Chapitre 23

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« Rappelez-vous mesdemoiselles, vous êtes le fruit de deux êtres hautement compatibles génétiquement, le Saint vous a faites presque aussi parfaites que lui. Certaines le sont plus que d'autres et celles-ci, Il les choisira, en temps voulu, pour qu'elles puissent effectuer Son travail. »

Je me souviens que Mère Danielle avait déclamé son petit discours en ayant les bras levés vers le ciel, comme si elle attendait que le Saint Lui-même lui apparaisse et confirme ses dires. Mais rien de tel ne s'était produit.

« Mais surtout souvenez-vous, avait-elle continué, souvenez-vous que si vous êtes ici c'est parce que le Saint n'a pas considéré vos géniteurs comme des hommes assez parfaits pour pouvoir vous élever, vous, Ses chères et tendres filles. Tenez par exemple, Sœur Lénore, pourquoi ne vous a-t-on pas laissée avec votre géniteur ? »

Tous les regards avaient convergé sur moi, jeune enfant que j'étais. Quel âge avais-je lorsque j'ai vécu ceci ? Neuf, dix ans peut-être.

« Parce qu'il n'est pas capable de m'élever aussi bien que vous, avais-je répondu comme une enfant qui récitait sa leçon.

–Et pourquoi n'a-t-il pas cette capacité ?

–Parce que le Saint ne le considère pas comme un être parfait pouvant poser ses yeux sur l'un de Ses enfants. Mon géniteur était tout juste assez bien pour faire partie de la procréation.

–Auriez-vous préférer grandir avec cet homme, Sœur Lénore ?

–Non, Mère Danielle, le Temple est ce qu'il y a de mieux pour moi, grâce au Saint.

–Oui, par Sa grâce et Sa grande bonté, avait soufflé la Mère, le sourire aux lèvres, avant de se tourner vers l'ensemble des Sœurs présentes. Est-ce que quelqu'un ici aurait préféré vivre auprès de ses géniteurs ? »

Personne n'avait répondu, personne n'avait levé la main. Nous étions toutes en train de regarder fixement ce tableau noir vierge de toute écriture mais qui, pourtant, gardait les traces de choses mal effacées. De la poussière de craie, de la poussière de mots, rien de plus.

« J'ai une autre question, avait repris Mère Danielle en se baladant entre les tables, et elle sera pour vous Sœur Estel. Lorsque vous serez autorisées à sortir du Temple, aurez-vous le droit d'aller rendre visite à l'un de vos géniteurs ?

–Non, Mère Danielle, avait répondu mon amie d'un ton monotone.

–Et pourquoi ça, Sœur Estel ?

–Parce que c'est interdit.

–Parce que c'est interdit..., avait répété la Mère. Et pourquoi cela ?

–Notre génitrice doit se concentrer sur le travail que le Saint lui a donné et ne doit pas être distraite par l'un des enfants qu'elle a pu porter, et notre géniteur n'est pas en droit de poser ses yeux sur nous, nous sommes trop parfaites pour qu'il puisse nous regarder. »

Je me souviens du sourire satisfait de Mère Danielle. Nous avions bien retenu sa leçon et elle avait dû s'en féliciter.

Pas assez parfaits pour poser les yeux sur nous... Qu'allait-il se passer lorsque je verrais mon père ? Je n'avais pas cessé de me poser cette question. Les paroles de Mère Danielle, celles d'Estel et les miennes me revenaient sans cesse en tête. Qu'était-ce, un homme parfait ? Et comment distinguer la perfection de ce qui n'en est pas ? Ça, on ne nous l'avait jamais appris, ce que je trouve dommage puisque le Saint semblait apporter une attention toute particulière à cette perfection.

Et Connor, était-il considéré comme un homme parfait ? Je suppose que oui puisqu'il était, après tout, un descendant du Saint. Mais qu'est-ce qui faisait de lui quelqu'un de parfait aux yeux du monde ? Qu'avait-il de plus que quelqu'un d'autre ? Mais cet argument de perfection ne fonctionnait pas sur tous les descendant du Saint, Drake étant stérile il ne rentrait pas dans cette case. La fertilité rentrait donc en jeu. Mais mon père était fertile, alors pourquoi le Saint ne l'avait pas considéré comme parfait ?

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