𝟹 | 𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚟𝚒𝚗𝚐𝚝-𝚎𝚝-𝚞𝚗

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Bonne lecture !

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– Tu es vraiment sûr de vouloir avancer ta tour ?

– Ma tour va avancer, manger ton cavalier, et comme ça tu pourras enfin la fermer.

Oikawa laissa échapper un petit rire et vit Tsukishima, assis à son bureau, qui secouait la tête d'un air dépité. Même lui, de dos, voyait bien que Daishou faisait n'importe quoi. Pourtant, il ne dit rien et le laissa offrir sa tour en pâture à la reine de Tooru.

Ce dernier fredonna et manga sa tour sans aucun état d'âme.

Daishou grogna.

– Tu te fous de moi ? La pitié, tu connais ?

– Pas aux échecs, mon vieux. C'est la guerre.

Nous étions jeudi, et il était tard. La semaine de vacances était bientôt terminée, mais Oikawa se sentait prêt à affronter les examens de décembre : il avait bien révisé, et connaissait tous ses cours sur le bout des doigts. Pour les matières physiques que possédaient les armes et les Meisters, il ne se faisait aucun soucis.

Pour Noël, il serait forcé de retourner chez lui, et il savait très bien que l'accueil serait plus que glacial s'il ne ramenait pas des notes excellentes. Sa mère n'était pas une femme dotée de beaucoup d'humour, et il y avait peu de chance pour qu'elle s'amuse de notes mauvaises.

De toute façon, Tooru savait qu'il allait réussir, alors il évitait de penser à son retour. En plus il y aurait très certainement sa sœur, alors tout allait bien.

– Échec, déclara-t-il en déplaçant une nouvelle fois sa dame.

Daishou lui lança un regard noir, puis déplaça son fou afin qu'il fasse barrage devant son roi.

– Au fait, se souvint-il soudain, comment ça s'est passé la dernière fois ?

– La dernière fois ? demanda Oikawa en fronçant les sourcils, concentré sur son prochain mouvement.

Lorsqu'il jouait sérieusement aux échecs, on pouvait apercevoir une façade qu'il ne laissait que très rarement apparaître : sérieux, tactique, et surtout bien plus intelligent que son attitude désinvolte ne le laissait supposer. Les rares fois où Daishou avait gagné, c'était lorsqu'Oikawa l'avait laissé faire pour ne pas prendre le risque qu'il arrête de jouer avec lui.

– Oui. Quand t'es sorti.

– Oh.

Il bougea son propre fou.

– Bien. Je me suis fait engueuler comme jamais, et cette fois ma sœur m'a vraiment embarqué. Je suis resté enfermé jusqu'au matin dans la cellule en face de son bureau.

Il avait déclaré cela d'un ton morne, comme si c'était quelque chose qui arrivait tous les jours. Daishou le regarda, presque scandalisé.

– Tu es resté enfermé dans une cellule ? répéta-t-il lentement. Qu'est-ce que tu as fait, au juste ?

– Je me suis introduit sur une scène de crime. Encore. Mais ce n'était pas le Soul Eater. Ma sœur en a eu marre, donc elle a voulu me donner une leçon.

Il haussa les épaules.

– La belle affaire. Pour une fois, j'étais pas vraiment sorti pour mener mon enquête ; j'étais simplement inquiet. En fait, si elle n'a pas répondu à mes appels, c'est simplement parce qu'elle m'a ignoré. Je lui ai fait promettre de ne plus le faire, et en échange elle m'a dit que la prochaine fois qu'elle me mettait la main dessus en dehors de l'Académie, elle préviendrait notre mère.

Daishou bougea son pion, et Oikawa enchaîna.

– Échec, répéta t-il.

– Pourquoi tu es aussi obsédé par le Soul Eater ?

Il joua, et sa question figea Oikawa sa son geste. Sa main resta suspendue au dessus du plateau, et il ne le regarda pas, les yeux rivés sur les pièces.

– Ma sœur, commença t-il, puis il fit une pause.

Il bougea une pièce, et Daishou fronça les sourcils. Son mouvement n'avait aucun sens, et il aurait très bien pu faire échec et mat.

– Ma sœur, c'est la seule personne qui me reste vraiment. Comme famille, je parle. Bien sûr, j'ai Iwa-chan. Et Bokuto. Et Kuroo. Mais c'est pas la même chose. Avec ma sœur, on a le même sang. Et même si on s'engueule tout le temps, ça a toujours été nous contre notre mère. C'est une femme correcte et déterminée, mais ce n'est pas une bonne mère. Donc ça a toujours été nous.

Il posa le bout du doigt sur son roi, sans le bouger vraiment.

– Il y a un psychopathe, là dehors, qui tue des gens dans la rue, et qui dévore leurs âmes. Leurs âmes. La mort, c'est une chose. La disparition d'une âme, c'en est une autre. Et ma sœur est là dedans toute la journée, pas loin de lui, à le traquer. Et si un jour elle se rapprochait tellement que c'est elle qu'il visera ? Si un jour j'apprenais que quelqu'un avait dévoré l'âme de ma sœur ? Je me suis déjà imaginé ce que ça fera : l'annonce, le vide, les dîners, en tête à tête avec ma mère. Elle dirait sans doute que son choix de métier était mauvais. Elle n'est pas soldat, pas plus que médecin ou avocat. Pas ingénieure non plus.

Il fit un sourire, le regard toujours fixé sur le roi.

– Elle est une foutue inspectrice de police qui risque sa vie tous les jours, mais ça ne sera jamais assez bien. Et je ne veux pas me retrouver avec ma mère aux repas à l'entendre la dénigrer tout en me disant que son âme a été dévorée.

Lorsqu'il releva les yeux, ils semblaient bouillir. Les morceaux de cristaux au cœur de ses pupilles étaient en fusion, et lorsque Tooru se pencha en avant pour déplacer sa tour et faire échec et mat, Daishou ne put rien faire d'autre que le regarder, hypnotisé.

Il observa sa main saisir la pièce, et une seule pensée traversa son esprit :

Ce sera quitte ou double.

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Papermoon || KuroShouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant