3. Au fond du goufre

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-• Jasmine •-

Ce n'est pas tous les jours qu'on devient danseuse dans un bar appartenant à un gang puissant de la ville de New York. J'aimerais dire que je suis chanceuse, mais vous savez aussi bien que moi que ce n'est pas vrai.

Ma première soirée se déroulera ce soir, dans un bar caché des regards importants. Ils doivent vouloir voir ce que je peux faire avant de m'envoyer dans les bars plus connus.

J'étais vêtue d'une robe rose néon tellement collée au corps qu'on pouvait littéralement voir au travers. Les échasses à mes pieds étaient la même couleur et mes cheveux raides un peu en bataille me donnaient un petit look sauvage. Le maquillage sur mon visage était on ne peut plus voyant, et je ne pus m'empêcher de me trouver dégoûtante malgré les artifices. J'étais sur le point de bouger mon corps pour faire de l'argent à un gang de rue.

Étant la petite nouvelle, j'allais danser la dernière, ce qui me laissait du temps pour prendre exemple sur les habituées.

- C'est à toi la petite brunette! Me cria un homme au bedon gigantesque.

Pour commencer, je ne suis pas petite. Je fais 1m74 et j'en suis très fière. Ensuite, il a dit que c'était mon tour. Tout de suite. Les jambes tremblantes et la respiration rapide, je me dirige vers la scène, échasses aux pieds.

Mon coeur menace de sortir de ma poitrine à chaque nouveau pas que je fais. Une autre fille est sur la scène, et je me dis que je devrais prendre exemple sur elle pour ne pas m'humilier devant tous ces gens. Une boule énorme se forme dans ma gorge quand je commence à bouger mes hanches au rythme de la musique. Je n'aurais jamais cru faire ça un jour. Encore moins aujourd'hui pour un gang de rue qui m'a enlevée.

La scène se remplit de billets de 5 et de 10 dollars. Je ne sais plus combien de temps je reste là, à mouver mon corps, tout ce que je sais, c'est que je dois partir tout de suite parce que j'ai envie de vomir.

Sans attendre, je cours vers l'arrière de la scène, où se trouve la porte menant à la loge. Le garde de sécurité tente de me bloquer, mais à voir mon visage paniqué, il me laisse passer. J'ai à peine le temps de me rendre aux toilettes que je vomis mes tripes.

Tremblante, je tente de reprendre mes esprits. Un deuxième haut-le-cœur me prit. L'une des danseuses de tout à l'heure me tend un mouchoir. Elle était dans les premières à passer ce doit être une des habituées.

- Ça va toi? Demande-t-elle.

Ayant peur de vomir si j'ouvre la bouche, je me contente d'hocher la tête.

- T'es enceinte?

- Non je ne suis pas enceinte. C'est le stress. Dis-je en riant.

- Donc t'en es une qui a été forcée par le gang je suppose. Chuchote-t-elle si bas que je ne l'ai presque pas entendue.

J'hoche à nouveau la tête de haut en bas.

- Je ne peux pas t'aider à t'en sortir mais si tu veux je peux te donner des trucs pour devenir meilleure jusqu'à ce qu'ils te donnent une partie des gains. Chuchote-t-elle encore.

Tout dans sa phrase me dégoûte. Moi j'irais mettre mon 100% pour que ces salopards me donnent l'argent que je mérite?

- C'est pas nécessaire, merci. Mais attends. Je ne suis pas payée?

J'arrête tout de suite de chuchoter. C'est quoi cette blague? On voit bien que ce n'est pas à eux de danser devant des hommes affamés.

- Ils ne te payent que lorsque tu ramènes beaucoup de fric. Pas avant.

Ma bouche s'ouvre et se referme quelques fois, sans produire de son. À quoi je m'attendais.

- De toute façon ils donnent moins de gros billets quand t'es habillée. Tu devras faire de méchantes acrobaties pour avoir un revenu sans te déshabiller. Dit-elle, un sourire en coin accroché à son visage.

- Je suis ici à cause d'un malentendu. Je n'ai pas l'intention d'obéir au doigt et à l'oeil. Je n'ai pas non plus dans l'idée de rester ici. Répondis-je sèchement.

À ma réponse, elle a un mouvement de recul. Le sourire coquin qui ornait ses lèvres quelques secondes plus tôt a laissé place à des sourcils froncés et des lèvres serrées.

- Tu crois que personne n'a essayé? Tu penses réellement que toutes les filles qui sont ici le sont de leur plein gré? Tu sais ce qu'ils font aux rebelles? Ils les tuent. Aussi simple que ça. Me crache-t-elle au visage.

Sur ces mots, elle me tourne le dos et retourne sur scène. Dans peu de temps il me faudra faire de même. Je me demande si elle fait partie des volontaires. J'ai l'impression que oui, mais quelque chose me dit que ce n'est qu'une façade.

Je vais devoir être extrêmement vigilante si je veux un jour pouvoir me sauver de cette situation horrible.

Personne ne sait où je suis ni qu'est-ce que je fais. Je vis seule, donc personne pour remarquer mon absence, et je n'ai pas revu mon cellulaire depuis la boîte de nuit. Pat est partie, et je doute qu'Ashley et Kim ne se rendent compte de mon absence avant vendredi soir. Je ne sais même pas ce qu'il leur est arrivé après le coup de feu.

Je suis, pour la première fois de ma vie, seule dans ma galère.

Pour réussir à m'enfuir, je devrais commencer par monter les échelons. Tout est plus facile quand on a du pouvoir.

Sans vraiment le vouloir, je vais devoir me conformer aux règles et agir comme la parfaite petite victime.

Première étape, m'excuser et demander de l'aide à la danseuse de tout à l'heure. Elle ne m'a pas donné son nom, mais j'ai l'impression que l'on va se voir souvent si je décide de travailler avec elle.

Quand l'homme au bedon immense me rappelle sur scène, je prends mon courage en main et m'y dirige avec confiance.

Je vais sortir d'ici, vous en faites pas avec ça.

Laisse moi partir 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant