Le matin arriva un peu trop rapidement à mon goût. J’avais le corps encore un peu endolori par les évènements de la veille. J’ouvris les yeux et je vis le soleil tenter de percer le vieux battant qui couvrait la fenêtre. C’était agréable de ne pas se réveiller avec sa lumière dans la figure et les quelques rayons qui touchaient l’intérieur de la pièce rendait cet endroit chaleureux. Je ne savais pas si Aimee était réveillée, en tout cas elle ne faisait pas de bruit. Je profitais encore un peu du lit avant de devoir me lever pour commencer la journée. Il était plutôt confortable, bien plus qu’une pile de vieilles fripes posées à terre, et m’avait permis de bien me reposer pour attaquer cette nouvelle partie de ma vie. J’appréhendais un peu la suite des évènements, je ne savais pas ce qu’allaient penser les habitants de cette maison quand ils sauront que leur domestique avait fait entrer une inconnue dans la maison, mais je n’avais nulle part où aller pour le moment, donc je devais à tout prix m’intégrer ici. Il n’y avait aucun bruit alentour, j’en concluais que la demeure devait être encore endormie. Ce qui n’était plus le cas de ma partenaire de literie car je sentis du mouvement venant de ma gauche. Je tournais la tête en sa direction pour lui souhaiter le bonjour avec un grand sourire. Je la vis ouvrir les yeux. Elle prit conscience de l’environnement en balayant la pièce du regard.
« Chambre. », murmura-t-elle, « Je ne me suis pas perdue. »
Elle continua à observer l’endroit jusqu’à poser ses yeux sur moi. En me voyant, ses yeux s’agrandirent de surprise. Elle sursauta et poussa un cri silencieux avant de tomber du lit dans un bruit sourd. Je pouffai de rire alors qu’elle se relevait en se frottant le dos.
« J’avais oublié que tu étais là. », marmonna-t-elle, « J’ai l’habitude d’être seule dans cette chambre depuis… un bon bout de temps. »
« T’es marrante. », rigolai-je.
Elle me tira puérilement la langue avant de se diriger vers l’armoire en enlevant sa chemise de nuit. Elle ne portait pas grand-chose dessous, rien qu’une pièce de tissu couvrant le bassin. J’observais son dos portant quelques cicatrices sur la charpente dessinée par les épreuves qu’elle a dû subir dans son passé. Je ne voulais pas lui poser trop de question, après tout je ne savais pas si elle avait d’en parler ou non et je ne préférais pas tenter ça maintenant. Je détournai le regard de son corps, peu importe l’époque, c’était assez déplacé de fixer quelqu’un comme ça, d’autant plus qu’on ne se connaissait pas beaucoup. Je préférai diriger mon regard vers les autres éléments de la pièce faiblement éclairée. Je ne remarquai rien de plus qu’hier à part une odeur de lavande, je me demandais d’où elle pouvait provenir puis je remarquai les quelques branches disséminées dans la pièce. Je n’avais pas dû les sentir à cause de l’état de ma robe actuellement dans un coin de la pièce en train de sécher, ce qui ne devait sûrement pas fonctionner étant donné qu’elle était roulée en boule. Je décidai de me lever et de me rapprocher de l’armoire où Aimee était toujours en train de se choisir un ensemble. Elle opta pour un habit classique de servante, composé d’une robe noire recouverte par un tablier blanc légèrement grisé par la saleté qui s’était emmagasinée.
« Il va falloir que je nettoie ça. », marmonna-t-elle.
Elle se retourna et sursauta en me voyant juste derrière.
« Bon sang ! Préviens-moi quand tu fais ça. Je ne savais pas que tu étais levée… Bien dormi ? »
Je hochai la tête en pouffant de rire.
« Oui, j’en avais besoin. Il y a des vêtements pour moi dedans ? »
« Hmmm… Sûrement, j’ai récupéré toutes sortes de trucs ici, de vieux vêtements que madame ne voulait pas. »
Elle fouilla pendant quelques secondes et ressorti une vieille robe beige aux motifs abstraits.
« Tiens, essaie ça. »
Elle se retourna et j’enlevai ma chemise de nuit pour enfiler l’habit. Il m’allait plutôt bien, même s’il était relativement long au niveau des jambes, je marchais presque dessus. Il fallait que je fasse attention.
« C’est bon. », fis-je.
« Woaw. », souffla-t-elle en me faisant à nouveau face.
Son regard me parcouru de haut en bas, s’arrêtant à peu près partout. Ce fut suffisamment long pour me mettre le rouge aux joues.
« Tu es magnifique… Enfin j’veux dire la robe te va super bien, enfin j’veux dire tu la portes bien, enfin j’veux dire… »
« Arrête. », la coupai-je avec un sourire, « J’ai compris, je suis jolie. »
Elle hocha la tête.
« Merci. », répondis-je, un peu gênée.
Nous restâmes quelques secondes en silence. Je la regardai jouer avec une couture de sa robe alors que son regard était fixé sur l’ancienne moquette qui recouvrait la pièce.
« Nous ferions mieux de… », commençai-je.
« Oh ! Non, ne t’inquiète pas, nous sommes le matin de Noël, les enfants n’ont pas besoin de nous, monsieur et madame Lewis non plus. »
« Alors qu’est-ce que nous… »
« Je vais te faire visiter la maison, tout ce que tu dois savoir puis je te présenterais au reste du personnel ainsi qu’à la famille. Ça te va ? »
J’acquiesçai lentement, réfléchissant à ce qu’il allait se passer.
« Parfait. », fit-elle en souriant, « Suis-moi. »
Elle prit une boîte d’allumette qui trônait sur sa table de chevet, en craqua une et alluma la bougie du bougeoir qui était juste à côté. Elle le saisit et se dirigea vers la porte. Comme promis, je la suivis et nous quittâmes ensemble la chambre. L’étage était toujours sombre, malgré la matinée qui était déjà entamée. Je ne distinguais pas grand-chose de plus que j’avais pu voir la veille. Aimee me montra les autres portes de l’étage et parle d’une voix bien distincte :
« Ici il y a la chambre des préposés à la cuisine, nous avons un couple de cuisiniers, Robert et Clara, un majordome, Herschel, et un plongeur, Edward. Au niveau des domestiques il y en a deux, moi-même Aimee, et Millie qui occupe la chambre du fond avec l’avocat de la famille, son mari, Theodore. Tu comprends donc que nous sommes une petite famille même au sein du personnel de maison. Il y avait une gouvernante à une époque, Gwendoline, mais elle nous a malheureusement quitté des suites d’une maladie inconnue. Elle était censée épouser Edward. Son absence a laissé un grand vide dans la maison donc ce serait mieux si tu pouvais éviter d’en parler. »
J’essayai de faire une note mentale dans ma tête de tout ce qu’elle me disait mais ayant peur de tout oublier, je décidai de tout noter dans le carnet que je gardais constamment sur moi. Je me dis qu’il faudrait que j’acquière une petite sacoche pour pouvoir l’y mettre ainsi que mon petit crayon graphite, que le docteur Lewis m’avait donné, ça pourrait m’éviter de le porter en permanence à bout de bras.
« Descendons. », continua-t-elle.
L’étage du dessous, à savoir le premier, était recouvert d’une moquette rouge bien entretenue, les murs était d’un blanc éclatant, propre comme au premier jour. Nous étions forcément dans les endroits habités par la famille.
« Voici le premier étage. », énonça-t-elle, « C’est ici que vivent les enfants de la famille, Eric et Gretchen. Ils ont chacun une chambre avec un lit, une armoire à vêtements et des jouets pour les divertir. Au fond à gauche nous avons une salle d’instruction, c’est là que la gouvernante enseigne aux enfants les choses de la vie, je t’avoue que je ne sais pas beaucoup ce qu’il s’y passe comme ce n’est pas mon domaine. »
Les bougies au mur étaient toutes allumées, le tout devait sûrement fonctionner au gaz comme la plupart de la ville à cette époque, même si voir Aimee le bougeoir à la main la veille m’avait fait croire que toute la maison s’éclairait entièrement à la bougie, comme au 17e. J’étais un peu rassuré-e de constater que ça n’était pas le cas. Toutes les portes étaient visibles, ce qui n’était pas le cas de celles du deuxième, qui manquait de lumière. Il y avait cinq portes : une plutôt beige, une marron, une marron très foncé et une blanche. Il y en avait aussi une rouge sang tout au bout du couloir.
« Il y a quoi derrière les deux autres portes ? », demandai-je.
« Derrière la porte blanche c’est… c’était la chambre de Gwen. Elle a été décontaminée et condamnée à la suite de sa mort, plus personne n’y met les pieds désormais. »
« Je vois… Et la rouge ? »
« C’est une chambre d’amis, elle est utilisée lorsque nous recevons des invités. »
« D’accord… Il y a une salle de bain ? »
« Les enfants ont leur propre salle de bain, située entre leurs deux chambres. Celle de la gouvernante et la chambre d’amis possèdent leur propre salle de bain. Monsieur William et madame Mary en ont également une juste à côté de leur chambre. Quant à nous, les domestiques, nous en avons une près des cuisines. »
« D’accord ! »
Cela faisait donc une maison avec au moins sept chambres et cinq salles de bain, définitivement une maison de riches.
« Les propriétaires doivent être très fortunés. », murmurai-je.
« En réalité c’est madame qui a hérité de ses parents, elle est la fille aînée d’une famille qui a fait fortune au siècle passé. Monsieur William a eu de la chance de pouvoir se marier avec elle. »
Elle marqua une pause, se demandant sûrement si elle avait le droit d’en parler de cette façon.
« Et si nous passions à la suite ? », proposai-je pour qu’elle ne se fustige pas mentalement trop longtemps.
Nous descendîmes complètement l’escalier pour arriver dans l’entrée. Il y avait du monde dans le salon mais Aimee préféra me tirer vers les cuisines pour les laisser tranquilles. Celle-ci était bien plus spacieuse que celle de monsieur et madame Lewis, mais elle y ressemblait beaucoup. Il y avait un fourneau, plus grand, une grande table en bois au milieu de la pièce avec tous les ustensiles et ingrédients ainsi qu’une multitude de plans de travail qui faisaient le tour de la pièce. Les murs et le sol étaient recouverts d’un carrelage blanc légèrement sali par l’activité qui régnait déjà dans la cuisine. Il y avait aussi des meubles en bois sur chaque mur, sûrement remplis d’assiettes, couverts et autres accessoires et récipients utiles. Le carré de plans de travail était rompu par une porte en bois, qui devait sûrement mener à la salle de bain.

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Emily
Science FictionPropulsé·e dans le passé après sa mort, Emily se retrouve embarqué·e dans une histoire menaçant le passé, le présent et le futur.