Eric et Gretchen

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Durant les deux heures de marche qui s'écoulèrent sur le voyage vers St Thomas, je racontai à Aimee ce qui m'était arrivé·e entre mon départ par le portail et mon retour. Je lui parlai de l'autre Emily, du centre de recherche, de Flora, de Faravel, de Gwendoline aussi et enfin je lui parlai de Jack. Bizarrement lorsque je l'évoquai, elle ne sembla pas plus choquée que ça. Elle affichait même une mine grave.

« Il se fait appeler L'Éventreur, dans les journaux. », raconta-t-elle, « Cela fait quelques jours qu'il s'est fait connaître. Il sévirait dans Whitechapel et s'attaquerai aux prostituées, nul ne sait pourquoi il se livre à de tels actes aussi barbares. J'ai entendu parler de l'état des victimes, c'est tout bonnement inhumain. »

« C'est bien ce dont j'ai été témoin, une horreur sans nom. Grâce au sang-froid de Maya nous avons pu lui échapper, elle m'a dit que la présence de Jack était quelque chose d'immuable, que nous ne pouvions rien y faire. »

« Certaines atrocités ne peuvent être évitées. », murmura Aimee.

« La suite tu la connais, je suis arrivée devant chez les Duncan et tu m'as accueillie, avant de me gifler. »

« Je n'en suis toujours pas désolée d'ailleurs. »

Je pouffai de rire. Elle avait gardé son caractère malgré cette année de solitude, c'était plaisant à voir.

« Maintenant à toi de me dire ce qu'il s'est passé durant ces derniers mois. » , l'invitai-je.

Elle poussa un soupir de résignation.

« Comme je te l'ai déjà dit, les enfants ont changé du tout au tout le lendemain de ta disparition. Eric s'est mis à parler dans une langue incompréhensible, tout en ayant un comportement qui n'était pas du tout le sien, et Gretchen n'a plus prononcé un seul mot. De plus, elle s'est mise à dessiner des symboles étranges un peu partout. »

« Quels genres de symboles ? »

Elle haussa les épaules.

« Je ne saurais te dire. Cela ressemblait à une sorte de cercle divisé en trois par un Y. Elle s'est mise aussi à dessiner des schémas incompréhensibles. »

Plus elle parlait, plus certaines pièces semblaient s'assembler petit à petit dans mon esprit, dans un ordre logique. Mais j'avais le sentiment qu'il me manquait quelque chose d'essentiel, le tableau était incomplet. Nous nous rapprochâmes peu à peu de St Thomas, je ne connaissais pas la route mais mes jambes m'indiquaient que cela faisait longtemps que nous marchions.

« Donc monsieur et madame Duncan ont décidé de les placer sous surveillance nuit et jour à l'hôpital. », poursuivit Aimee, « Les premiers jours ils rentraient le midi et le soir pour manger et faire leur toilette. Mais petit à petit, le vide de la maison, laissé par l'absence des enfants, a commencé à leur peser. La suite je te l'ai déjà racontée. Ils ont viré tout le personnel de maison excepté la dévouée domestique. »

Elle marqua une pause dans son récit. Je n'ajoutai pas un mot, attendant qu'elle reprenne.

« Cela n'a pas été facile de me mettre à cuisiner, je n'avais encore jamais fait cela de ma vie. Fort heureusement, les cuisiniers avaient laissé leurs ustensiles et quelques livres de cuisine. Je me suis entraînée, nuit et jour, à produire quelque chose de simple pour commencer, après tout je n'avais que cela à faire. Petit à petit je me suis améliorée et c'est ainsi que je passais mes journées. Je nettoyais la maison, je faisais à manger puis je portais la nourriture à monsieur et madame Duncan. Rien de plus. »

Elle se tut à nouveau, je compris qu'elle avait terminé. Quelques minutes plus tard, un édifice que je n'avais pas revu depuis un long moment se dressait devant mes yeux.

EmilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant