𝟾 | 𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚌𝚒𝚗𝚚𝚞𝚊𝚗𝚝𝚎-𝚚𝚞𝚊𝚝𝚛𝚎

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Bonne lecture !

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Kuroo avait l'impression d'étouffer.

Daishou s'était écroulé dans ses bras au moment même où Bokuto avait sauté pour empêcher le Soul Eater de faire plus de dégâts, et il ne savait pas quoi faire. Ses gargouillis étranges, son regard terne, son teint pâle et glacé ; il appuyait comme il le pouvait, mais la plaie était trop large pour que ses deux mains puissent la couvrir.

Il tentait de garder Daishou près de lui, de l'éloigner du sol glacé le plus possible, mais c'était compliqué et plus les secondes passaient, plus la douleur qu'il ressentait à travers leur lien s'atténuait. Et ce n'était définitivement pas bon.

Son désarroi grandissait de minute en minute, alors que le monde semblait continuer de tourner — il entendait des voix, plus ou moins fortes, mais n'arrivait même pas à détourner les yeux —. Daishou le fixait. Sa main s'accrocha à son pull, et il articula lentement :

Imbécile.

La seconde d'après, elle retomba nette sur le sol et Kuroo hoqueta de douleur.

– Non, non, non, murmura-t-il si bas que personne ne l'entendit. T'as pas intérêt à me faire ce coup-là.

Daishou n'avait pas le droit de lui faire ça. Il ne pouvait pas être un petit con toute sa vie, et tout à coup se sacrifier noblement comme si de rien n'était. Il ne pouvait pas lui claquer entre les doigts, simplement parce que Kuroo n'avait pas été assez attentif.

Il appuya plus fort en ravalant un sanglot.

Leur lien s'effaçait, il le sentait aussi distinctement que si on lui coupait un bras — cette sensation était insupportable. Sa peau brûlait, le sang sur ses mains lui donnait envie de vomir, et...

Soudain une main se posa sur son épaule.

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– La police est en route, leur dit le directeur au moment où Oikawa et Iwaizumi passèrent non loin de lui.

D'un coup d'œil rapide, alors que son partenaire était occupé à presque le traîner loin de la bataille, Tooru regarda le Soul Eater. Le souffle court, ce dernier ne cessait de se tenir le poignet avec une grimace. Chacun de ses mouvements était lent et semblait douloureux, mais cela ne l'empêchait pas de mettre toute sa force dans chaque offensive. Il levait sa Claymore bien haut, et tentait de frapper le directeur. Sans succès.

Ce dernier ne semblait même plus prendre ce combat au sérieux, et se contentait de fixer ses anciens élèves avec pitié.

– Je ne veux pas vous tuer, entendit Oikawa. Ce n'est pas mon travail, même après ce que vous avez fait à mon élève et à toutes ces personnes.

Iwaizumi le tira à nouveau, et ils se remirent en marche. D'après ce qu'il sentait, son meilleur ami devait avoir au moins une côte cassée, si ce n'était plus. Quant à lui, son pouvoir avait largement dépassé ses limites, et il se sentait prêt à s'endormir à n'importe quel moment.

Un coup de feu retentit, et cette fois ce fut Hajime qui se retourna.

Le directeur avait le bras tendu, son immense fusil fumant à son extrémité, et une mine lassée sur le visage. Devant lui, à plusieurs mètres, le Soul Eater tomba à genoux.

Iwaizumi continua son chemin en soufflant de soulagement.

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Il n'y avait que deux personnes dans la pièce silencieuse.

Dehors, il faisait nuit et aucune lumière n'était allumée ; seule la lune éclairait légèrement un côté du lit. Assise dans un grand fauteuil inconfortable, une femme gardait un œil ensommeillé sur sa fille. De grandes traînées noires sous ses yeux prouvaient qu'elle avait dû pleurer à un moment ou à un autre, et elle avait mis son téléphone en silencieux sitôt que le personnel hospitalier avait quitté la pièce. L'écran pourtant tant sollicité habituellement restait noir.

Il n'y avait plus qu'elles deux.

Dans le petit lit blanc, reliée à quelques machines, une jeune femme commençait tout doucement à reprendre conscience. Les yeux encore fermés, elle tenta de remuer ses doigts puis, satisfaite du résultat, elle bougea légèrement les pieds. Rien ne se produisit.

Un bip plus fort que les autres la fit sursauter, et tout à coup la pièce ne fut plus qu'un vacarme insupportable alors qu'elle tentait de respirer : quelque chose lui comprimait la gorge, et cette sensation horrible lui donna envie de vomir. Elle remua violemment, s'arc-boutant en faisant redoubler les bips des machines qui ne savaient plus où donner de la tête, alors que la femme dans le fauteuil se levait pour sortir en panique de la chambre en criant :

– Infirmières !

Dans son lit, ses blessures commençant peu à peu à se rouvrir, la patiente pleurait à chaudes larmes, un cri silencieux au bout des lèvres. Un gros tuyau l'empêchait de produire la moindre phrase cohérente, et quand enfin un visage apparut dans son champ de vision, des mains l'attrapèrent en même temps pour la maintenir immobile.

– Tout va bien, madame, lui assura-t-il en croisant son regard paniqué. Ce n'est que le tube qui vous aide à respirer. Je vais l'enlever maintenant, d'accord ? Allez, un, deux, trois...

Après une douleur éclaire qui lui brouilla la vue, il lui sembla qu'elle pouvait à nouveau respirer. Sa gorge enflammée fut bien vite oubliée, car tandis qu'un médecin tirait le drap qui la couvrait d'un geste rapide, la vision de ses plaies sanglantes la figea entièrement.

– Les sutures se sont cassées, préparez un bloc !

Il y eut de l'agitation — beaucoup — mais elle ne l'entendit presque pas. Tout ce qu'elle vit, ce fut les souvenirs qui défilèrent devant ses yeux. Son collègue qui lui disait de ne pas aller par là bas toute seule. Elle qui rigolait en lui répondant qu'elle ne risquait rien. Ils devaient se revoir juste après, elle voulait simplement terminer sa ronde le plus rapidement possible. Puis cet homme croisé au détour d'une ruelle, son malaise croissant. Elle se revoyait lever son arme dans sa direction et lui demander ce qu'il faisait là. De lever doucement les mains. De ne pas s'approcher. Puis un flash, une lame, la douleur, et le noir complet.

Elle hoqueta, des larmes pleins les yeux.

– Maman, gémit-elle en tendant difficilement son bras à travers les trois infirmières qui la préparaient rapidement pour aller au bloc à nouveau.

La femme s'approcha immédiatement, les yeux brillants et la lèvre tremblante. Elle attrapa sa main et la serra fort.

– Oh Chiaki, ma chérie. Ça va aller, d'accord ? Ils vont te soigner à nouveau, et on trouvera une solution, ça va aller... ça va aller...

Elle ne l'avait jamais vu dans cet état. Sa mère, d'ordinaire si froide et maîtresse d'elle-même avait à présent le visage brouillé et faisait enfin son âge.

– Maman, croassa-t-elle à nouveau alors qu'on commençait à faire rouler son lit. Où est Tooru ? Maman, où est Tooru ?

Son cœur battait si fort qu'elle avait l'impression qu'il allait s'arrêter. Elle ravala ses larmes pour une seconde de plus, et répéta :

– Maman, Tooru va... il va forcément...

Mais le personnel la sortit de la chambre en vitesse, et elle eut tout juste le temps de hurler « maman ! » avant de s'évanouir.

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Papermoon || KuroShouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant