Chapitre 18

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La semaine qui passa ensuite fut des plus calmes. Je m'étais habituée, petit à petit, à la présence de Mary. Mais ce qui me peinait le plus, c'était de ne plus pouvoir parler à Gianna comme avant. Il ne lui était plus possible de venir dormir avec moi, de s'asseoir avec moi dans le salon pour que nous puissions parler autour d'une tasse de thé. Elle avait à peine le droit de me sourire. Même ce petit détail, Mary le remarquait et le notait dans son rapport. Tout ce dont j'avais peur, c'était que Mère Georgia se méprenne sur toutes ces petites marques d'affection et que Gianna le paie.

Et j'aurai dû être plus méfiante. Si seulement je l'avais été, si seulement...

Le Saint tisse votre avenir, paraît-il. Il vous regarde à la naissance et sait exactement ce que vous deviendrez, Il écrit Lui-même nos histoires dont nous ne sommes, finalement, que les acteurs. Et Gianna... son destin aurait dû être écrit autrement.

Je n'ai que très peu vu Connor durant cette semaine. Il était sans cesse demandé par son père afin de préparer leur départ et surtout, leur absence. Elle ne devait pas se ressentir, Prioratum ne devait pas ressentir que son gouverneur n'était pas en charge. Comme si Willa Combs, Naomi Price et moi n'étions pas capable de faire la même chose qu'eux.

J'appréhendais énormément. Parce que son père lui prenait tout son temps, Connor ne pouvait même pas en prendre pour m'expliquer les choses essentielles. C'est Mère Georgia qui jouait les professeurs, ou du moins, avait essayé. La seule chose qu'elle m'avait dite était de prier le Saint pour qu'il m'aide à faire les bons choix. Comme s'Il allait me parler. Il ne l'avait jamais fait en 21 ans, pourquoi le ferait-Il à ce moment ?

Ce ne fut que la veille du départ que Connor eut un peu de temps à m'accorder. Son père l'avait laissé partir un peu plus tôt pour qu'il puisse se préparer. J'étais dans ma chambre lorsqu'il est rentré, assise en tailleur sur mon lit à lire une énième revue parlant du Saint, une main sur le ventre. Mary était installée sur le fauteuil près de la fenêtre et avait commencé à rédiger son rapport.

Trois petits coups à la porte. Je me rappelle m'être fait la réflexion comme quoi Gianna était venue plus tôt que d'habitude pour le dîner, puis m'être dit que c'était peut-être la dernière recommandation de Mère Georgia. Mais ce fut bien Connor qui entra doucement et non pas Gianna.

« Bonsoir Lénore, Mary, comment est-ce que tu te sens ? »

J'avais à peine eu le temps d'ouvrir la bouche que mon chaperon s'était empressé de répondre à ma place.

« L'Honorée Servante Lénore est fatiguée ces temps-ci et a besoin de beaucoup de repos, surtout avec la semaine qui arrive. C'est pourquoi je me permets de vous demander, monsieur, de la ménager et de la laisser se reposer.

–L'honorée Servante Lénore peut parler pour elle-même, avais-je rétorqué. Je vais bien, merci, je me suis assez reposée pour aujourd'hui. Ton père t'a laissé partir plus tôt à ce que je vois.

–Oui, je dois être en forme pour demain selon lui. Est-ce que je pourrais te parler en privé dans mon bureau ?

–Bien sûr. »

Mary se leva immédiatement alors que j'avais tout juste posé le magazine sur la table de chevet.

« Je suis désolé Mary mais vous ne pourrez pas venir, lui avait dit Connor, nous allons discuter d'affaires qui concernent le gouvernement et vous n'avez pas le droit d'entendre ça. »

Elle grommela mais ne dit rien, ce qui m'étonna. Apparemment, Mère Georgia avait dû lui dire qu'elle n'avait pas sa place dans les discussions concernant Prioratum et la Nation, je ne voyais pas d'autre explication à son mutisme.

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