Chapitre 5

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C'est épuisée, et sans vie, que je ma gare dans la rue, face à l'immeuble. Je rentre dans l'immeuble en traînant les pieds. Je vais me faire un pense-bête sur lequel j'écrirai :"ne pas dépanner ses amis le lendemain d'une soirée mouvementée". Cela m'évitera d'être morte de fatigue et de n'avoir rien dans le ventre. Je monte les escaliers, n'ayant qu'une seule pensée; celle de retrouver mon lit. J'aime vraiment mes amis, mais s'ils pouvaient éviter de tomber en panne à plus de trois heures trente de chez moi, ce serait encore mieux. Mon ventre se met à se faire entendre, pour la première fois de la journée. Je lui dis d'attendre un peu, et lui fais remarquer qu'il est un peu tard pour me faire comprendre qu'il est vide, surtout à vingt-et-une heures. Arrivée en haut du premier escalier, je suis prise soudainement d'un lourd vertige, et je manque de peu de tomber à la renverse. Je fixe mes mains qui tremblent extrêmement, et qui commencent à transpirer, ainsi que tout mon corps. Oh non... Quelque peu paniqué et encore tremblante, je décide de m'asseoir sur les marches des escaliers. Je ferme les yeux pour respirer grandement, même si cela ne m'aide absolument pas.

"Mademoiselle?

J'ouvre les yeux, surprise de tomber sur lui -même si c'est plutôt lui qui tombe sur moi. Clémence avait tord, je pourrais le remercier et m'excuser auprès de lui aujourd'hui.

-Bonsoir...
-Vous allez bien?
-Pas vraiment...
-Venez, je vais vous donner un verre d'eau.
-J'ai peur de me relever... J'ai failli tomber à l'instant, je ne veux...

Je ne finis pas ma phrase, saisie de surprise lorsqu'il passe un bras sous mes genoux, et un autre dans mon dos. Il monte à une vitesse impressionnante le second escalier. Je le fixe en fonçant les sourcils, voyant qu'il ne s'arrête pas à mon appartement.

-Je vais vous installer chez moi.
-Je peux me débrouiller seule...
-Je ne suis pas sûr."

Nous arrivons au dernier étage, et je ricane face à un Peter qui semble en difficulté face à sa serrure. Elle lui cède tout de même, et nous entrons dans l'appartement. Il ferme, d'un geste naturel, la porte avec son pied. Il me dépose sur un des deux canapés en cuir marrons de son salon. Il me quitte, me disant de ne pas bouger. Je ne suis pas sûre de le vouloir, et ni de le pouvoir. Je pose mon regard sur un tableau abstrait accroché en face de moi. Peter -si c'est bien comme cela qu'il s'appelle- revient avec un verre d'eau. Il me le tend, mais je ne le prends pas. Je regarde mes mains trembler, encore, et me concentre pour ne pas m'occuper des palpitations que je ressens dans la poitrine.

"Il me faut du sucre monsieur...
-Je reviens vite.

Il disparaît à nouveau mais réapparaît presque aussitôt avec une petite boîte en métal. Il s'assoit à côté de moi tout en me tendant un sucre qui se trouve entre ses doigts. Je l'attrape maladroitement et le fourre violemment dans ma bouche. Il me faut un peu de temps, juste un peu.

-Merci.
-Respirez bien.
-Vous allez me donner un cours de respiration?
-Même dans le mal vous essayez de rire. Mais je ne veux pas être responsable de votre mort, alors faites comme moi. Inspirez, expirez. Doucement.

Je suis attentivement le son de sa voix, trouvant de l'apaisement dans tout cela. Après une dizaine d'inspiration et d'expiration, je me sens beaucoup mieux. Mes palpitations ont cessé, ainsi que mes tremblements.

-Merci, pour aujourd'hui. Et pour la nuit passée. Je m'excuse encore d'avoir gâché votre fête.
-Je vous l'ai déjà dit: ne vous excusez pas. Quand à aujourd'hui et la nuit passée, ce n'est rien.
-C'est gentil quand même.
-Dites-moi plutôt pourquoi je vous ai retrouvé dans les escaliers dans un tel état.
-C'était une dure journée. Et j'ai fini par faire une énième crise d'hypoglycémie. Une énième dans ma vie. J'aurais dû manger au moins un petit quelque chose dans la journée. C'était à prévoir.
-Vous avez réussi à oublier de vous nourrir, si je comprends bien.
-J'ai fait plus de sept heures de route. Un de mes amis est tombé en panne sur la route qui mène de Smith's Falls jusqu'ici. Et vu la soirée d'hier, vous devrez vous douter que j'aurais préféré que cela tombe un autre jour.
-Je me doute. Mais si je peux vous donner un conseil, ralentissez et pensez un peu plus à vous.
-C'est comme vouloir arrêter un guépard en pleine course.
-Je vois ça. Je ne vous connais pas réellement, mais je sais que vous ne vous arrêtez jamais.
-Mes amis me surnomme "Speedy Gonzales".
-Cela vous va bien.

Un silence gagne la pièce, me mettant un peu mal à l'aise. Je me rend compte que je me suis invitée chez lui, sans savoir s'il avait quelque chose de prévue.

-Je vais vous laisser, je ne vais pas vous déranger plus.

Il entoure soudainement mon poignet de sa grande main chaude.

-Restez. Cela me ferait plaisir, j'aimerai en apprendre plus sur vous.
-Je ne sais pas si...
-Et puis, qui m'aidera à manger les délicieuses pâtes à la sauce tomate que je vais préparer?
-Mon plat préféré!
-Réellement?
-Oui.
-Alors, vous restez?
-Avec plaisir. Mais je veux vous aider.
-Deux mains en plus ne serront pas de refus."

Je lui souris chaleureusement, et me lève en même temps que lui. Je lui emboîte le pas, direction la cuisine. Il sort d'un placard un paquet de pâtes et me le lance. Je le rattrape de peu, riant aux éclats avec lui. Je me permets de fouiller dans les tiroirs afin de trouver un couteau pour les tomates. Cependant, il m'est assez compliqué de préparer une sauce, lorsque toutes les cinq secondes, Peter Black me chatouille ou me bouscule, prétextant prendre des ustensiles ou ingrédients dans le placard au-dessus de ma tête.

"Dites-moi, mademoiselle. Je vous ai invité chez moi, mais je ne connais pas votre identité.
-Oh! Oui. Ella, Ella John. Désolée, j'aurais dû me présenter beaucoup plus tôt.

Je lui tend poliment la main, et après un regard vers moi, il me la serre.

-Enchanté, mademoiselle Ella John. Je suis Peter Black.
-On m'a informé, mais je n'étais pas sûre.
-Vos informateurs sont fiables.
-Cela dépend le domaine.
-Il paraît qu'il ne faut jamais douter de ses sources.
-Je ne doute pas d'internet, ni des deux filles qui me servent d'amies.
-Ne jamais remettre en cause l'un ou l'autre!
-Merci du conseil, capitain."

Pari risquéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant