𝟷 | 𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚝𝚛𝚘𝚒𝚜

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Bonne lecture !

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Les bras croisés derrière la tête, regardant le plafond d'un œil fatigué, Kuroo écoutait distraitement les ronflements de Bokuto. L'espace d'un instant, il fut tenté de lui envoyer l'un de ses deux oreillers dans la figure, mais abandonna l'idée.

Plutôt que de faire chier son ami, il avait davantage besoin d'air frais.

Se relevant doucement, Kuroo écarta les couvertures de son lit et posa ses pieds nus sur le parquet de la chambre. Dans le noir, il tata ce qui l'entourait à la recherche de son pantalon et de ses chaussures puis enfila le tout en silence.

Kuroo était pratiquement certain que même une explosion dans la chambre d'à coté ne suffirait pas à réveiller Bokuto, mais il ne voulait pas tenter le diable.

Sur la pointe des pieds, il s'extirpa de la pièce, grimaçant devant le grincement de la porte, puis soupira de soulagement une fois dans le couloir. Il savait qu'il avait passé le plus dur : au début de l'année précédente, Oikawa avait gelé le détecteur qui bloquait la porte du dortoir une fois la nuit tombée. Dans les autres bâtiments, les élèves étaient surveillés et une sonnerie insupportable prévenait les surveillants dès que quelqu'un tentait de quitter l'endroit.

Ici : pas de surveillants, et pas de sonnerie. Kuroo quitta les lieux en quelques minutes, descendit ces foutus escaliers, puis poussa la porte pour pénétrer dans l'air agréable de la nuit.

Enfin, il prit une grande inspiration et se frotta les yeux.

Il me reste deux ans, pensa t-il. J'ai le temps, rien ne presse. Certains se rencontrent pendant leur dernière année, ça n'enlève rien à leur lien.

Il regarda autour de lui, puis tourna les talons afin de faire le tour du bâtiment. L'Académie avait une disposition bien à elle : les bâtiments de cours s'élevaient les premiers, juste devant le portail. Derrière, il y avait toute sorte de jardin et de terrain, des gymnases, des étendues d'herbe, de grandes installations pour travailler la force, l'agilité, la rapidité. Plus loin apparaissaient ensuite les dortoirs, du A au F. Rien ne définissait la répartition, mais souvent une attribution en première année à l'un de ces derniers ne changeait pas au fil des ans : Kuroo avait été dans le dortoir F depuis le premier jour, et il le serait certainement jusqu'à son diplôme.

Mais ce que nombre d'élèves ignoraient, c'était que derrière ce dortoir, là où beaucoup pensait que l'Académie s'arrêtait, s'étendait un immense jardin très bien entretenu ainsi que des fontaines, un labyrinthe, et un petit lac. Kuroo s'était toujours demandé comment cet endroit avait pu rester secret : les rumeurs étaient plus rapides qu'un train à grande vitesse, et même si tout cela était un peu éloigné des bâtiments d'étude, une petite pause déjeuner au milieu des fleurs pouvaient être agréable.

En arrivant dans le premier parc, Kuroo commença à traîner les pieds.

Il venait d'une bonne famille : son père était une arme puissante, et sa mère un Meister qui avait largement fait ses preuves. Son sang avait une bonne lignée, il n'était pas trop moche, et même s'il n'arrivait pas à la cheville d'Iwaizumi, il avait déjà battu Bokuto quelques fois. Il était agile, puissant dans ses mouvements ; si son arme avait été dans l'école, alors elle se serait déjà manifestée.

Il laissait sa marque apparente la plupart du temps, avec des chemises retroussées jusqu'aux coudes en été, et bientôt tous les première année seraient au courant de sa recherche.

Soudain, une voix résonna dans la nuit et Kuroo manqua de lâcher un cri de surprise. Il attendit, immobile, mais n'entendit rien de plus.

Je me fais peur tout seul, putain mais quel imbécile.

Mais alors qu'il s'apprêtait à continuer son chemin, les sourcils froncés, la voix s'éleva une nouvelle fois.

Kuroo partit se cacher dans un buisson. En fait, il sauta dedans avant même de comprendre ce qu'il se passait.

– Je te dis que j'ai compris !

Allongé dans l'herbe un peu humide, le brun releva la tête. Maintenant qu'il y faisait attention, il reconnaissait ce timbre irrité et ce pas rapide...

A travers les feuilles, il put apercevoir quelqu'un passer devant son petit bosquet, puis faire demi-tour. Il faisait les cents pas, de droite à gauche puis de gauche à droite, et Kuroo n'eut pas besoin de le voir repasser une deuxième fois pour discerner la couleur criarde du pantalon de Daishou Suguru.

Qu'est-ce qu'il fait là ?

Il se pencha un peu plus, et remarqua que ce dernier n'était pas simplement irrité ; en fait il semblait carrément en rogne.

– Que veux-tu que je fasse d'autre, hein ?

Dans le téléphone qu'il tenait contre son oreille, une petite voix parla très vite.

– Calme, d'accord ? Combien de fois il va falloir que je te répète que j'ai compris !

Il leva les yeux au ciel.

– Oui, oui, je ne suis qu'un sale petit con qui finira seul toute sa vie : tu sais quoi ? Je penserais à toi en nourrissant mes chats quand je serais à la retraite.

D'un geste rageur, il tapa une petite pierre du pied qui partie en direction de Kuroo. Elle manqua de lui rentrer en plein dans le front.

– Arrête de crier ! J'ai bien compris ce que tu veux, d'accord ? Je vais chopper le premier Meister venu comme ça il pourra m'utiliser comme il le voudra, ça te va comme ça ?

Tout à coup, Kuroo se sentit très coupable d'assister à ça ; certes, il ne portait pas Suguru dans son cœur, mais contrairement à l'un de ses meilleurs amis dont il ne citerait pas le nom, il respectait la vie privée des gens. Silencieusement, il tenta de faire demi-tour en crapahutant sur le sol : il rampa de quelques centimètres en arrière, mais soudain :

– Quand est-ce que tu vas enfin comprendre que j'ai pas envie de finir comme elle !

Son cri résonna un instant, et Kuroo – qui s'était figé – crut que ce dernier avait réveillé tous les dortoirs aux alentours. Il attendit, immobile, mais Suguru avait raccroché.

Il releva la tête, juste un peu, de peur de se faire repérer. S'il le découvrait là, il ne donnait pas cher de sa peau. Il manqua d'écarquiller les yeux. Daishou avait les larmes aux yeux, et regardait son téléphone d'un air plein de rage.

Il serra le poing, le porta à son front, puis tourna les talons en sifflant :

– Putain de putain de merde !

Kuroo attendit une bonne dizaine de minutes avant de sortir de sa cachette et regagna ensuite sa chambre. Bokuto ronflait toujours autant.

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Papermoon || KuroShouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant