Il s'écoula un mois avant que je ne puisse agir. Je ne sais pas si c'est parce que je n'arrivais pas à tenir en place en ce qui concernait les révélations que j'allais pouvoir découvrir, ou si c'était dû au fait que nous étions désormais deux dans ce corps à vouloir en apprendre plus. Toutes les semaines, le dimanche soir, nous nous retrouvions avec Flora dans cet endroit partagé de notre tête (que j'avais appelé "L'Entremonde"). Elle l'avait agrandi depuis notre première rencontre. Maintenant cela ressemblait à un petit village (vide bien évidemment, puisqu'elle était la seule habitante, en plus de moi). Celui-ci était composé de petits commerces, un majestueux beffroi au centre d'une petite place de village, une rivière traversée par un pont de pierres, le tout couvert par des chemins pavés, se changeant peu à peu en chemin de terre lorsque nous nous approchions de la forêt qui entourait la petite bourgade. Le style du village était très... victorien. Il y avait des demeures en bois, d'autres en brique et en mortier. Un petit havre de paix pour Flora qui se sentait plutôt à son aise ici (et c'était tant mieux). Elle ne s'expliquait pas comment elle avait tout créé. Chaque jour un nouvel élément s'ajoutait dans ce lieu, sans qu'elle ne sache trop pourquoi. Elle ne se plaignait pas trop d'être coincée ici, même si je sentais parfois qu'elle souhaitait regagner le monde des vivants.
Le lundi de Pâques arriva, plus rapidement que je ne le vis. Avec Flora nous avions répété plusieurs les fois les étapes de notre plan, il allait débuter à l'aube. Aimee était chargée de me réveiller lorsqu'elle se levait, à savoir quelques minutes avant le départ de Smith. Elle était chargée de me stimuler alors que je m'éveillais doucement, la tête encore embrumée par la fatigue. Dès que je fus d'attaque, je m'habillai en vitesse et me préparai à sortir de ma chambre dès lors que Smith ferait grincer les marches de l'escalier en bois. Nous attendîmes toutes les deux, dans l'obscurité de la chambre, sans un bruit, les oreilles en alerte. Nous étions tellement sous tension que lorsque la première marche craqua, nous sursautâmes.
« Bonne chance. », me murmura Aimee avant de me prendre dans ses bras.
« Ne t'inquiète pas, je reviendrais ce soir. », lui assurai-je avec un sourire qu'elle ne vit pas.
Discrètement, nous sortîmes de ma chambre. Je vis Smith s'échapper de la maison et je le suivis, laissant mon amie en haut des escaliers. En tentant de faire le moins de bruit possible, j'ouvris la porte de la demeure des Duncan et retrouvai le monde extérieur.
Enfin une bouffée d'air frais. Étant donné que je passais pas mal de temps enfermé-e entre les murs de la maison, j'en oubliais parfois à quel point c'était agréable de sortir prendre l'air. Une douce rafale de vent frais me caressa le visage. Nous étions bien au mois d'avril, le temps se réchauffait peu à peu. Les arbres, bordant la Tamise et les parcs, se garnissaient peu à peu de bourgeons et recouvraient leurs feuilles, tombées durant l'hiver. Les passants avaient opté pour un style un peu plus printanier, délaissant les capes et les gros manteaux pour des ensembles plus légers. Les oiseaux chantonnaient joyeusement l'aube qui pointait le bout de son nez, offrant un magnifique lever de soleil se reflétant sur les eaux du fleuve londonien. Il flottait dans les airs une odeur industrielle, mélangée à celle du renouveau du printemps. Mais je n'avais pas le temps de rêvasser. Je cherchais des yeux l'homme que je voulais espionner. Il disparaissait à l'instant à un coin de rue. Sans perdre un instant de plus, je m'élançais furtivement à sa poursuite. Je faisais en sorte de ne pas faire claquer mes chaussures sur le pavé. Il se faufilait dans des petites rues, à croire qu'il ne voulait pas être suivi (manque de bol pour lui).
Je ne sais pas combien de temps dura la filature, à traverser les petites rues de Londres, gardant une certaine distance entre lui et moi, pour ne pas être repéré-e. Tout ce que je sais c'est que le soleil était bien levé lorsque ma cible entra dans une maison à l'abandon, en plein cœur de la ville. Celle-ci était située dans une ruelle vide, donc personne pour regarder ce qu'il s'y déroulait. Je m'approchai d'une des fenêtres pour essayer de voir ce que tramait Smith, mais je ne le vis pas. À la place, il y avait une pièce de vie totalement ravagée, comme si on s'y était battu ou alors était-ce une immense tornade qui avait saccagé tout ce que la maison contenait. Il y avait un grand nombre de morceaux de bois à terre, provenant soit d'une table, soit d'un meuble, soit de chaises. Les seuls choses qui subsistaient étaient les luminaires au mur, bien que le verre des ampoules jonchât le sol. Ne voyant pas mon mystérieux individu, je décidai de me faufiler par la fenêtre dont le carreau avait été brisé, évitant soigneusement les bris de verre sous le bord de l'embrasure.

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Emily
Fiksi IlmiahPropulsé·e dans le passé après sa mort, Emily se retrouve embarqué·e dans une histoire menaçant le passé, le présent et le futur.