16. Tris

338 29 0
                                    

-• Jasmine •-

Les mains dans les poches, lui donnant l'air d'un jeune homme normal, Aaron nous mène à la voiture. Bien que nous ne sommes qu'en après-midi, le ciel s'est couvert d'énormes nuages noirs, donnant l'impression d'être la nuit. Il fait maintenant froid et le vent tente avec acharnement de me déshabiller.

- Saleté de robe! M'exclamais-je un peu trop fortement en la remettant en place sur mes cuisses.

Je crus voir un sourire s'accrocher au visage du chef de gang avant qu'il ne disparaisse dans la noirceur. Ce stationnement est aussi grand que la rue où j'habite, et j'en ai marre de marcher.

- Tu ne peux pas te permettre de chauffeur mais tu peux te payer un restaurant à cinq cent dollars l'assiette? Tant qu'à marcher jusqu'à la voiture j'aurais dû marcher jusqu'à chez moi! C'est à peu près la même distance!

Ne voyant plus personne à mes cotés, j'ai un petit sursaut. Si il essaie de me faire peur, c'est réussi.

Voyant ceci comme une opportunité, je retire mes talons et cours à même le pavé. Il se met à pleuvoir, ce qui fait couler mon maquillage, mais je m'en fiche. Si je peux enfin sortir de ce cauchemar, l'état de mon visage est le dernier de mes soucis.

Je n'ai pas le temps d'atteindre l'autre côté de la rue que je suis arrêtée dans ma lancée. Je n'ai rien à dire, j'aurais bien essayé.

Je suis balancée sur une épaule puis dirigée vers un coin du parking. Je sais que ce putain de batard me ramène chez lui.

Il ne dit rien, sûrement trop concentré sur ses pas pour me réprimander. Je suis jetée comme une chaussette sale sur le siège passager, faisant craquer mon genou au passage.

- T'es obligé d'être aussi violent? Le grondais-je entre mes dents.

Il ne répond pas, encore une fois. À présent, je comprends, il m'ignore royalement.

Toutes les injures du monde traversent mon esprit, mais rien n'est assez fort pour exprimer ma colère. Je veux simplement retourner chez moi, c'est pas si compliqué.

Mes pensées se dirigent vers le déjeuner. Je me demande qui est donc cette Tris et quel rôle jouait-elle dans mon enlèvement.

Est-ce elle qui a dit à Tony que j'allais être au bar la soirée où Pat nous a quittés? Est-elle responsable de la mort de Pat?

Je suis convaincue que l'homme derrière le volant a les réponses à toutes mes questions, mais présentement, il ne me doit rien. Je risque de me faire remballer et il sera sur ses gardes pendant je ne sais combien de temps.

- Tris. Dis-je sans vraiment le vouloir.

Je ne sais pas d'où j'ai ordonné à ma bouche de prononcer son nom, mais je sais que j'ai causé une réaction chez le chef de gang.

Il serre le volant de ses deux mains, comme s'il se battait contre lui-même pour ne pas s'énerver. Il y met de plus en plus de force, tellement que ses phalanges deviennent blanches. Nous roulons de plus en plus vite, mais il ne semble pas s'en rendre compte. Je tente de lui dire d'arrêter, en vain. Il ne m'entend pas, les yeux regardant la route sans vraiment la regarder.

Un piéton traverse la route sans prévenir, sortant Aaron de sa transe. Il appuie sur les freins comme si sa vie en dépendait, mais ce n'est pas assez. Il bifurque vers la droite dans une dernière tentative de l'éviter, sans remarquer qu'il se dirige droit vers un lampadaire. Je ne réussis pas à lui dire, les mots restent coincés dans ma gorge.

Je me sens voler, puis traverser un rideau un peu trop coupant et résistant, avant de m'affaler contre le sol mouillé et anormalement chaud. Une sensation étrange de brûlure sur ma joue fait son apparition en même temps qu'une pression immense sur mon crâne. Un bruit particulier, ressemblant grandement à un craquement, semble venir de l'une de mes extrémités, sans que je ne puisse déterminer laquelle. Mes yeux à présent humides m'empêchent de voir clairement, et je ne comprends aucunement ce qu'il se passe.

Je n'entends que des cris, des exclamations et des sirènes. Des points noirs m'embrouillent la vue et j'ai seulement le temps de voir des lumières rouges et bleues danser devant mes yeux avant le noir total.

-• Tony •-

Un appel on ne peut plus inquiétant m'avait réveillé de ma sieste. Aaron ne semblait pas avoir compris que j'avais quitté son gang pour de bon. Pourtant, en tant que fidèle meilleur ami, je me devais d'aller voir ce qui se passe.

Il n'avait pas pris la peine de me donner les détails, il n'a fait que me donner une adresse en précisant qu'il voulait m'y voir dans 13 minutes. Je n'aurais pas dû lui dire où j'habitais, ça lui donnait trop de pouvoir quant à mon temps de déplacement.

J'entrais l'adresse dans mon gps, curieux de voir où ça allait me mener. Je ne vous cache pas ma surprise quand j'ai réalisé que c'était l'adresse d'un hôpital.

Habituellement, nous faisons affaire avec un médecin privé. Même si c'est dispendieux, il soigne les membres du gang sans poser de questions, et surtout, sans ouvrir sa grande gueule au premier passant.

Je croisais aussitôt le grand méchant loup. Il se tenait près de la porte de l'édifice, une clope entre les lèvres. Est-ce qu'il y a plus ironique que cela comme situation?

- T'es ici parce que t'as peur que ton poumon ne colapse en plein milieu de ta pause cigarette? Me moquais-je.

Même si nous étions devant un hôpital, rien ne m'obligeait à être muet comme une carpe.

Il fit semblant de me trouver drôle tout en faisant sûr que je savais que c'était forcé. Ça devait être assez sérieux s'il ne me lançait pas une pique en retour.

J'attendais avec impatience qu'il m'explique ce que nous faisions ici, dans un hôpital on ne peut plus ordinaire. Ce n'était pas dans nos habitudes de les fréquenter, et encore moins d'y organiser des réunions.

Il ne semblait pas vouloir m'informer de quoi que ce soit, ce qui m'énervait un peu. S'il ne voulait qu'un copain à ses côtés pour fumer, il aurait pu me laisser plus que 13 minutes.

Il écrasa son mégot avec sa chaussure et ouvrit la bouche, enfin décidé à parler.

Il n'eut pas le temps de dire un mot qu'une infirmière l'interpella. Elle était petite et avait des cheveux blonds comme le soleil, sa taille fine était étonnamment mise en valeur dans son uniforme, et ses lèvres rosées ne faisaient que m'appeler. Elle était craquante.

J'aimerais bien me la faire.

Ou l'emmener quelque dans un restaurant romantique pour bien commencer ma nouvelle vie de gars respectable. On ne sait jamais.

- Monsieur Park, votre femme est réveillée et vous pouvez aller la visiter dans la chambre 204. C'est au 2e. Finit-elle avec un léger sourire. 

Pourtant quand elle nous tourna le dos, ce n'est plus la jolie demoiselle qui m'intriguait. Elle avait quitté mon esprit à l'instant où elle avait ouvert la bouche. C'était plutôt cette histoire de visiter la femme d'Aaron qui m'intriguait à présent. Pour commencer, il n'était assurément pas marié. Ensuite, son nom n'était pas vraiment Park. Et finalement, qu'est-ce que je viens faire ici bordel.

Laisse moi partir 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant