Papermoon || KuroShou

𝟾 | 𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚜𝚘𝚒𝚡𝚊𝚗𝚝𝚎

Bonne lecture !

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– La relève arrive bientôt ? Ça va faire des heures qu'on la surveille.

Les pieds relevés, croisés sur la table où reposait l'écran de son ordinateur, Kinoshita soupira en pensant à sa future pause clope. Il avait fallu que tout ça arrive le soir où il était de garde, bien sûr.

D'habitude, son boulot était putain de simple : il posait ses fesses sur une chaise, observait son écran sans vraiment en avoir quelque chose à faire, et attendait que le temps passe. La station de police possédait en tout quatre cellules, avec des caméras dans chacune d'elle, pour les quelques personnes qui viendraient passer la nuit ; se dégriser dans une cellule était parfois le meilleur moyen de ne pas revenir. Et pour ceux vraiment dangereux, une salle spéciale avait été aménagée. Heureusement, elle était restée longtemps poussiéreuse.

– Patiente encore un peu, tu veux ? Les gars viennent d'être appelés, laisse-leur au moins le temps de prendre un café.

Il leva les yeux vers son collègue, qui mangeait une pomme à ses côtés avec un air ennuyé. Son regard était fixé sur son écran, et Kinoshita se fit la réflexion que lui avait encore eue moins de chance. D'habitude, une seule personne devant les écrans était largement suffisante : les cellules n'étaient que rarement pleines, et le surveillant était là uniquement pour appuyer sur un bouton en cas de problème.

Mais là, il avait décidé d'appeler ce pauvre homme au milieu de la nuit, parce qu'apparemment cette femme était assez dangereuse pour lui faire oublier d'appuyer ce sur foutu bouton. Surtout que trois gardes avaient été réquisitionnés pour faire le pied de grue devant sa porte...

– Et enlève tes pieds du bureau, c'est dégueulasse.

Tout en levant les yeux au ciel, il s'exécuta sans discuter. Son collègue était peut-être un vieux bougon un peu trop à cheval sur les règles, ça n'empêchait qu'il l'avait déjà sorti de plusieurs embrouilles.

– Ça serait bien si y'avait un peu d'animation, dit-il à la place. On se ferait presque chier.

– Nous porte pas la pousse. Si cette fille s'enfuit, sur qui ça va retomber à ton avis ?

– Ça risque pas. Regarde, ça fait des heures et elle a même pas remué un seul cil.

Sur l'écran, on pouvait apercevoir une petite pièce entièrement blanche, sans table ni chaises ; la jeune femme était assise par terre, sur le béton ciré, ses jambes repliées sous elle. Le dos droit, les paupières fermées, elle était tournée vers la porte sans pour autant lui porter la moindre intention.

Cela faisait un bon moment que les unités de police l'avaient placé ici ; elle n'avait pas dit un mot, n'avait pas crié, et n'avait pas bougé. Elle s'était contentée de s'asseoir au centre de la cellule et d'attendre.

– Tu penses qu'elle est folle ?

– Sûrement. Y'a des chances. Simplement j'espère que ça sera pas une raison pour la laisser s'en tirer. C'est une belle garce.

Kinoshita haussa les sourcils, étonné. Ce n'était pas que ce vieux bougre ne disait jamais d'insulte, seulement il ne le faisait en tout cas pas devant lui. Toujours à le reprendre sur son langage, c'était assez surprenant de l'entendre se laisser aller comme ça.

– Oh, s'exclama-t-il soudain en posant une main sur son épaule pour attirer son attention. Regarde.

En relevant les yeux vers l'écran d'ordinaire, Kinoshita put la voir se relever doucement, et tapoter son pantalon pour enlever la poussière. Elle fit lentement un tour sur elle-même, observant la pièce, puis son attention se porta sur la caméra dans le coin droit.