Prologue: Le germe d'un mal nouveau

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Dans les tréfonds de la ville abandonnée, une cérémonie se préparait.

Venus de tous les continents, des animaux de tous les genres et de toutes les espèces se préparaient à accueillir un grand évènement.

***

Sous une pluie battante et alors que le tonnerre rythmait sa traversée de la ville, un oiseau volait péniblement en direction d'un vieil immeuble dont il n'apercevait de loin que l'ombre menaçante. Il battait des ailes avec énergie pour continuer malgré la tempête à avancer et rejoindre ses frères.

Le vent redoubla d'intensité. Il crachait à présent des monceaux d'air froid .

Un éclair particulièrement puissant révéla la nature de l'oiseau. Il s'agissait d'un ara bleu. L'animal s'agitait avec ferveur, ses ailes effectuant un va-et-vient dans le ciel orageux.

Le pauvre oiseau était ballotté entre deux souffles de vents. Son plumage trempé et ébouriffé par la pluie renvoyait la pénible image d'un animal malmené par un très long voyage.

Les bâtiments étaient désormais proches.

Soudain, la foudre s'abattit sur un vieux tas de métal décrépi à quelques mètres seulement du perroquet. Une bouffée de chaleur énergétique dégagée par l'éclair se propagea dans l'air, lui faisant perdre sa concentration une fraction de seconde. Mais cela suffit au souffle infernal de l'orage pour le projeter sur le mur d'un immeuble en ruine.

Il se cogna avec violence.

Sonné et blessé, l'animal plongea vers la terre à une vitesse effroyable, ses ailes bloquées sur son corps, collées par la pluie. De justesse, il parvint à les écarter et à ne pas s'écraser au sol.

De nouveau, il s'éleva. Ses ailes continuaient à le propulser, malgré sa blessure et la pluie qui faisait rage. Il volait, il avançait à nouveau dans la tempête.

Le froid était mordant.

A présent, il y était, quelques centaines de mètres le séparaient de sa destination. Salement amoché, il peinait à avancer mais se hissa tant bien que mal à l'assaut de l'orage. Le froid lui gelait les os, ses plumes ne le protégeaient plus. Il était transi mais les températures glaciales et le pluie ne semblaient pas altérer sa volonté de rejoindre ses semblables.

Peut-être y arriverait-il ?

***

Il se posa avec fracas sur le sol morcelé et couvert de lierre du hall de l'immeuble où l'attendaient déjà ses confrères. Un miracle qu'il soit debout, ce bâtiment aux allures de maison hantée, sembla-t-il penser en l'examinant attentivement. Des pierres s'échappait parfois par les murs du bâtiment en ruine pour s'écraser à terre.

Le tonnerre retentit, encore, il rythmait le bruit de l'orage qui engloutissait la ville.

Le temps de sécher ses plumes, de nettoyer rapidement ses blessures, et l'ombre d'un ours gigantesque déjà se dressait derrière lui. Un des gardiens de la cérémonie.

Le mot de passe, où était le mot de passe ?

Le petit perroquet se mit à trembler mais finit par bredouiller avec difficulté. Ses blessures l'empêchaient de bien parler. << Patte bleue de rouge se couvrira quand les sept elle arrêtera >>. L'ours approuva d'un grognement sourd et s'écarta, lui libérant ainsi une entrée que l'oiseau n'avait jusqu'alors pas aperçue. On aurait dit les portes de l'enfer, à ce ci près que la porte ouvrait vers un corridor glacial, et non brûlant.

La porte en bois massif et sombre était à peine entrouverte sur un escalier tout aussi sombre et humide.

Le perroquet se releva et s'appuya sur son aile cassée, laissant échapper un hoquet de douleur.

Il tenta de conserver les apparences et avança vers l'embrasure de la porte d'un pas qu'il semblait croire assuré. Il attrapa une cape bleue qui pendait sur une aspérité d'un mur et l'enfila. Elle était juste à sa taille. Il se dépêcha, en bas la cérémonie allait commencer.

***

La salle était sombre, vaste et angoissante. Elle n'était éclairée que par la lueur pâle de quelques bougies. Ces lumières tremblotantes renforçaient l'aspect menaçant du lieu. La scène de l'étrange spectacle qui allait se jouer ici était calme, étrangement calme. Le perroquet y entra par un escalier qui descendait.

Il tenta peut-être de se faire discret, mais son entrée fut remarquée et provoqua une vague de murmures dans la salle.

Il concentra son regard sur le point central de l'immense cave.

Au centre de la cette salle souterraine, se trouvait un cercle de flammes, violettes cette fois, qui dégageaient une douce lumière. Douze aiguilles sortaient du cercle, toutes espacées de manières égales les unes aux autres. Elles pointaient des directions opposées. Il s'agissait d'une une horloge inversée. L'oiseau bleu se dirigea vers le centre de la salle.

Minuit sonna.

Un murmure s'éleva à nouveau de la foule d'animaux présents. Onze silhouettes vêtues de capes bleues nuit s'écartèrent de la foule pour avancer vers l'horloge inversée. Fendant le groupe d'animaux, le perroquet vêtu lui aussi de bleu continua vers les onze silhouette.

Les murmures redoublèrent d'intensité.

Ensembles, ils prirent place sur l'horloge, chacun se plaçant sur une des larges aiguilles. Ils formaient un amas hétéroclite d'animaux de douze espèces différentes.

Le plus gros, un rhinocéros dont la cape masquait presque l'entièreté du corps semblait gigantesque en comparaison du petit perroquet debout non loin de lui.

Les murmures s'étaient transformés en chant.

Les douze bêtes, sur les aiguilles commencèrent à réciter la même litanie que la foule avait commencé à déclamer. D'abord, dans un simple souffle de voix, puis de plus en plus fort, finissant par la crier.

Quatre vers, rien de plus.

A midi après l'horloge lancée

Le chant des douze a commencé

La tempête brisera les chaînes du passé

Pour qu'enfin les anciens puissent le quitter

Les aiguilles sur lesquelles étaient positionnées les bêtes se mirent à tourner. D'abord lentement, puis gagnant en vitesse comme l'avait fait le chant des douze.

De sous leurs pieds, commença à sortir des plantes, dont les vrilles s'enroulèrent au pattes des gardiens du cercle. Une liane s'avança seule vers le centre de l'horloge inversée. Une fois au centre, elle s'éleva, fuyant vers le plafond de la salle obscure.

Les chants s'étaient accélérés.

La foudre s'abattit avec violence sur le centre du cercle, grillant au passage la liane. Les gardiens de l'horloge levèrent les yeux comme pour chercher l'origine de cet éclair.

Rien, le plafond était intact et eux toujours vivants, malgré la violence de l'intervention divine.

Était-ce finit ? Le cycle était-il lancé ?

***

L'orage s'était calmé, mais la pluie battait toujours les ailes du perroquet qui volait vers l'Ouest pour rejoindre sa demeure. L'intervention de la foudre lors de l'invocation des douze tempêtes semblait avoir mystérieusement guéri ses blessures.

Il volait, fuyait la cérémonie.

Un peu plus loin, une ombre apparu dans une ruelle, glissant parmi le décombres de la ville. L'ombre surveillait l'oiseau, à son insu.

Depuis combien de temps ?

Alors qu'un ultime éclair déchirait les cieux, la lumière produite révéla un instant la parure bleue de l'oiseau. Imperturbable, il continua son vol, la tempête ne lui faisait rien.

Au sol, l'ombre sourit en apercevant le perroquet.

Une ombre qui avait la silhouette d'un chat.




Emergence Le poème des douze tempêtesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant