Servante

Chapitre 8

« Vous changez sans cesse de temps lorsque vous écrivez, est-ce normal ? »

Je déteste lorsqu'on me coupe, et le regard que je lance à cet homme le lui dit clairement.

« Je devais me perdre dans mes souvenirs. Vous savez, parfois ils vous assaillent et vous avez l'impression de les revivre. Ça m'arrive très souvent. Et puis je ne suis pas autrice, je suppose que j'avais tellement de choses à raconter que je n'ai pas pris le soin de m'attarder là-dessus. Puis-je reprendre à présent ? À moins que vous ayez changé d'avis et que vous ne vouliez plus entendre cette histoire de ma propre bouche.

–Non, allez-y, reprenez. »

Tout s'est passé si vite après ça, trop vite peut-être. Mère Georgia était si heureuse qu'elle m'a prise dans ses bras, ce qui, pour moi, a été la chose la plus surprenante de cette journée. Je voyais bien que Connor souhaitait faire la même chose mais nous n'en avions pas le droit. Et puis Gianna souriait à pleines dents.

Le choc de la nouvelle passée, je ne pensais qu'à une seule chose : les gens arrêteraient de voir en moi une pécheresse, un échec. Et même si c'était réellement le cas, personne ne le savait et on ne pourrait plus jamais me reprocher de ne pas savoir donner d'enfants.

Nous sommes tous les quatre sortis du Centre de Santé, Connor marchait continuellement derrière nous, mis à l'écart par Mère Georgia qui ne cessait de donner des instructions strictes à Gianna quant à notre nouveau mode de vie et qui me chouchoutait un peu trop. À l'entendre parler, la moindre brise pourrait m'être dangereuse.

« Le vert ne te sied plus ma chère, nous allons te changer et tu iras rencontrer le gouverneur puisque maintenant tu fais partie de sa famille. »

Je me suis arrêtée un instant. Je n'avais pas encore réalisé ça. En portant l'enfant de Connor, je devenais un membre à part entière de la famille Blademow. Encore des problèmes en plus.

« Qui a-t-il très chère ? »

Mère Georgia avait délicatement pris ma main et me souriait. Ce comportement ne lui ressemblait définitivement pas, surtout avec moi.

« Ce n'est rien, je suis simplement fatiguée.

–Fatiguée tu dis ? Par le Saint ce n'est pas bon. Gianna, courrez voir le chauffeur pour lui dire de se rapprocher davantage et nous allons reculer le rendez-vous avec le gouverneur à ce soir pour que tu puisses te reposer Lénore.

–Non ! Ne dérangez pas le gouverneur, son emploi du temps doit être suffisamment chargé. Et puis je peux marcher jusqu'au van Mère Georgia, ce n'est qu'une fatigue passagère, le contre-poids de la bonne nouvelle.

–Pour être une bonne nouvelle, ça s'en est une ! Mais si la moindre chose ne va pas tu me préviens et nous changeons nos plans. Le gouverneur saura s'adapter, surtout pour celle qui porte son héritier. Allons, ne traînons pas ! »

Nous avons descendu les marches précautionneusement, Mère Georgia me tenant la main, plaçant l'autre dans mon dos comme si elle craignait que je ne tombe. Puis elle m'a aidée à monter à l'arrière du van, a arrangé quelques coussins dans mon dos.

« Est-ce que tu te sens bien ?

–Oui Mère Georgia.

–Tu es sûre ?

–Totalement. »

Elle m'énervait déjà. Et dire que j'allais devoir la supporter jusqu'à la fin de cette grossesse, ce serait un miracle si nous ne nous entretuons pas avant.