Chapitre 11

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Nous descendons, en même temps, de la voiture. Après son repas, Nick m'a embarqué, sans mon aval, dans sa voiture. Et puis il a roulé un peu, et il s'est garé. En sortant de la voiture, je remarque en face de moi de l'eau, puis du sable et des rochers. Je m'empresse d'aller marcher à pieds nus sur le sable. C'est une sensation que j'ai toujours aimé, et je ne m'en lasserai jamais. J'avais l'habitude d'aller marcher sur les plages, en France, avec mes parents. Le sable chaud me brûlait parfois la plante des pieds, mais paradoxalement, j'aimais beaucoup. Je m'approche de l'eau, regardant cette étendue sublime. Je me retourne un peu, et constate que Nick est allé s'asseoir sur les rochers. Je le rejoins, en escaladant maladroitement les grosses pierres. Je m'assois en tailleur dos à lui, ne voulant toujours pas lui adresser la parole.

"Tu fais la tête, miss?
-Ne me parle pas.
-Je prend ça pour un oui.
-Prend le comme tu veux.
-Tu aime?
-On est ?
-À Mississauga.
-Je sais, imbécile! Nous n'avons pas quitté la ville. Je te demande où nous sommes, quel est ce lieu quoi.
-Nous sommes au bord du lac Ontario.
-C'est vrai?
-Pourquoi je te mentirais?

Je me retourne vers lui.

-Car tu es un imbécile.
-Je ne suis que ça à tes yeux?

Je fais mine de réfléchir avant de sourire, d'avance fière de moi.

-Tu es aussi le petit puceau de ton groupe.

Ses yeux sortent de leurs orbites, ce qui me fais bien marrer.

-Ne dis pas de bêtises jeune fille, cela peut se retourner contre toi.
-Ce n'est pas de ma faute si ta personnalité est un frein à la perte de ta virginité.
-Tu veux jouer? On va jouer.

Il me regarde, longuement. Trop à mon goût, à vrai dire. Il scrute chaque parcelle de mon corps, et pour la première fois de toute mon existence, j'ai l'impression d'être complètement nue face à un homme, alors que je suis bel et bien habillée.

-Arrête de me regarder.
-Cela te gêne?
-Non. Mais...
-Tes joues sont rosées, ta respiration irrégulière, tes yeux apeurés. Aucun homme ne t'a jamais réellement regardé. Ton corps est encore un mystère, et même pour toi-même. Je n'y crois pas! Tu me traite de puceau alors que tu es encore vierge!

J'avale difficilement ma salive. Autant, au début, cela m'amusait, mais plus maintenant. Je baisse la tête et détourne le regard. Je ne saurais dire si je ressens de la honte car il a su deviner facilement que je suis vierge, ou honte de l'être.

-Laisse-moi...
-J'ai raison, Ella?
-Oui! Et alors? Tu vas aller le dire au monde entier?
-Calme toi, tigresse. Moi je m'en fous, ça prouve juste que tu es une fille...
-Coincée, je sais.
-Admirable.

Je le regarde, surprise. Admirable? D'être encore vierge?

-Vraiment?
-C'est jolie à dire, tu es vierge.
-Dis pas ça. Ça fait réellement coincée.
-Ella John, tu es vierge.
-Toujours coincée.
-Arrête de dire ça! Qui ose te mettre cette idée en tête?
-Toi et ton espèce.
-Comment ça?
-Voyons Nick, vous, les hommes, une fille vierge vous fait fuir. Vous avez peur, et tu sais pourquoi? Parce que vous pensez qu'elle est coincée, et qu'elle ne vous apportera pas un bonheur sexuel.
-Je ne pense pas. Moi j'aime bien l'idée que tu n'ai toujours pas perdu ta virginité.
-Il fut un temps, on aurait appelé ça "vertue ultime".
-J'aime penser que tu possède encore ta vertue ultime.
-Nick...

Je me sens gênée d'avoir cette conversation avec lui, et qu'il dise tout haut ce que je cache le plus. Je passe mes mains froides sur mes joues totalement enflammées. Je suis certaine d'être rouge écarlate, et je suis certaine qu'il le voit.

-Juste à titre informatif, tu as quel âge?
-Vingt-six.
-Vingt-six!?
-Oui...
-N'ai pas honte, pas avec moi.
-Tu as quel âge, toi?
-Vingt-huit, bientôt.
-Et...tu n'es pas puceau, c'est ça?
-Loin de là, oui.
-Ça fait quoi de faire l'amour? Je ne parle pas d'une partie de jambe en l'air, comme ça, je parle de faire l'amour à une personne.
-Je ne sais pas, pour être honnête.
-Tu ne sais pas?
-Non, je ne sais pas.
-Enfin pourquoi? C'est absurde, tu...
-Je n'ai jamais été amoureux.

Je le détaille un instant. Je lis la sincérité dans ses yeux, et pour tout dire, cela me touche.

-Nick...
-Ça fait peut-être badboy de dire ça, mais c'est la vérité.
-C'est humain de n'avoir jamais aimé. Ça ne fait pas de toi un "badboy" sans coeur, mais plutôt un homme courageux.
-Courageux?
-Bien sûr. De nos jours, on tombe amoureux en une semaine, et puis finalement ça ne marche pas car on ne prend plus le temps de connaître l'autre. Quand tu aimeras, tu seras épanoui comme tu ne l'as jamais sûrement été.
-Tu es déjà tombée amoureuse?
-Une seule fois.
-Et?
-Si ça ne tenait qu'à moi, je te dirais de ne jamais être amoureux. C'est le pire sentiment du monde.
-Ça ne sait pas bien passé?
-C'est un euphémisme... Lorsqu'il est parti, une part de moi est partie aussi.
-Qu'est-ce que cet homme a bien pu te faire?
-Il a été chercher ailleurs ce que je ne pouvais lui donner, tout simplement. Il m'a trompé.
-Comment peut-on faire ça à une femme comme toi? Ça se lit sur ton visage que tu es une personne extraordinaire, je ne sais pas comment on peut s'imaginer t'avoir et vouloir autre chose.
-C'est de l'histoire ancienne.
-Et maintenant, tu fais quoi de ta vie affective?
-Je la vis par procuration. À travers mes amis, et mes parents.
-Et ça suffit à ton complet bonheur?
-Pour le moment, je crois que oui.
-Pour le moment...
-Et sinon qu'est-ce que ça fait une partie de jambes en l'air? Entendre une femme murmurer ton prénom? Puis le crier, parce qu'elle est au septième ciel?

Nous ricanons, sentant l'atmosphère virer à l'humour, et quittant l'ambiance nostalgie et pleure.

-C'est plaisant, je l'avoue.
-Je comprend. Ton ego doit être gonflé à bloc.
-Un jour, tu verra mon ego "gonflé à bloc", je te le promets.
-Avec grand plaisir."

Je lui souris, amusée qu'il me tende une perche aussi grande pour me moquer encore plus de lui. C'est très naïf de sa part, de s'exposer ainsi à ma cruelle envie de le tourner au ridicule.

Pari risquéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant