Chapitre 15 : Un heureux événement

71 6 23
                                    

Camille
Les jours passèrent, et nous avons développé notre guilde en convertissant les salles de classe en chambre pour les survivants et en transformant le terrain de jeu en potager. Dès le début, nous avons déménagé nos affaires dans la salle du dernier étage avec nos amis les caninodons et la force d'Alan. Sans oublier que nous avons dû piller les supérettes du coin pour prendre les périssables, notamment la Coop qui était à deux pas de chez nous. Au deuxième jour, j'eus une sensation étrange :

– Alan, tu n'as pas l'impression qu'on nous observe ?

– Je crois pas, non. D'ailleurs si c'était le cas, je l'aurais senti direct.

– Ah oui ?

– Mais tu as raison de t'inquiéter, il faut toujours rester vigilant. Il faut cependant faire attention à ne pas être parano.

– Oui.

Dans l'après-midi du septième jour de post-apocalypse, j'étais allongée sur le lit aux côtés de mon amoureux, à regarder le plafond. Il lisait un exemplaire des Métamorphoses d'Ovide, relatant de la mythologie gréco-latine. C'était à la fois drôle et ironique ; lire ce bouquin, alors qu'il était lui-même transformé. Je ressentis un léger mal de ventre, et posai ma main dessus. Je repensai à la nuit où Alan et moi avions couché ensemble. Je fouillai mon sac à main et ressortis mon agenda. C'était là que j'inscrivais mes périodes de menstruations et mes plannings. Je ne l'avais pas consulté depuis quelques jours. J'ouvris le carnet et regardai vers le 26 juin, découvrant que j'allais commencer mes règles. Or, je n'avais pas saigné ces derniers jours. Je demandai à mon amoureux :

– Dis Alan, est-ce qu'on pourrait aller à la pharmacie ?

– Bien sûr, pourquoi ?

– C'est à propos de l'autre soir.

Il comprit de suite ma requête, et abandonna sa lecture pour m'emmener au centre du village. C'était aussi l'occasion de prendre des médicaments pour la guilde. En effet, certains membres de notre équipe tombaient malade, notamment les enfants, dont le système immunitaire n'était pas encore bien renforcé. L'un d'entre eux avait même la varicelle, et on avait dû le mettre en quarantaine, le temps de le soigner. Vu que je l'avais déjà eue quand j'étais petite, je ne courais aucun risque.

Nous entrâmes dans la pharmacie et nous dirigeâmes vers le rayon maternité. Nous y trouvions pêle-mêle des crèmes hydratantes pour bébé, des boîtes de lait maternel en poudre et de purées, des suppositoires et des tests de grossesse. Je pris la première boîte qui me sautait aux yeux, et sortis l'appareil de son emballage. Alan me demanda à mi-voix :

– Est-ce que c'est vraiment ce que je pense ?

– Je crois... Euh... est-ce que tu peux aller ailleurs ? Le processus du test est un peu gênant.

Je ne rentre pas dans les détails quant au test. Pendant que je m'étais réfugiée dans l'entrepôt derrière la caisse, j'entendis Alan fredonner des chansons assez connues. Je trouvais ça assez mignon de sa part, et il fit bien attention à ne pas chanter Libérée, Délivrée, car je détestais cette chanson. Lorsque mon test eut terminé de tourner, je remarquai deux barres nettes se dessiner sur le petit écran, et mon cœur manqua de rater un battement. Je commençai à esquisser un sourire, et sortis de ma cachette pour annoncer la nouvelle à mon amoureux. Je l'interpellai, élevant presque la voix :

– Alan !

– Aah !! Oh Camille. Tu m'as surpris. Alors ? Ça dit quoi ?

– Eh bien... Je suis enceinte ! lui annonçai-je en brandissant le test de grossesse.

Alan hoqueta de surprise et se pétrifia, blanc comme un linge. Quelques secondes s'étaient écoulées, avant qu'il ne murmure :

– Ça veut dire que...

– Tu vas bientôt être papa... continuai-je.

Il resta pétrifié pendant quelques secondes, sûrement pour digérer ce qu'il venait d'entendre. Soudain, sans crier gare, il me souleva comme une plume et me tournoya en clamant :

– On va avoir un bébé !!!

– Attention Alan ! Tu vas finir par me casser quelque chose ! lançai-je, alors que j'étais secouée par sa force.

– Oups, pardon, s'excusa-t-il, avant de me reposer au sol. J'oublie à chaque fois que je suis plus fort qu'avant.

– Tu devrais peut-être faire attention la prochaine fois, ce serait mieux, lui dis-je.

– Quoi qu'il en soit, je suis heureux d'apprendre qu'on va être parents.

Je restai blottie entre ses bras pendant un long moment, avant qu'une pensée intrusive vienne me traverser l'esprit. Je ne savais pas comment allaient réagir nos parents s'ils apprenaient que j'étais enceinte. Peut-être auraient-ils mal réagi et exigé de stopper ma grossesse ? Je secouai la tête et demandai à mon amoureux :

– Au fait, on a bien convenu que ça reste entre nous et qu'on ne dise rien à notre famille, n'est-ce pas ?

– Oui, cependant ça risque de ne pas durer, vu comment notre enfant pourrait se développer. On leur annoncera la nouvelle au bon moment. En attendant, comportons-nous normalement. Tout ça doit rester entre nous.

– Et pour ce qui est des symptômes de la grossesse ? lui demandai-je avec un peu d'inquiétude.

– On les atténuera avec un repas léger et équilibré riche en acide folique et tu dormiras avec le dos surélevé. Et aussi tu devras boire assez d'eau et prendre des multi-vitamines chaque matin.

– Comment peux-tu savoir ça ?

– Les cours de biologie ont fini par payer.

– Wow ! Super retour aux sources, lui dis-je en riant.

– Comme dirait l'autre, le savoir conduit à la puissance.

– Fais gaffe à tes chevilles, quand même.

– T'inquiètes, t'inquiètes, me rassura-t-il en rigolant. En tout cas, j'imagine déjà comment serait notre enfant. Il serait le plus beau de tous.

– Ou elle, si c'est une fille.

– Ou bien iel, si notre enfant s'identifie comme non-binaire.

– Mais il y a une chose qui me taraude : si tu es à moitié homme et loup, est-ce que notre bébé sera un hybride, ou bien aura-t-il la capacité de se transformer comme dans Les enfants-loups Ame et Yuki de Mamoru Osoda ?

– J'en ai aucune idée. Seul le temps nous le dira.

Après cet instant d'émotions, on retourna à notre base avec le stock de médicaments nécessaire, et parvint à soigner les enfants malades. Pour ce qui est de ma grossesse, on a pu la détourner en un simple mal au ventre aux yeux de la guilde. Je ne sais pas comment auraient réagi nos parents s'ils avaient appris que j'étais enceinte. Même si les temps ont changé, il restait encore le tabou de la consommation d'unions hors-mariage. Heureusement, ils n'ont rien remarqué d'inhabituel jusque-là. Comme on l'avait convenu, on a adapté mon régime afin d'atténuer les symptômes tels que la nausée et les crampes.

Le soir venu, Alan et moi étions allongés dans notre lit en face à face. On se regardait avec tendresse, et mon amoureux posa doucement sa main sur mon ventre et le caressa. Je sentis une chaleur réconfortante et agréable m'envahir tout le corps. Malgré l'apocalypse qui se profilait, on se réjouissait de la venue de notre enfant.

Grand Fur Story : le mythe du loup [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant