Nous n’étions pas seule dans cette pièce puisqu’il y avait un homme et une femme, actifs aux fourneaux. L’homme était plutôt jeune, environ la trentaine, de noir vêtu excepté un tablier blanc autour de la taille, déjà légèrement sali par le travail. Il avait des cheveux bruns, un peu plus foncé que sa couleur de peau qui tirait vers l’ocre. Il avait des yeux marrons caramel avec lesquels il regardait amoureusement une jeune femme qui travaillait à ses côtés. Elle était un chouïa plus grande et plus jeune que lui. Elle avait des cheveux blonds attachés en une queue de cheval et un uniforme noir recouvert par un tablier qui montait, celui-ci, jusqu’aux épaules. Elle avait de légers cernes au-dessous de ses yeux bleu acier ainsi que des oreilles qui pointaient discrètement. Je devais sûrement avoir affaire à Robert et Clara, les deux cuisiniers de la maison.
« Coucou les gens ! », s’exclama joyeusement Aimee, dont la voix était un peu couverte par l’eau d’une marmite qui bouillonnait sur le feu.
« Salut Aimee ! », rétorqua Clara avec un sourire.
Robert lui adressa un signe de tête ravi sans émettre un seul son. La cuisinière me remarqua et passa au rouge.
« Euh, je, grhgblmlbml… »
« Calme-toi, Clara. », lui fit ma nouvelle amie en rigolant, « ce n’est pas une propriétaire. Je te présente Emily, elle était sur le pas de la porte hier soir alors je l’ai recueillie. »
« Oh je… », commença la blonde.
Elle me regarda de haut en bas puis jeta un regard entendu à Aimee. Les deux semblaient se comprendre puisqu’elles partirent s’enfermer dans la salle de bain en un rien de temps. Je restai donc seule avec le cuisiner de la maison.
« Donc tu… tu es Robert, c’est ça ? », finis-je par dire.
Il acquiesça.
« Et donc tu es cuisinier ? »
Il hocha la tête à nouveau.
« J’ai remarqué que tu avais un certain regard envers Clara… Vous êtes ensemble ? »
Je vis le rouge lui monter aux joues.
« Pardon si la question est indiscrète. », répondis-je gêné-e.
Il fit non de la tête.
« Donc… il y a quelque chose entre vous ? »
Il opina de la tête une fois de plus.
« Ça se voit… Vous êtes chou, si je puis me permettre. »
Il ria silencieusement et je lui souris à mon tour. Aimee et Clara sortirent quelques instants plus tard de la pièce annexe.
« D’accord je comprends. », déclara cette dernière, « Tu es de la famille du docteur Lewis ? », me demanda-t-elle.
« Pas vraiment. », répondis-je, « Il m’a recueillie après… un accident. Il a pris soin de moi depuis. »
« Il a dû lui arriver quelque chose. », marmonna Aimee.
Je ne répondis pas, j’espérais qu’elle avait tort mais au fond de moi je savais que c’était trop tard.
« Et qu’est-ce que tu fais là ? », me questionna la cheffe.
« Je… »
« Elle souhaite intégrer la famille. », se précipita Aimee, sans que je ne sache trop pourquoi.
Une fois de plus, Clara me regarda de haut en bas.
« Pour quoi faire ? »
« Gouvernante, elle veut s’occuper d’Eric et Gretchen. »
Sa phrase eut l’effet d’une douche froide. Les yeux de la jeune femme s’agrandirent pour fixer tour à tour Aimee puis moi.
« Salle de bain. Maintenant. », dit-elle entre ses dents.
Elles disparurent à nouveau, me laissant encore avec Robert. Cependant nous n’étions plus dans le silence car Clara élevait suffisamment la voix pour que nous l’entendîmes.
« Tu te fiches de moi ?! Aimee t’es pas sérieuse ! »
Je me rapprochai de la porte pour saisir un peu plus de leur discussion, suivie par le cuisinier.
« …ce n’est pas si grave. », rétorqua une voix que je reconnu être celle d’Aimee.
« Pas si grave ?! Je te rappelle que Gwen est morte il y a à peine un peu plus d’un mois ! Et tu veux déjà la remplacer ?! »
« Je ne chercher pas à la remplacer, Clara, je veux juste aider Emily ! »
« Tu veux juste l’aider… Aimee ! Tu la connais à peine ! Elle vient de débarquer, on ne sait rien d’elle ! »
« Oui mais… j’ai le sentiment qu’on peut lui faire confiance. »
« Ben voyons ! Tu t’es encore entichée d’une pauvre fille. »
« A-arrête de dire des bêtises. Je cherche simplement à aider une personne qui vient de perdre son chez soi et qui n’a nulle part où aller. »
« Nghhhh ! Tu m’énerves ! »
Il y eut un silence durant lequel nous nous regardâmes avec Robert. Puis Clara reprit d’une voix un peu plus calme :
« Bon d’accord, mais je te préviens, c’est toi qui t’en occupes, je refuse de prendre part à ça. »
« De toute façon je ne comptais pas demander ton aide, tu es bien trop occupée. »
« Exactement. »
Nous sentîmes que leur conversation était terminée alors nous nous éloignâmes rapidement la porte pour reprendre nos places originelles. Clara me toisa en sortant et ne dit plus un mot. Aimee m’adressa un timide sourire avant de diriger son regard vers l’horloge de la cuisine.
« C’était sympa cette petite rencontre mais on doit y aller. », déclara-t-elle, « Merci Robert et Clara pour l’accueil. »
« Oui, merci ! », répondis-je.
Les deux cuisiniers me sourirent, même si je sentais que celui de la jeune fille était bien plus crispé. Nous sortîmes de la pièce et elle m’emmena vers le salon où se trouvaient la famille du docteur William. Je le reconnu de dos avec ses cheveux légèrement grisonnants, sa barbe et les branches de sa paire de lunettes rondes.
« Monsieur », commença Aimee, « excusez-moi de vous déranger mais puis-je vous présenter… »
« Emily ? », s’exclama le médecin en se retournant.
Je m’inclinais à sa vue.
« Je vois que tu t’es finalement décidée à venir. »
« Oui… Je suis désolée de n’être pas venue plus tôt… Je ne savais pas- »
« Peu importe. », me coupa-t-il, « Tu es là, c’est ce qui compte. Où sont Barney et Abigail ? »
« Ils… »
Ma voix se brisa et je baissai les yeux pour cacher mon regard triste.
« Qui est-ce ? », s’enquit la femme à ses côtés.
Elle était agenouillée près du sapin, dans sa chemise de nuit blanche. Elle avait de longs cheveux châtains qui descendait à la taille, d’ordinaire attachés. Elle avait aussi des yeux vert citron, un peu foncés donc, ainsi que la peau pâle, indiquant qu’elle ne sortait pas beaucoup, et les lèvres légèrement pincées. Enfin, un ventre arrondi par la grossesse se cachait discrètement derrière une robe de chambre rouge en coton.
« Mary, ma chérie, laisse-moi te présenter Emily, la fille d’Ezequiel Nightingale, qui vivait chez les Lewis. », annonça son mari.
« Vivait ? », fit-elle en fronçant ses fins sourcils.
« Apparemment, puisqu’elle est là. Où sont Barney et Abigail ? », me répéta-t-il.
Je sentis mes yeux s’embuer de larmes.
« Je-Je suis désolée, je crois qu’il leur est arrivé quelque chose d’horrible. », répondis-je en étouffant un léger sanglot.
« Mon dieu… », murmura la maîtresse de maison.
« C’est pour ça que tu es là… Tu as besoin d’un endroit où vivre ? »
Je hochai la tête sans dire un mot.
« Mary… »
« William, tu n’y penses pas, nous n’avons pas une seule chambre de libre. Et puis, je ne vois pas ce qu’elle pourrait faire. »
« Emily, où as-tu dormi cette nuit ? »
« J’ai… »
« Dans ma chambre. », répondit Aimee.
William tourna sa tête vers elle.
« Comment… ? »
Elle s’inclina.
« Pardon, monsieur. Je l’ai trouvée frigorifiée hier soir sur le pas de la porte. Elle disait vous connaître et m’a tendue un mot sur lequel j’ai reconnu votre écriture. Je l’ai donc fait entrer et comme tout le monde était couché, j’ai préférer la faire dormir avec moi, le temps que la journée arrive. »
« Deux femmes dans un même lit… », murmura Mary en touchant un médaillon en forme de croix.
Le docteur ne dit rien pendant quelques instants puis acquiesça.
« Tu auras dû nous en faire part mais tu as bien fait. »
« Merci, monsieur. »
« Quant à toi, Emily. »
Je relevai la tête.
« Oui, monsieur William ? »
« Si tu veux rester ici, il va falloir être intégrée à la vie de cette famille, tu crois pouvoir faire ça ? »
Je fis un oui timide.
« Mais enfin, William- », débuta Mary.
Le médecin lui fit signe de se taire.
« J’ai toujours un poste de gouvernante de libre, est-ce que tu t’en sens capable. »
« William, tu n’y penses pas ! Gwendoline est- »
« JE NE VEUX QUE PLUS PERSONNE NE PRONONCE CE PRÉNOM DANS CETTE MAISON, SUIS-JE ASSEZ CLAIR ? », s’écria-t-il d’une voix forte qui fit vibrer les murs de l’habitacle.
« Je disais. », reprit-il plus calmement, « Emily, gouvernante, cela te conviendrait ? »
Je hochai la tête sans un mot, un peu effrayée par son comportement.
« Bien ! Tu commenceras demain, aujourd’hui c’est jour de repos pour les enfants. Aimee te montrera tes quartiers. »
« Bien monsieur. », m’inclinai-je, imitée par Aimee.
« Maintenant vous pouvez vous retirer. », nous indiqua-t-il.
« Viens. », murmura Aimee en me tirant par la main.
Elle me conduit jusqu’au premier étage, vers la porte blanche.
« Attends-moi ici. »
Elle redescendit les escaliers, me laissant le temps de détailler la fameuse porte condamnée. Elle était d’un blanc étincelant, parfaitement nettoyé et entretenu. Je sentis un léger courant d’air provenir de dessous la porte, comme si les fenêtres étaient ouvertes. En tout cas le bas de la porte était sombre, indiquant que la pièce était plongée dans l’obscurité la plus complète. Ma nouvelle amie réapparut avec une clé à la main. Elle l’inséra dans la serrure et inspira un grand coup. Sa respiration était légèrement saccadée, elle n’était vraiment pas prête à ouvrir cette pièce à nouveau. Je posais ma main sur son épaule pour la rassurer. Elle tourna la clé et appuya sur la poignée.
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Emily
FantascienzaPropulsé·e dans le passé après sa mort, Emily se retrouve embarqué·e dans une histoire menaçant le passé, le présent et le futur.