Chapitre 17

252 25 6
                                    

Nous ne nous étions pas débarrassés tout de suite de Mary, à mon plus grand regret. Elle était montée avec nous dans la voiture jusqu'au quartier du gouvernement, et s'était même assise entre nous deux. Ça ne faisait pas une journée qu'elle était avec moi et je n'en pouvais plus. Comment allais-je tenir les mois qui me restaient ?

Comme à son habitude, le quartier du gouvernement était pratiquement vide. Quelques soldats faisaient leur ronde habituelle. L'ancienne maison de Drake, entourée d'échafaudages, portait encore les marques de l'incendie. Il y avait comme une aura noire qui s'en dégageait, comme si le Saint cherchait à dissuader quiconque de s'en approcher. Pourtant, je n'arrivais pas à en détacher le regard. Les images de cette nuit-là me revenaient. La discussion avec Naomi sur le balcon, l'agitation, la foule, tous ces gens qui se bousculent et se piétinent, les flammes et le sang.

J'ai fermé les yeux un instant pour effacer ces souvenirs. Je ne voulais pas revivre cette soirée.

Le véhicule s'arrêta devant la maison de Connor, aussi majestueuse et somptueuse que les autres. Le bâtiment était si grand que je n'arrivais pas à me faire à l'idée qu'il avait pu y vivre seul, et que bientôt nous emménagerons dedans. Mon ancien appartement faisait encore plus ridicule face au mastodonte qu'était cette bâtisse.

Mary est sortie avec nous mais elle nous a laissé au pied des marches. Il n'était pas dans son droit de les gravir, elle travaillait pour le Temple, pas directement pour le gouvernement, l'accès aux bâtiments de ce quartier lui était donc interdit. Elle détestait cette idée de rester en arrière et ne pas pouvoir nous surveiller, je l'avais vu à son expression. Et j'étais certaine qu'une fois qu'elle le saurait, Mère Georgia me ferait la réflexion puis la morale sur l'importance de garder Mary tout le temps à mes côtés puisque ce n'était que dans mon intérêt si elle était là.

À l'instant où Connor a refermé la porte d'entrée derrière nous, j'ai lâché un long soupir et ai fermé les yeux pour profiter pleinement de cette liberté éphémère. Seul le regard du Saint pesait encore sur moi mais en toute honnêteté, je m'en fichais royalement. Tout ce qui m'importait, c'était cette tranquillité que je recherchais tant.

« Il faut que tu parles de ta situation à ma grand-mère. »

La voix de Connor m'avait surprise, me faisant rouvrir les yeux et me tourner vers lui en fronçant les sourcils.

« Elle t'aidera, j'en suis certain, avait-il enchaîné. En tant qu'ancienne Servante et Première Dame, elle a bien plus d'influence que tu ne peux le croire, elle en a certainement plus que ma mère. Elle va trouver un moyen de calmer Mère Georgia et te débarrasser de Mary, le Temple sera moins sur ton dos si elle se porte garante pour toi. Je peux lui parler si tu as peur qu'elle ne t'écoute pas, lui expliquer que ça te pourrit la vie. Je suis sûr qu'elle peut faire quelque chose.

–Et si ça empirait la situation ? Et si Mère Georgia devenait encore plus hargneuse en apprenant que je fais tout pour me débarrasser d'elle ? Est-ce que ça ne lui donnerait pas une raison de plus qu'être encore plus après moi ?

–Mère Georgia n'osera pas la défier, le rang de ma grand-mère est supérieur. S'il y a une personne que craint plu que tout Mère Georgia, c'est le Saint, et si elle s'attaque à ma grand-mère, Il n'en sera pas ravi.

–Mais peut-être que ta grand-mère ne souhaitera pas m'aider à cause de la tardivité de ma grossesse.

–Elle est loin d'être stupide, elle sait comment ça marche et que nous n'avons aucun contrôle là-dessus. Ce qui lui importera, c'est que tu sois tombée enceinte et que le bébé se porte bien. Le reste, ça lui passe au-dessus. »

Je réfléchissais à toute vitesse. Willa Combs détestait Naomi Price, alors pourquoi est-ce qu'elle m'aimerait moi ? Et pourquoi est-ce qu'elle m'aiderait après tout ce qui a été dit à mon sujet ? Mais la proposition était plus qu'avantageuse pour moi. Si ça pouvait me permettre de me débarrasser de Mary et de m'éloigner de Mère Georgia, je devais le tenter.

ServanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant