19. Game over

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-• Aaron •-

Qu'est-ce qu'on donne à une femme redevenue ado qui sort de l'hôpital. Je n'aurais jamais dû me créer cette version attendrie de moi-même. Tout cela parce que je suis trop fier pour la laisser partir.

Je ris cyniquement dans ma tête. Quelle connerie. Mon regard se pose sur des fleurs, puis sur des bijoux étincelants. J'ai affreusement de mal à le dire, mais mon propre jeu m'agace au plus haut point. Je pose rageusement ma main sur un bouquet de lys bleu pâle et me dirige au comptoir.

- C'est pour votre amoureuse? Demande malicieusement la brunette derrière la caisse.

Je soupire et jette un billet de cinquante à la pauvre étudiante.

- Garde la monnaie.

Elle rougit et balbutie un remerciement gêné. Je dirige mon regard vers ma montre, qui affiche deux heures moins le quart. Je vais être pile à l'heure. Dans la voiture m'attend déjà une boîte de fins chocolats belges. Franchement, tout ça me dégoûte.

Sans perdre plus de temps à admirer mes achats, je pars le moteur, direction l'hôpital.

Je ne prends pas la peine d'aller voir la secrétaire, je sais déjà où se trouve cette foutue chambre. Quand j'atteins enfin la porte, je revêts mon masque de mec parfait et toque.

Pourtant, lorsqu'au premier coup je n'ai pas de réponse, je sais que c'est inutile de réitérer mon geste. Il ne fallut pas long aux cadeaux pour rejoindre le sol, et à la porte pour valser contre le mur.

Un peu plus loin, une infirmière me jette des oeillades peu discrètes, ce qui finit de me mettre en rogne.

Si elle est partie, cela veut-il dire qu'elle a retrouvé la mémoire? Sinon, comment aurait-elle pu avoir l'idée de partir?

Rien ne fait du sens. Mille scénarios plus farfelus les uns que les autres embrouillent mon esprit, sans que l'un d'eux ne me semble plausible.

Il me faut bien une minute de cogitation pour comprendre. Elle n'aurait jamais pu venir à cette conclusion seule. Qui de mieux pour organiser un plan d'évasion infaillible que mon chef d'opérations. Mon poing s'écrase lourdement contre le mur sans que je ne lui ordonne. J'inspire fortement, tentant de contenir ma rage, mais rien n'y fait, elle m'englobe totalement, éclipsant la promesse que je m'étais faite. Ne jamais tirer sur son meilleur ami.

On verra bien si cette règle aussi vieille que la bible réussira à m'empêcher de faire quoi que ce soit.

Doucement cette fois, je referme la porte de la chambre. Mettant la main sur les cadeaux au passage, je retourne sur mes pas et direction la planque de Tony.

-• Tony •-

Différents verres vides embarrassent le comptoir de l'espace VIP. À vrai dire, c'est assez triste d'occuper un carré VIP à deux.

Une femme que j'ai pêchée au restaurant avant de venir ici est à mes côtés, sûrement encore plus saoule que moi. Ses cheveux châtains courts me font penser, malgré moi, à Jasmine. Cette garce.

Penser à elle me donne envie de tout casser. Elle est tout ce que j'aurais voulu, tout ce que je n'aurais jamais. En refusant de partir avec moi, un peu plus tôt, elle s'est dirigée vers une mort certaine. Si ce n'est pas la mort, c'est encore pire.

- Un autre verre monsieur?

À la vue de la petite serveuse en jupe courte, je souris. Si ce n'est pas la belle vie.

- Est-ce que la serveuse vient avec? Ponctuais-je d'un clin d'oeil.

Comme si elle venait de gagner à la loterie, son visage s'illumine et elle s'empresse d'aller me chercher un verre. Ses longues jambes fuselées bougent avec tant de sensualité que personne ne pourrait y résister.

Une claque derrière la tête me ramène sur terre. Sûrement quelqu'un qui résiste à ces magnifiques jambes.

- Tu fous quoi là? S'offusque la femme aux cheveux châtains. Un peu dommage que je ne connaisse pas son nom.

J'hausse les épaules. Je ne sais pas qu'est-ce que je fais. Je veux, je prends, aussi simple que cela. De toute façon qui est-elle pour me péter une crise.

- T'es pas ma femme.

Cette fois, elle est vraiment vexée. Elle se lève tant bien que mal et me laisse seul, affalé dans le sofa du coin VIP.

Entre-temps, la serveuse revient avec mon verre. Sans perdre plus de temps, elle agrippe mes épaules et me rapproche d'elle pour m'embrasser.

Doucement, mes mains se rendent à ses cuisses, puis sa taille, pour revenir à ses fesses. Ses baisers langoureux ne mettent pas de temps à me donner envie, et ses jambes fines se placent de part et d'autre de mon corps pour m'emprisonner.

- C'est six-cent balles la nuit mon beau. Susurre-t-elle à mon oreille.

Mes lèvres se décollent des siennes à la seconde où elle finit sa phrase.

- Je suis qui moi pour m'envoyer en l'air avec une pute. Je ricane.

Comment attraper la chlamydia en une étape. Honteuse, elle se relève et baisse sa jupe. Non, les prostituées, c'est vraiment pas pour moi. C'est arrivé une fois, par accident, et j'ai dû me faire traiter pour la chlamydia justement. Sale pute, littéralement.

Puisque j'ai rien d'autre à faire à présent, je prends mon verre et sirote lentement le liquide ambre qui s'y trouve. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'Aaron ne vienne ici me casser la gueule, mais je n'ai rien à me reprocher, elle n'a pas accepté mon offre de toute façon.

Ça, c'est si elle lui raconte tout bien sûr.

Les heures passent rapidement et le bar est sur le point de fermer. Les quelques gens sur la piste de danse sont peu nombreux et chancelants, et ceux au bar sont sur le point de vomir.

C'est bel et bien le temps de renvoyer le monde chez eux. C'est avec une nouvelle femme accrochée à mon cou que je finis mon verre.

- Tu viens avec moi?

Elle hoche la tête, mais je doute qu'elle ne soit vraiment consciente de ses gestes. Je tente avec peine de me relever, mais sans s'en rendre compte, la belle demoiselle me retient assis.

Doucement, je retire ses bras de mon cou. Son haleine d'alcool ne m'enchante pas trop. Je me relève pour de bon cette fois.

Un peu fatigué de cet effort minime, je jette un regard à ma conquête de ce soir. Je crois bien que je vais la laisser ici.

Un cliquetis dans mon dos me glace le sang. Il m'a déjà retrouvé. Elle m'a balancé.

Laisse moi partir 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant