé contre un rocher, je me cachai le visage entre les jambes et me mis à pleurer.

J'étais tellement impuissant que je me mettais à penser que je ne serais pas à la hauteur de l'attente des autres. Je me demandai aussi pourquoi avoir accepté d'être le fils d'Adam, si la mission était trop lourde à porter. Après ce qui m'avait semblé une éternité, j'entendis une voix me tirer de mes horribles pensées. Camille m'appela :

– Alan ? Où es-tu ?

Je la vis arriver en compagnie de nos familles, ainsi que de plusieurs de nos amis. Elle s'approcha de moi et me demanda gentiment :

– Alan, qu'est-ce que qui t'arrive ? Pourquoi t'es-tu enfuis comme ça ?

Avec beaucoup d'hésitation et la gorge nouée, je leur racontai mon cauchemar, depuis ma rencontre avec l'enfant en détresse jusqu'au moment où j'allais être dévoré par le démon. Impuissant et les larmes aux yeux, je geignis silencieusement :

– Pourquoi est-ce à moi de porter cette lourde charge ? Je ne suis pas un dieu, et pourtant... vous vous tournez vers moi comme si j'en étais un. J'ai beau faire des efforts, mais je... c'est au delà de mes forces !

Sur ces mots, je fondis en larmes. La sensation de déjà-vu survint à nouveau, et je me trouvai impuissant. J'avais l'impression de m'isoler dans un espace vide, et continuai de me dire que je ne valais rien. Je sentis la main de Balto me toucher l'épaule. Je levai la tête et ma vue était embrouillée à cause de mes larmes. Compatissant, il me dit :

– Oh... mon pauvre Alan... viens par là...

Je le laissai me prendre dans ses bras et continuai de pleurer sur son épaule. Il me caressa doucement le dos et me berça en me disant :

– Chut... lâche un bon coup...

Mes pleurs s'atténuèrent petit à petit. Je frottai les yeux et vis le petit Michel Darling s'approcher de moi et me tendre son ours en peluche. Je le regardai dans les yeux, puis lui pris doucement son jouet en lui disant :

– Merci...

Je dévisageai ensuite Balto qui me consola :

– Je sais qu'on éprouve ça très souvent, mais je sais aussi que c'est faux. On ne te laissera pas dire que tu es faible. Tout ce que tu fais, tu le fais de ton mieux, et on est là pour t'aider à être meilleur. Et sache que nous sommes tous passés par là. Moi par exemple, j'ai perdu courage en m'égarant dans le blizzard avec le stock de médicaments, mais j'ai fait au mieux pour sauver les enfants de la diphtérie.

– Dans mon cas, avant de devenir bandit social avec Petit Jean, j'avais été égaré à cause de la mort de mes parents, ajouta Robin.

– Moi, c'était pour sauver ma famille d'une organisation d'exterminateurs, me dit Frill. J'avais perdu espoir lorsqu'ils avaient disparu, mais j'ai persisté, jusqu'à ce que je les retrouve et les sauve.

– Et moi, c'était pour faire mon coming-out, me dit Storm, un loup noir aux cheveux rouges. J'étais au fond du gouffre à cause de mes parents qui étaient homophobes, et je me suis immolé, mais j'ai survécu à mes brûlures et aujourd'hui, je suis avec l'amour de ma vie.

Et chacun me raconta son anecdote pour me prouver que je n'étais pas le seul à avoir vécu un égarement émotionnel. Cela fit écho aux paroles d'Emmanuel Therazan, alias Jésus Christ, qui m'avaient aidé à surpasser mon introversion. Les souvenirs des personnes ayant dit du bien de ma ténacité refirent surface. Mon père, mon mentor, ma sœur, tout le monde avait apporté sa pierre à mon édifice. Camille se mit en face de moi, me prit doucement le visage et me dit :

– Alan, on a tous vécu ce moment de découragement, mais l'essentiel, c'est que tu aies confiance en toi. Moi, je crois en toi, et tous nos amis aussi. Et sache qu'on est toujours là pour te soutenir et t'aider. Tu es le fils d'Adam, et tu es capable de tout réussir.

Je regardai autour de moi, et tous ces visages souriants et compatissants me réchauffaient le cœur. Mes yeux s'illuminèrent et j'esquissai un large sourire. Camille avait raison, toute cette pression inutile avait été enlevée d'un coup, et j'étais convaincu de pouvoir réussir. Je me redressai et déclarai :

– Moi, Alan Richard Ignacio Dolittle, fils d'Adam et chef de Grand Fur Story, en tant que héros pourfendeur du mal, je ne m'inclinerai pas devant la tyrannie du démon Vagaroth. Ensemble, nous vaincrons et ensemble, nous sauverons nos mondes !

Je levai le poing en l'air et clamai haut et fort :

– POUR GRAND FUR STORY ET LES MULTIVERS !

– POUR GRAND FUR STORY ET LES MULTIVERS ! clamèrent nos amis.

Je repris espoir, car une grande journée nous attendait.

Grand Fur Story : le mythe du loup [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant