Chapitre 14

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Je fourre une frite dans ma bouche en écoutant attentivement Nick me lire la réponse à la dernière question qu'il vient de me poser.

"Tu vois, c'est ce que tu as dit.
-Je vois, oui.
-Tu connais tous tes cours, qu'est-ce que tu veux de plus?
-Les connaître par coeur?
-Tu devrais ralentir un peu le rythme, tu risque d'avoir des soucis.
-Je sais ce que je fais. Mais si tu évitais de m'obliger à te suivre après mes cours, je me reposerai en ce moment même.
-Dis-le que ça t'a fait plaisir que je vienne te chercher tout à l'heure.
-J'étais plutôt héritée. Mais là, je dois avouer que je suis contente. Satisfaite est le mot juste.
-Oui, bien sûr. Tu es heureuse d'être ici, et de manger le fast-food que j'ai été cherché.
-Les frites sont exquises!
-Tu es fatigante, Ella.
-Merci, Nick.
-Avec plaisir.

Il me sourit de manière à me faire croire que c'est forcé. Je lève les yeux au ciel, épuisée de cet homme. Je lui reprends mes classeurs et cahiers, et me lève pour les ranger dans mon sac, tandis que monsieur déguste son repas. Lorsque je me redresse, mes yeux se posent sur une photographie posée sur l'étagère à quelques centimètres de moi. Je reconnais Nick, évidemment. Mais il est entouré de deux femmes. L'une, à sa droite, blonde, grand sourire aux lèvres, les yeux marrons. L'autre, à sa gauche, ayant les cheveux tirant sur le blanc, un peu ridé, et le visage fatigué, avec un faible sourire sur les lèvres.

-Qui est-ce?
-Montre.

Je prend le cadre entre mes mains et retourne m'asseoir à côté de Nick. Je lui donne le cadre, et ses lèvres s'étendent.

-Alors?
-La blonde, c'est ma petite soeur. Et l'autre, c'est ma mère.
-Quel âge a-t-elle?
-Vingt-trois.
-Elle est belle. Et ta mère, elle vit où? Tu ne m'as jamais parlé d'elle.
-Elle vit ici. Pas très loin. Et je ne parle pas beaucoup de ma famille.
-Pourquoi?
-Je les préserve, et ensuite, ce n'est pas facile.
-Nick... Tu peux tout me dire, tu le sais.
-Mon père est mort, il y a cinq ans.
-Je suis navrée pour toi.
-Ma mère est fatiguée. C'était l'amour de sa vie, elle reste forte, mais se bat sans grande envie. On essaie d'être avec elle, alors ma soeur est partie vivre avec elle, ce qui n'a pas plus à son petit-ami, qui l'a quitté il y a quelques mois. Tu ne sais même pas à quel point j'aimerai le tuer, pour le mal qu'il lui a fait, et qu'elle ressent encore.
-Nick, je pense que c'est un mal pour un bien. Elle se rapproche de vous, et une personne toxique quitte sa vie. S'il l'a quitte pour cela, alors il ne l'a mérité pas. Elle rencontrera quelqu'un plus tard, qui sera là pour l'aider dans des phases difficiles pour elle. Elle est triste maintenant, mais le temps pensera ses blessures.
-Tu as raison, je le sais. Mais...
-Je sais. Tu veux lui écraser sa tête contre un mur et lui mettre un bon coup de pied au cul.
-Exactement.
-Il n'en vaut pas la peine, réellement. Pense plutôt à êtrepour elle.
-Tu as raison, et tu sais raisonner les gens. Ainsi qu'accepter d'être mal traité.
-Comment cela?
-Lors de la fête chez Peter, et que ton amie Coraline s'est blessée. J'étais là. Et je l'ai vu et entendu de parler comme si tu n'étais rien. Je n'aurais pas supporté à ta place.
-Je sais que l'alcool ne lui laisse pas idée en place, cela fait presque vingt ans que nous nous connaissons. Elle était blessée en plus, elle avait mal, elle avait besoin de déverser sa colère et sa douleur. J'étais là. Moi, ça ne m'atteint pas, elle l'aurait dit à Clémence, j'aurais aussi dû régler une dispute.
-Bouquet émissaire.
-Punching-ball.

Il me lance un coup de poing dans l'épaule, m'arrachant un juron, ainsi qu'une envie de le tuer.

-Je suis boxer.
-Mais tu es un grand malade! On ne frappe pas les femmes!
-Ça ne compte pas, tu es non binaire, alors je ne peux pas savoir.
-Excuse toi, où je te fais regretter.
-Mais bien sûr.

Je le frappe au milieu de la cuisse. Il lâche un genre de grognement animal, me faisant exploser de rire.

-Ne jamais frapper une fille de militaire.
-Je veux bien te croire. Tu m'as cassé l'os!
-Tout de suite les grands mots.
-Malade.
-Répète.
-Tu es folle.

Je me jette sur lui, voulant le chatouiller, mais finalement il se retrouve au-dessus de moi, à me chatouiller. Je ris aux éclats, ne supportant pas les chatouilles.

-Nick, lâche moi!
-Tu m'as attaqué, alors je me venge.
-Je t'en supplie!
-Appelle moi:"seigneur".
-Tu peux rêver!
-Très bien.

Ses mains glissent vers mes reins, faisant redoubler mon rire, mais aussi la désagréable sensation.

-Je t'en pris, seigneur!
-Voilà!

Il me relâche, mais ne se relève pas. Il le fixe, sans rien me dire. Une lueur de tristesse passe dans son regard, ce qui m'inquiète. Il doit repenser à son père et à sa famille.

-Prends moi dans tes bras, Nick.
-Viens là, ma belle.

Il se redresse et en un claquement de doigts, je me retrouve collée contre son torse, entourée par ses bras musclés. Une agréable sensation de sécurité et de bien-être m'englobent. Je ferme les yeux, me concentrant sur les battements de son coeur.

-Je ne sais pas ce que c'est que de perdre un proche, mais je sais que lorsque mes parents étaient encore dans l'armée, un jour mon père est revenu de mission, l'air décomposé. Il semblait réellement anéanti. Sans qu'ils ne le sachent, j'ai écouté mes parents ce soir ci. Mon père a raconté à ma mère que son meilleur ami, Jonathan, était mort. Sous ses yeux. Et le lendemain, pour le réconforté, je l'ai pris dans mes bras, comme tu me prend en ce moment, et je l'ai serré le plus fort que j'ai pu contre mon petit corps pour le rapprocher de mon coeur. Alors, non, je ne comprends pas ta douleur, mais tu peux me la partager, et je peux te réconforter.

La main -un peu tremblante- de Nick se balade dans mes cheveux, alors qu'il me rapproche encore plus de lui.

-Alors serre moi comme tu as serré ton père ce jour-là..."

Pari risquéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant