Chapitre 22

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Je regarde mon portable sonner, pour la millième en une heure. Je rejette chaque appel venant de se numéro inconnu. Et pour cause: il s'agit de Nick. Je sais que c'est lui car entre chaque appel, il m'envoie des messages, et il m'a renseigné sur son identité. Je ne réponds à rien. Je suis partie il y a une heure du studio, et ma colère n'est pas redescendue. Je ne suis pas allée chez mes parents finalement, sachant pertinemment que j'aurais dû leur expliquer ma venue, et ils ne m'auraient jamais laissé partir après l'accident d'hier. Je préfère être seule. Cela fait une heure que je tourne dans la ville, sans aucune envie de rentrer chez moi, car je sais qu'il m'y attendra, s'il ne me cherche pas déjà partout. Et dire que je lui ai dit que je l'aimais! Que je le pensais réellement! Et que je le pense encore! Pourquoi a-t-il fallu que je retombe amoureuse, et que ça se passe de nouveau mal? Je ne savais pas qu'il était possible d'aimer une personne aussi fort, et aussi vite, mais que cette personne ne soit pas la bonne. Alors je n'étais qu'une distraction pour lui? Un pari qu'il voulait à tout prix gagner? Mes sentiments ne lui ont jamais paru comme plus important? Surtout après tout ce que je lui ai dis? Et depuis quand suis-je l'objet de ce pari? Tant pis, je rentre chez moi. S'il est là-bas, je l'ignorerais. Me trouvant assez loin, je décide de prendre les transports en commun. Après une trentaine de minutes, le transport me dépose quelques rues après la mienne. Je marche, ne voulant qu'une chose: dormir. Bon, nous sommes à peine en début d'après-midi, mais je suis complètement déprimée. Ces deux derniers jours ont été beaucoup trop fort en émotion pour mon pauvre petit coeur. J'arrive finalement à mon adresse, et rentre dans l'immeuble. Je n'ai pas vu la voiture de Nick, cela m'arrange. Je monte aussi vite que possible les escaliers, mais m'arrête en voyant Clémence assise sur mon pas de porte. Je ne suis pas sûre de pouvoir aller me coucher aussi tôt que je l'aurais souhaité. Elle lève les yeux vers moi, et soupire.

"On te cherchait partout. Je vais leur dire que tu es rentrée.
-Non, Clémence, s'il te plaît.
-Ella...
-Je ne veux pas qu'il vienne me voir, qu'il essaie de discuter, de s'expliquer. Il n'a rien à expliquer, tout est dans le terme "pari". Dis leur que je vais bien, et interdis à Nick de m'approcher.
-Oui, oui, je vais leur dire.
-Dis-lui que...je le déteste...

J'aurais tant voulu me retenir, tant ne pas craquer -du moins devant quelqu'un. Elle se lève et me prend dans ses bras.

-J'ai l'impression de retrouver la Ella d'il y a cinq ans... Celle qui a découvert qu'elle était cocue. Celle que t'a fait devenir Daniel.
-Je crois que là, c'est pire...
-Tu es amoureuse alors, beaucoup trop amoureuse.
-Je t'en supplie, fais-moi rentrer..."

Elle s'exécute, et me prend mes clés. Elle déverrouille ma porte, et en moins de temps qu'il n'en faut, nous nous retrouvons allongées sur mon lit, avec moi pleurant toutes les larmes de mon corps.

¤¤¤¤¤

Je fixe le regard vide mon plafond. C'est assez ironique pour une future psychologue d'être en souffrance. Mais c'est bien le cas. Je crois avoir sous-estimé la place de Nick, et l'attachement que je lui porte. On se retrouve perdu lorsque la seule personne qui pouvait sécher nos larmes est celle qui nous fait pleurer. J'en veux terriblement à Nick. Mais je l'aime, et j'aimerai qu'il me prenne dans ses bras. Les seules idées qui m'empêchent de l'appeler son la trahison et l'hypocrisie. Il m'a trahi, et cette trahison a entraîné de l'hypocrisie. Si son seul but était de me mettre dans son lit, alors il a fait semblant avec moi. L'envie de le tuer est aussi forte que l'envie de le voir. Sans Clémence et Coraline, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Ce qui est sur, c'est que je sais ce que j'aurais fait. Je n'aurais pas mangé, j'aurais fumé toutes les cigarettes de mon appartement, et j'aurais pleuré sans m'arrêter. Une masse s'effondre à côté de moi sur le lit.

"Lève-toi Ella. Tu ne vas pas passer ton après-midi allongée, me dit Coraline.
-Pourquoi faire?
-Je ne sais... bouger les meubles! On va refaire l'agencement de ton appartement, tu verras, tu t'y sentira encore mieux.
-Je ne sais pas.
-Moi je sais!

Elle se lève et tire sur mon bras. Je la suis à contre coeur. Arrivée au séjour, elle me tire vers le canapé, où Clémence est installée, sur son portable. Ses pieds sont posés sur la table basse, comme avait l'habitude de le faire Nick. Je me rappelle, je lui mettais des coups de pied pour qu'il les retire. Je sens une larme couler sur ma joue, vite suivit par une autre.

-Non. On ne bouge rien.
-Tu verras, tu te sentira plus...
-Non! Je ne veux pas!
-Alors on ne bouge rien, me rassure Clémence.
-On peut regarder notre album photo, propose Coraline.
-Bonne idée."

Coraline prend dans ma bibliothèque l'album, et nous nous installons sur le canapé. Au même instant, on sonne. Je regarde mes amies, paniquée. Clémence se lève, me faisant signe de respirer, de rester calme, et de me détendre. Elle se dirige vers l'entrée. Enfin, on l'entend pousser un cri de joie, puis elle revient en compagnie de Peter. Il nous salue, et son regard se porte sur moi, avec pitié, tristesse, et un brin d'excuse dans le regard.

"Comment te sens-tu? me demande-t-il.
-Mal.
-Je comprends. Nick ne semble pas non plus...
-Je m'en fous. Tu vas lui dire qu'il arrête de m'appeler, qui ne cherche pas à m'expliquer, à s'excuser, à me contacter, ou à me prendre par les sentiments. De toute façon, il ne sait pas ce que c'est, les sentiments. Il joue avec. C'est un manipulateur, et j'espère qu'il tombera amoureux, et que la fille l'ignorera ou le blessera comme il a su si bien le faire.
-Tu sais, au départ ça partait d'une blague entre amis, aucun de nous ne pensait...
-Tu as entendu ce que je t'ai dit?
-Oui.
-Alors tu lui diras, et tu n'ajoute rien! Personne n'ajoute rien. Pour moi, Nick n'existe plus..."

Pari risquéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant